Le premier livre que j'ai lu de Cecilia Samartin fut l'année dernière La promesse de Lola. A raison d'un roman par an son éditeur français rattrape le retard en sortant cette fois ci le roman avec lequel elle a démarré sa carrière d'écrivain, en 2004 aux Etats-Unis.
Cecilia Samartin est une écrivaine américaine d’origine cubaine née à La Havane en 1961, pendant la révolution cubaine. Ses parents se sont réfugiés aux Etats-Unis alors qu’elle était encore bébé et elle a grandi à Los Angeles. Elle a fait des études supérieures en psychologie à l'Université de Californie et en thérapie familiale à l'Université de Santa Clara. Elle travaille depuis plusieurs années aux États-Unis auprès d'immigrants en provenance des pays d'Amérique latine.
J'ai eu le plaisir de rencontrer Cecilia à l'occasion de sa venue en France où elle a conquis un large public depuis la publication du Don d'Anna. C'est une femme authentique, animée de fortes convictions et surtout de l'immense regret que son pays natal, Cuba, ne soit pas libre comme on pourrait le penser.
Cette soirée eut lieu pendant la canicule et nous avons apprécié de nous rafraichir avec un jus de citron à la framboise. mais je n'ai pas arrêté de penser au Cuba libre qui est un cocktail à base de rhum, de citron vert et de cola, appelé aussi rhum-Coca. Son nom date de 1900, année de la perte de Cuba par les Espagnols, et fin de la guerre d'indépendance.
Selon la légende, cette appellation viendrait d'un soldat américain qui, commandant cette association, porta un toast "Por Cuba libre! " (Pour Cuba libre !), qui était le leitmotiv des troupes américaines durant la guerre. L'essor du cocktail date de l'époque de la Prohibition, où la mafia profita de Cuba comme base arrière du trafic d'alcool.
Le Cuba libre est aussi parfois appelé ironiquement mentirita ("petit mensonge" en espagnol) par certains Cubains ainsi que par leurs voisins dominicains qui ne considèrent pas l'île comme libre avec le régime castriste au pouvoir encore actuellement. Cecilia partage sans nul doute ce point de vue et ses romans sont un hommage à sa terre natale.
Les confidences qu'elle recueille dans son travail de thérapeute lui servent de terreau pour alimenter des romans qui ont de multiples points communs et qui pourraient sembler autobiographiques tant ils sont crédibles.
Nora ou le paradis perdu raconte l'histoire d'une petite fille qui se pose beaucoup de questions, tout à fait légitimes pour une enfant scolarisée dans un établissement religieux mais qui, de retour à la maison, grandit au contact avec une bonne vouant un culte aux saints africains.
Ajoutez à cela que sa cousine Alicia lui dit voir Dieu et que ses parents sont de fervents catholiques. Alors quand sœur Margarita leur annonce qu'il faudrait que Nora songe à prendre le voile la petite fille se demande quelle est la nature exacte de cette vie sainte qui est censée l'attendre. Échappera-t-elle à ce destin religieux ?
Cecilia Samartin trace à partir de cette question au final anecdotique le destin parallèle de Nora et d'Alicia sur un quart de siècle, entre 1956 et 1981. Nora fuira avec sa famille la révolution cubaine tandis qu'Alicia s'éprendra d'un Noir révolutionnaire et que son père subira l'enfer de l'incarcération.
L'auteur a beaucoup insisté sur l'exactitude des faits qu'elle relate, ce que le lecteur ressent parfaitement. Il n'y a aucune exagération, nous a-t-elle assuré. On peut prendre le roman comme une vraie histoire. C'est mon premier livre, et c'est sans doute le plus personnel.
Elle va jusqu'à comparer Cuba à l'Afrique du Sud en insistant sur le fait que cette ile est faussement paradisiaque. Elle démontre magistralement qu'il n'y a pas que les cigares et le rhum. Et, pleine d'espoir malgré tout elle pointe que ce n'est pas un gouvernement qui change le monde, ce sont les gens.
Ses personnages sont forts, généreux, idéalistes. Il se dégage quelque chose de l'ordre du religieux dans leur courage et la manière qu'ils ont de se lancer à corps perdu (à coeur perdu ?) au secours de ceux qu'ils aiment. Le thème du coeur fantôme revient régulièrement, justifiant le titre original. Quand la vie lui devient insupportable Nora suit le conseil de sa nounou lui recommandant de protéger son coeur pour qu'il ne soit jamais atteint. On verra que le remède n'est pas magique mais la fin sera malgré tout heureuse, parce que Cecilia est une optimiste né. Et on l'approuve.
Elle retrouvera dans quelques jours son pays d'adoption où elle a commencé à écrire le nouveau roman, toujours en américain. Ce sera (encore) un roman générationnel qui aura trois femmes pour héroïnes.
On la laisse savourer quelques jours de vacances parisiennes en compagnie de son mari et on se surprend à rêver à Cuba un jour réellement libre que l'on sera heureux de visiter sans faux semblants. D'ici là il faut mettre ce roman dans la valise. C'est un voyage à faire !
La promesse de Lola (titre original Mofongo) traduit de l'américain par Maryline Beury, l'Archipel, 2014
Rosa et son secret, traduit de l'américain par Mélanie Carpe, l'Archipel 2013
La belle imparfaite, (titre original Tarnished beauty) traduit de l'américain par Mélanie Carpe, l'Archipel 2012
Le don d'Anna, (titre original Vigil) traduit de l'américain par Mélanie Carpe, l'Archipel 2011
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