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jeudi 16 novembre 2017

Le Selles-sur-Cher, une AOP plus que quarantenaire

Il y a une semaine je relatais un déjeuner qui a sublimé le Selles-sur-Cher. Il restera longtemps dans ma mémoire sensorielle.

Il est de plus en plus "cuisiné". Ecrasé et mélangé à de la crème fraiche liquide et des fines herbes il garnira des tomates cerises. Il peut densifier un houmous, apporter de la rondeur à une crème de petits pois, remplacer l'emmenthal dans une classique préparation de cake salé.

Ses notes caprines sont discrètes et s'accommodent avec tous les fruits. Je l'ai vu en dessert, coupé en dés sur un carpaccio de fraises saupoudré de basilic ciselé et arrosé d'un filet de miel. On peut même le disposer en dés au fond d'un ramequin avant d'y verser un appareil à crème brulée.

Et pourtant, même si je sais que les français boudent l'instant du plateau de fromages, préférant d'ailleurs le consommer au moment de l'apéritif (ce que j'estime être une bonne idée) c'est en le dégustant avec du bon pain et une boisson adéquate que je me régale le plus.

Pour ce qui est du Selles-sur-Cher, j'apprécie particulièrement celui qui est encore proche des 10 jours d'affinage minimum réglementaire bien qu'on dise que sa maturité est idéale à 20 jours. Certains poussent jusqu'à 90 jours, ce qui lui donne un parfum ... corsé. Autrefois, l'absence de réfrigérateur incitait à conserver le plus longtemps possible, ce qui était possible avec le fromage ne l'était bien entendu pas pour le lait non transformé.

Je l'aime tout autant (en toute modération) avec un vin blanc de Loire (Chinon, Menetou, Cheverny) qu'avec une bière ambrée. Essayez, vous serez conquis.

On en vend 7 millions d'unités par an. Il se classe parmi les trois premières AOP françaises au lait de chèvre.

Pourtant il a bien failli ne pas connaitre un tel développement puisque à l'origine il était produit pour une consommation familiale. C'était les oeufs qui étaient importants jusqu'au jour où à la fin du XIX° siècle les ramasseurs de produits de basse-cour, appelés coquetiers, eurent l'idée de convaincre les éleveuses (car c'est une histoire de femmes) de leur vendre leur surplus de fromages en même temps que les oeufs et les volailles. A l'époque ce formage se distinguait des formes pyramidales des autres chèvres de la région. Il est devenu AOC en 1975 puis AOP en 1996.

Il est produit en Sologne, sur un vaste territoire composé de landes et de prairies, arrosé par le Cher, et qui s'étend sur les départements du Loir-et-Cher, l'Indre et le Cher. Donc bien au-delà de la bourgade de Selles-sur-Cher, qui lui a donné son nom parce que c'était depuis cette gare qu'on l'acheminait. Vous imaginez bien qu'il y a donc de multiples différences entre la trentaine de producteurs, même si tous obéissent au cahier des charges de l'appellation.
 
Les incontournables sont sa forme de disque de 9 cm de diamètre à bord biseauté (on dit tronconique), sa pâte blanche, lisse et homogène et son goût frais, évoquant la noisette, renforcé par le parfum de sa croute cendrée plus ou moins foncée (qu'il ne faut surtout pas retirer).

Ceux qui connaissent la Sologne savent que les terres y sont pauvres et que la chèvre a vite été un moyen de les valoriser car elles se satisfont parfaitement d'herbe fraiche l'été et de foin en hiver. Il y a tout de même plus de deux mille espèces fourragères pour régaler les chèvres. Elles sont très sensibles aux parasites. Alors, pour éviter les traitements antibiotiques, les éleveurs coupent l'herbe à 7 cm, ce qui assurera un foin non contaminé.

Le caillé est placé dans des moules qui à l'époque étaient fabriqués avec les ressources locales. Ils étaient en grès. Les fromages sont depuis toujours moulés manuellement et cendrés avec du charbon végétal issu des sarments de vigne et font l'objet de plusieurs retournements.
La tradition est en quelque sorte (enfin) respectée puisque c'est une femme qui préside depuis juin 2017 à la destinée du Syndicat de Défense et de promotion du fromage Selles-sur-Cher. Ele devra faire face à un défi, celui de favoriser l'installation de producteurs pour faire face à la progression de la demande de fromages. A 32 ans, Stéphanie Vignier connait très bien le sujet. Son exploitation est située à cheval sur trois zones d'appellation : le Selles-sur-Cher, mais aussi le Sainte-Maure de Touraine et le Valençay.

Nulle doute que vous pourrez la rencontrer au prochain Salon de l'agriculture, du 24 février au 4 mars 2018 où ces AOP seront dignement représentées, aux cotés de leurs congénères, Pouligny-Saint Pierre et Chavignol.

Sachez enfin que le Japon est un très gros importateur de fromages. Ses habitants sont amoureux des produits authentiques et non pasteurisés.

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