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vendredi 6 juillet 2012

Before ... au Quai Branly

Inutile de chercher à comprendre, ce "before" est en fait une sorte d'after puisque l'ouverture du musée est prolongée aujourd'hui jusqu'à 23 heures, et gratuitement de surcroit.

D'autres activités auront lieu samedi et dimanche. Notamment une cérémonie du thé Café Branly le 8 juillet de 15 à 18 heures et que je relaterai donc après-demain.

Le but est de découvrir le musée autrement, ce qui tombe bien parce que je n'y suis pas allée depuis plusieurs mois et que je suis prête à une vision moins conformiste. Il faut juste avoir les jambes alertes pour naviguer entre le plateau des collections pour une visite très guidée des Séductions du palais, et la soirée gastronomique et musicale qui a lieu dans le ventre du musée, tout en bas de la Tour des instruments.

Commençons par là avant que la queue ne s'allonge plus que celle d'un dragon. Car il faut d'abord acheter des tickets pour commander ensuite les plats, ce qui se fait un peu "au pif" parce que la feuille de menu est assez tentante.
Dans un esprit food market, on fait son choix de bouchées, et autres spécialités, à condition d'avoir la patience de prendre place dans la file d'attente qui s'étire comme les pâtes fraiches que l'on prépare à l'autre bout. 

C'est vraiment le point noir de l'organisation. Le moins qu'on puisse dire c'est que les cuisiniers ne travaillent pas sous la pression. Peut-être qu'un unique micro-onde s'avère largement insuffisant pour réchauffer les portions individuelles.
Il est vrai qu'expliquer les dim sum un à un à chaque convive en versant une sauce différente sur chacun exige du temps. Mais qu'est-ce que ces petites bouchées individuelles sont bonnes ! Même pour nous qui n'osons pas y mettre les doigts. Le premier est un ravioli aux crevettes sauce vinaigrette gingembre, le second au poulet recevra une sauce cacahuètes, le troisième est un canard laqué sauce prune. L'adresse de Yoom est à noter pour y faire une halte spéciale.
Pas d'attente devant la table d'Anissa, une des blogueuses des Trois grâces, pour leur salade de canard laqué aux légumes croquants ni au Palais des thés pour déguster un thé chinois Wu long, semi-fumé. La patience est requise pour pouvoir déguster les rouleaux de printemps frits aux légumes.

Remontons vite dans le hall. Un peu de gymnastique est la bienvenue pour intégrer la visite de 20 h 30 menée par une conférencière connaissant parfaitement les us et coutumes culinaires des chinois et faire tomber bien des idées reçues. On apprendra qu'on se sert des baguettes pour éviter de se brûler au-dessus en saisissant les récipients par des sortes d'excroissances en forme de champignons, mais on mange avec les doigts.

La production d'une telle exposition n'aurait pas pu se faire sans la coopération avec le Musée national de Chine. La totalité des objets exposés dans la première partie de l'exposition proviennent de fouilles funéraires. Il fallait en Chine, à l'instar de l'Egypte que les personnes décédées retrouvent dans le monde des morts un rang social digne de celui qu'elles avaient de leur vivant. Ils nous renseignent sur les modes alimentaires et sur la société.

Un focus est particulièrement fait sur les ustensiles qui illustrent la culture culinaire chinoise tout en respectant sa fonction religieuse. Au total ce sont 130 objets qui sont présentés. parmi eux de la vaisselle bien sur, provenant de diverses périodes et prouvant qu'il n'y a pas que la "porcelaine" chinoise classique.
Photographier les vitrines est une prouesse que je ne saurais maitriser. Trop de reflets, manque de recul, contre-jour, lumières parasites ... je ne vous montrerai que quelques objets, ce qui devrait vous inciter à aller sur place apprécier ces petits trésors.

J'ai retenu quelques pièces typiques du foyer néolithique (7000 à 2000 ans av JC) marqué par le début de l'agriculture, avec le millet dans le nord, le riz dans le sud. On a trouvé les premières traces de cuisson des céréales à la vapeur, puis plus tard des préparations de boissons alcoolisées consommées alors tièdes comme en témoignent les trépieds qu'on employait pour les faire chauffer.

Au fil du temps cuisiner est devenu indissociable du mijotage. On cuit aussi bien dans l'eau qu'à la vapeur pour obtenir le fan, la bouillie de céréales. Les légumes sont introduits au néolithique tardif, choux, courges, haricots, lotus ... Les viandes sont plus récentes encore et seul le souverain avait droit à consommer 9 plats différents car tout est codifié.

Les craquelures observées dans des plats sont interprétées comme des prédictions. Elles sont à l'origine de l'écriture idéogrammique.
On trouvera aussi des panneaux reprenant comme ici des scènes d'offices sur la partie basse, in banquet sur la partie haute. On remarque que ce sont les hommes qui préparent et l'importance de l'eau (notamment pour se laver les mains puisqu'on mange encore avec les doigts) avec la présence d'un puits. On mange assis sur des nattes. Les tables sont individuelles comme des plateaux.

La cuisine se complexifie, avec le début de la friture. On peut servir une centaine de plats dans un banquet impérial où par peur de l'empoisonnement le souverain se satisfera d'une dizaine de mets, après que les gouteurs les aient testés.
La paternité des nouilles fait encore débat, entre l'Italie et la Chine ... il se peut que les deux contrées les aient imaginées au même moment. Les plats sont apportés des cusines au fur et à mesure. Comme ils doivent être servis chauds on emploie de petits réchauds portatifs remplis de braises, véritable préfiguration du barbecue. Tout est servi en même temps. Le sucre est employé pour contrebalancer les épices. Il n'y a pas de dessert. Les baguettes sont réservées aux bouchées frites, et donc brûlantes.

Avec la dynastie Tang (618-907 après JC) l'empire s'étend et de nombreux fruits et légumes en provenance de l'occident sont acclimatés dans les vergers. Des laitages arrivent avec les nomades mongoles. C'est aussi le début de la céramique blanche.

Le thé est alors séché en bloc dont on fait bouillir un morceau, un peu comme le tchai indien. Sa préparation a évolué avec le temps (bouillu, baratté avec du beurre, infusé dans l'eau frémissante).

La visite se poursuit avec des pièces exceptionnelles, un céladon vert bleuté encore arqué des traces noires de son papier d'emballage, des porcelaines ultrafines dont le secret ne fut révélé en France qu'avec la découverte de gisements de kaolin ... dans les années 1750.
Une installation video clot l'exposition. Cette étonnante dinette cinétique mêlant graphisme 3D et photographie est traversée par une petite souris à peine visible (suivre la flèche) qui amusa les derniers visiteurs.
La nuit est maintenant tombée et la Tour Eiffel prendra bientôt des allures de totem. 

Le plateau des collections se couvre de pénombre. La statue androgyne pré-dogon se dresse en gardienne des lieux. 
La rivière de Charles Sandison n'a jamais été aussi scintillante et je l'apprécie plus encore depuis que j'ai découvert le travail de cet artiste écossais dans le Silo de Marines.
Un petit coup d'oeil par dessus la rampe rappelle qu'il ne reste que quelques jours pour visiter les Maitres du désordre (jusqu'au 29 juillet).

La tour des instruments continue de bruisser. En bas le choix s'est restreint et les files se sont allongées démesurément. Beaucoup renoncent à utiliser leurs tickets, préférant sortir dehors et fumer une cigarette, oubliant ou bravant l'interdiction.
L'espace est magnifiquement éclairé. Le DJ et la projection de photos passent au second plan pour profiter au mieux de l'instant présent avant de repartir ... un peu dérouté de se retrouver rue de l'Université ... autant surpris qu'un canard, cette fois bien réel, échappé et bien mal en peine de retrouver son gîte. 
L'exposition se poursuit jusqu'au 30 septembre. De nombreux ateliers, visites et spectacles sont programmés en parallèle et je vous recommande d'aller jeter un oeil sur le site du Quai Branly avant de programmer votre déplacement. A signaler que le musée, comme tous les musées nationaux, est gratuit le premier dimanche de chaque mois.

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