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vendredi 14 octobre 2016

Tomber en haut, une exposition très colorée de Bujar Luca au Purgatoire

On peut connaitre le Purgatoire-54 Paradis pour des motifs culinaires comme pour des raisons culturelles. Aujourd'hui j'y retourne pour rencontrer Bujar Luca en train de superviser l'accrochage de son exposition.

La salle d'exposition accueille des toiles immenses, comme cette "acrylique sur toile" de 195 sur  130 cm qu'on dirait composée sur mesure pour le mur qui est face à l'entrée et dont l'artiste ne nous donne aucune indication de nom pour orienter notre regard. On peut y voir des oiseaux, une évocation de l'univers de Dali. C'est à chacun de se faire une opinion et cette liberté est caractéristique de Bujar Luca.

Il faut dire que le mot n'est pas un concept mais une privation qu'il a cruellement connue quand il vivait sous la dictature dans son pays, l'Albanie. Quand on pouvait être jeté en prison juste pour un mot, ou pour avoir entre les mains un objet provenant de l'Occident, donc d'un univers qualifié de dégénéré par le régime communiste.
Pendant 8 années de propagande et d'agitation on ne pouvait que juste vivre. On avait une double vie, la façade, et puis celle que l'on menait avec des amis très proches, en qui on pouvait avoir confiance. C'est pour eux que je peignais mes muses cadenacées.
Bujar Luca était néanmoins un artiste prodigue. Il expose ici une minuscule partie des 1825 dessins qu'il a eu l'honneur et le plaisir de présenter l'année dernière à Tirana, sa ville natale, dans une Black Box de 7 mètres sur 14 dans laquelle il les avait enfermés. On pouvait les apercevoir en entrant par une petite porte, comme s'il s'agissait d'une grotte où ces oeuvres racontaient sa vie intérieure.

Elles sont alignées, à l'air libre, sur le mur, et nous sommes privilégiés de pouvoir nous en approcher, dans ce bel espace du Purgatoire, au nom prédestiné pour qui revient de l'enfer, imaginé par Alain Cirelli.
Depuis cinq ans, il anime ce lieu de vie et de fête où il partage son goût pour l'art contemporain et les échanges. Photo, peinture, sculpture, graphisme, design, aucune exposition ne ressemble à la précédente et contribue à donner un supplément d'âme à ce lieu singulier, situé à proximité d'un autre très particulier, surtout en cette période d'Halloween, le Manoir de Paris.

Les peintures de l'artiste sont ponctuées de signes graphiques qui composent l'écriture indéchiffrable de son passé, et de son fol espoir de gagner un jour la liberté d'une terre promise, en France, où il est arrivé en 1990, à la faveur d'une invitation.

Celle-ci (à droite) pourrait avoir sa préférence. il l'appelle Saturne, un titre qu'il a emprunté à Goya alors qu'il n'y a pas de ressemblance à établir entre ce tableau et celui du peintre espagnol. Il faut tout regarder, y compris sur le mur du fond (à gauche) ou même sur celui qui fait face à l'escalier, presque secret, et impossible à photographier.
Sur le plan technique, est-il important de savoir que Bujar Luca peint debout, avec d'énormes pinceaux comme les calligraphes japonais, sur la toile posée à même le sol sur laquelle il n'hésite pas à marcher ? Une habitude sans doute gardée des temps où il était hors de question de laisser voir la moindre trace chez soi. On peut rouler une toile, alors que le châssis l'aurait trahi.
Ce mode opératoire explique pour partie le titre de l'exposition "Tomber en hauten brouillant les repères. En nous incitant à regarder d’une position inversée, nos points de fuite se trouvent modifiés et on pourra découvrir d’autres cieux.
S'il travaille beaucoup dans des tonalités de noir et de blanc, on peut néanmoins voir aussi dix dessins très colorés, réalisés à partir de poudre, et qui ont été réalisés dans une période de transition. Je viens d'une éducation très classique. Il m'a fallu une guerre pour arriver là où je suis ... me confie-t-il.
Un pan de mur a volontairement été laissé libre. Et c'est là qu'il a accepté d'être photographié, immortalisant symboliquement un instant de complétude.
Le Purgatoire est aussi un espace de recherche, de découverte et de rencontres autour de la cuisine, comme en témoignent ces crayons-condiments, à base d’eau et d’agar-agar, que l'on peut tailler en copeaux sur une salade à l’aide d’un taille-crayon. Cette idée insolite est le résultat d'une collaboration entre Alain Cirelli et le designer culinaire Benoît Le Guein.
Encre de seiche pour parfumer risotto ou poissons, piment pour corser une viande ou des pâtes, sauce soja pour accompagner des sushis, et vinaigre pour accompagner des crudités. (idée de cadeau très originale à retenir).
Le soir du vernissage, ce n'était pas ses propres créations qu'Alain Cirelli mettait à l'honneur mais des huitres bretonnes, superbes, en provenance de Prat-Ar-Coum, les premières de la saison pour moi.

Tomber en haut de Bujar Luca
Sous le signe des "Temps Forts de l’Albanie en France 2016-2017"
en partenariat avec l’ambassade d’Albanie en France
du 17 octobre 30 novembre 2016
du lundi au vendredi de 10h à 18h
Le Purgatoire-54 Paradis, 54 rue de Paradis -75010 Paris
01.48.78.77.13

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