Alice n’est pas davantage Liouba, l’héroïne tchekhovienne de la Cerisaie qu’Eugénie Grandet, la sensible jeune fille imaginée par Balzac. Alice est sentimentale mais aucunement dépressive. C’est une battante qui se trouve juste secouée par des bouffées d’angoisse. Parce que les mauvaises nouvelles lui font de l’effet. Rien de plus normal, surtout quand on s’apprête à sortir de l’adolescence.
La jeune Alice pressent que la vie n’est pas un tapis de pétales de roses. Que les portables et Internet, s’ils ont modifié les codes de la communication, ne sont pas des remèdes à la solitude. Ce qui a changé c’est que les gens ont davantage honte d’avouer qu’ils se sentent seuls (p. 54).
On comprend vite qu’elle n’a pas auprès d’elle une maman qui la soutienne. Même pas une mère-araignée qui protège et dévaste, selon les mots de Louise Bourgeois. Juste une grande sœur qui devine tout et qui parvient toujours à régler les problèmes parce que la réalité ne lui résiste jamais longtemps. Tout cela agace prodigieusement Alice parce qu’elle veut vivre sa vie sans subir une influence et surtout pas marcher dans les traces de son ainée qui l’entraine voir les œuvres de cette extraordinaire artiste dont je me souviens de la dernière exposition parisienne.
Si Alice est anxieuse c’est à l’idée de se trouver confrontée à une absence de destin qui l’empêcherait de vivre réellement sa vie, comme cette Eugénie qui croyait se réaliser et qui n’a pas fait les bons choix. La jeune fille est bien décidée à ne pas attendre très longtemps que ses rêves s’exaucent.
J’ai emprunté avant-hier, pour écrire une chronique sur la pièce Bullet Park, cette analyse d’Irène Némirosvky qui estime que chez Tchekhov le sublime côtoie l’insignifiant et à laquelle Shaïne Cassim fait astucieusement référence (p.127). Une phrase que notre héroïne trouve « magique, irréelle, vitale et aride ».
De fait, les catastrophes majeures et mineures s’enchainent et percutent Anne-Louise sa fantastique sœur, Max, son pathétique beau-frère, Annabelle, sa très antipathique grand-mère, Alphonse, son romantique nouvel ami. Alice subit ainsi une vague d’impressions contraires, un tsunami émotionnel (p. 58) qui l’empêche de tourner rond. Momentanément.
Chacun de nous possède une Cerisaie imaginaire dans sa tête, çà s’appelle l’enfance et c’est un paysage éternel (…) qu’à un moment il faut savoir quitter pour avancer (p.147) même si le combat ne finit jamais en réalité. Il recommence, c’est tout. Et il faut toujours se relever, même en rampant.
N'allez pas croire que le livre est pessimiste. Il y a même des moments très joyeux comme le jeu des j'adore auquel s'affrontent les deux sœurs : l'une dit j'adore ceci ou cela, l'autre poursuit et celle qui ne trouve plus rien à annoncer a perdu. C'est plus sympathique que le ni oui ni non.
Je ne suis pas Eugénie Grandet se révèle être une jolie leçon de vie et nous sommes prêts, jeunes et vieux, à en recevoir tous les jours d'aussi belles.
Je ne suis pas Eugénie Grandet de Shaïne Cassim, École des loisirs, collection Médium, octobre 2011
La jeune Alice pressent que la vie n’est pas un tapis de pétales de roses. Que les portables et Internet, s’ils ont modifié les codes de la communication, ne sont pas des remèdes à la solitude. Ce qui a changé c’est que les gens ont davantage honte d’avouer qu’ils se sentent seuls (p. 54).
On comprend vite qu’elle n’a pas auprès d’elle une maman qui la soutienne. Même pas une mère-araignée qui protège et dévaste, selon les mots de Louise Bourgeois. Juste une grande sœur qui devine tout et qui parvient toujours à régler les problèmes parce que la réalité ne lui résiste jamais longtemps. Tout cela agace prodigieusement Alice parce qu’elle veut vivre sa vie sans subir une influence et surtout pas marcher dans les traces de son ainée qui l’entraine voir les œuvres de cette extraordinaire artiste dont je me souviens de la dernière exposition parisienne.
Si Alice est anxieuse c’est à l’idée de se trouver confrontée à une absence de destin qui l’empêcherait de vivre réellement sa vie, comme cette Eugénie qui croyait se réaliser et qui n’a pas fait les bons choix. La jeune fille est bien décidée à ne pas attendre très longtemps que ses rêves s’exaucent.
J’ai emprunté avant-hier, pour écrire une chronique sur la pièce Bullet Park, cette analyse d’Irène Némirosvky qui estime que chez Tchekhov le sublime côtoie l’insignifiant et à laquelle Shaïne Cassim fait astucieusement référence (p.127). Une phrase que notre héroïne trouve « magique, irréelle, vitale et aride ».
De fait, les catastrophes majeures et mineures s’enchainent et percutent Anne-Louise sa fantastique sœur, Max, son pathétique beau-frère, Annabelle, sa très antipathique grand-mère, Alphonse, son romantique nouvel ami. Alice subit ainsi une vague d’impressions contraires, un tsunami émotionnel (p. 58) qui l’empêche de tourner rond. Momentanément.
Chacun de nous possède une Cerisaie imaginaire dans sa tête, çà s’appelle l’enfance et c’est un paysage éternel (…) qu’à un moment il faut savoir quitter pour avancer (p.147) même si le combat ne finit jamais en réalité. Il recommence, c’est tout. Et il faut toujours se relever, même en rampant.
N'allez pas croire que le livre est pessimiste. Il y a même des moments très joyeux comme le jeu des j'adore auquel s'affrontent les deux sœurs : l'une dit j'adore ceci ou cela, l'autre poursuit et celle qui ne trouve plus rien à annoncer a perdu. C'est plus sympathique que le ni oui ni non.
Je ne suis pas Eugénie Grandet se révèle être une jolie leçon de vie et nous sommes prêts, jeunes et vieux, à en recevoir tous les jours d'aussi belles.
Je ne suis pas Eugénie Grandet de Shaïne Cassim, École des loisirs, collection Médium, octobre 2011
1 commentaire:
Mon billet sera en ligne demain. J'ai plus ressenti ce livre après coup que durant ma lecture...
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