Mimi Barthélémy est dans le souvenir de beaucoup de monde, en France et en Haïti, et de par le monde qu'elle sillonnait avec ses histoires. C'est une personne que l'on n'oublie pas. Si les conteurs trouvent aujourd'hui "naturel" de disposer d'une salle dédiée à cet art, à Chevilly-Larue, ils doivent savoir que c'est un peu à Mimi qu'ils le doivent.
Michel Jolivet, directeur du Théâtre de Chevilly-Larue et de la Maison du conte nous l'a rappelé en nous accueillant à la veillée qu'il avait organisée cet après-midi. A l'issue d'une résidence intensive de 4 mois dans la ville, Michel et Mimi s'étaient retrouvés au Séminaire des Missions, aujourd'hui maison de retraite pour les pères Spiritains, des missionnaires qui vont porter leur parole dans le monde entier, et particulièrement en Haiti.
Mimi relata que les élèves d'une école avaient beaucoup apprécié qu'elle leur raconte une histoire avec des gros mots. Un père leva alors le doigt pour réclamer cette histoire. Sûrement pas réplique Mimi. Une heure plus tard, elle avait terminé les contes prévus pour les pères quand l'un d'eux récidiva, le doigt levé. Mimi ne céda pas, estimant que les pères l'avaient suffisamment frustrée dans sa jeunesse pour qu'à son tour elle leur rende la monnaie de leur pièce.
Le maire de Chevilly avait assisté à la scène. Il décida ce jour-là de "s'occuper sérieusement de cette Maison du conte". Un gros mot avait eu le poids décisif d'une goutte d'eau...
J'avais annoncé cette veillée il y a quelques jours pour rendre hommage à Mimi. Beaucoup de ses amis sont montés sur la scène du théâtre cet après-midi qui pour chanter une chanson, qui pour raconter une histoire, qui pour lire un texte ... qui pour exécuter quelques pas de danse ...
Claire Garrigue a été pendant 35 ans à l'école de Mimimaitresse. Elle nous rappelle qu'un bisou c'est peu mais ça console de tout.
Magda Lena Gorska a enchanté la veillée de sa voix si pure, aux délicates intonations polonaises.
Praline Gay-Para a distribué la parole avec émotion. Tout le monde sait combien elle était liée à Mimi. Elle nous a rappelé qu'elle était en Haiti au moment du tremblement de terre. Son coeur a toujours été de tous les rendez-vous mais c'est sans doute de trop vouloir qu'il a fini par lâcher. Un mauvais vent a entrainé notre amie au pays des sans chapeaux mais nous restons soudés dans son rêve d'humanité.
Abbi Patrix a chuchoté la voix du feu s'entend dans la voix de l'eau (...) ceux qui sont morts ne sont jamais partis (...) les morts ne sont pas morts (...) écoute ! Il a dansé en duo avec Haïm Isaacs qui l'a accompagné en exécutant des percussions corporelles très inventives.
Muriel Bloch nous a raconté le Sac à soucis (texte publié chez Thierry Magnier Albums jeunesse en 2004) qui est l'adaptation d'un conte traditionnel haïtien où Dieu a quelque chose d'un tonton Macoute.
La vieille Chimène vit pauvrement de ses ruches, au fond de la forêt. Une année où la récolte est abondante, elle part, sa bassine de miel sur la tête, pour la vendre au marché. Las ! La vieille Chimène trébuche, le miel se répand sur le sol... Chimène se lamente de tant de malchance : " J'suis finie, y'en a marre de tous ces soucis que tu m'envoies, Papa Bon Dieu, va t'en voir ailleurs si j'y suis ! Les soucis, ça m'suffit. "
Un macaque passant par là, entend les plaintes de la vieille. Il goûte ce " souci " étalé sur le sol et le trouve sucré, doux... délicieux ! Il s'en va trouver ce Papa Bon Dieu parce que lui aussi veut sa part de soucis et qu'il suppose l'ancêtre seul capable de répondre aux deux questions : qui et pourquoi ? Papa Bon Dieu habite une villa entourée de barbelés et de gardiens ailés armés et, cigare aux lèvres, il sirote un bloody devil rhum au bord de sa piscine... Des soucis, si le petit singe en veut, il va en avoir...
Trop de soucis sur la terre c'est bon pour personne, ni pour Haiti ni pour un petit macaque de rien du tout.
Natacha Jeune Saintil enchaina avec un non moins célèbre conte haïtien, Fiyèt Lalo, autrement dit "la fille de l'eau".
On a tous chanté Jako Tòlòkòtòk qui figure sur l'album CD de Mimi, «Dis-moi des chansons d'Haiti», paru chez Kanjil avant de conclure par un salut raï finalement joyeux.
Mimi Barthélémy, la voix de la conteuse, le documentaire de Roland Moreau produit par Kapsule Vision, a été projeté en fin de journée. Ce film a été réalisé en 2012 mais il n'avait été dévoilé qu'en février 2013 et peu de gens,dans l'assistance, l'avaient déjà vu.
On y voit Mimi conteuse, comédienne, poète, chanteuse, écrivain. Elle y dévoile les richesses de son identité en nous contant son parcours de femme engagée. Engagée dans le redressement de son pays après le tremblement de terre, engagée dans la représentation de l’histoire de l’esclavage et engagée totalement sur scène, où par sa spontanéité, sa chaleur et son ardeur elle incarne seule de multiples personnages.
Que ce soit dans les maisons de son enfance en Haïti ou rue d'Oran, à la Goutte d'or, on découvre l'univers de cette femme exceptionnelle et pourtant si simple qui nous explique comment, petite elle chantait les textes pour mieux les retenir. Le timoun fou (garçon manqué) raconte aussi comment elle est parvenue à se situer entre les univers antagonistes de son père et de sa mère pour se réconcilier avec l'univers de sa maman.
L'atmosphère fut légère et joyeuse parce que l'âme de Mimi nous soufflait à l'oreille. Elle était aussi d'une exceptionnelle densité parce que son absence était incongrue. La tristesse n'était pas invitée. Elle s'infiltra malgré tout par instants.
D'autres hommages lui seront rendus dans les semaines qui viennent ; consulter le site de Mimi pour en connaitre les dates.
Théâtre de Chevilly-Larue, 102 Avenue du Général de Gaulle, 94550 Chevilly-Larue
01 41 80 69 60 tous les jours à partir de 10h.
Maison du Conte, 8 Rue Albert Thuret 94550 Chevilly-Larue
01 49 08 50 85
La Maison du Conte a été crée en 1993 par Michel Jolivet qui, pendant la décennie précédente, a produit le Festival des conteurs de Chevilly-Larue, événement marquant du renouveau du conte.
En 1999, La Maison du Conte s’est installée à la Villa Lipsi, ancienne propriété de Morice Lipsi, sculpteur de renom.
En 2001 Michel Jolivet invite Abbi Patrix, artiste conteur, à le rejoindre pour développer ensemble un projet original de transmission.
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