Une fille parfaite, son premier roman m'avait époustouflée par la maitrise des ressorts psychologiques, un suspense haletant et la solidité de l'intrigue policière. Depuis ce succès Mary Kubica a choisi son camp, celui de la psychologie. Elle a resserré le nombre de personnages. Ils sont essentiellement quatre.
Il y a Willow, une jeune fille paumée avec un bébé dont elle ne sait pas prendre soin correctement. Heidi, mère modèle dont le métier est de venir en aide aux démunis. Chris, son mari toujours entre deux avions, au bord du surmenage, loin de toute sollicitude, et puis Zoé, leur fille en pleine crise d'adolescence. Quatre personnes qui ne peuvent pas vivre ensemble sans se heurter.
L'intrigue est solide. Le lecteur entend la part de vérité de chacun à tour de rôle mais sans avoir le temps de prendre parti pour l'un d'entre eux. Chacun à ses fêlures et pourrait basculer dans la folie et commettre un acte ultime. Chris serait peut-être le plus solide mais il ne parvient pas pour autant à maîtriser la situation.
La première fois que je l'aperçois, elle se tient sur le quai bondé de la gare de Fullerton, à Chicago. Il fait un froid à vous glacer les os, il pleut à verse. Elle serre un bébé dans ses bras. Rien ne les abrite. Quelques jours plus tard, elle est de nouveau là. Aussi fragile. Cette fois, je vais lui parler. Sans trop savoir pourquoi. Ni où tout cela va me mener…Hantée par l’image de cette jeune sans-abri et de son bébé, Heidi néglige l’avis de son mari et l’hostilité de sa fille : elle ouvre sa maison à l’inconnue du quai. Qui est vraiment Willow ? Mutique, vulnérable, a-t-elle quelque chose à voir avec l’inquiétante Willow Greer, dont le compte Twitter est plein de conseils macabres sur le suicide ?Peu à peu, la présence de l’inconnue dans la maison agit comme un révélateur des fissures familiales…
L'écriture est maitrisée, peut-être un peu plus que dans le précédent roman. Et pourtant je n'ai pas ressenti une intensité comparable. Une des composantes essentielles pour que j'aime un livre réside dans sa capacité à me surprendre. J'ai tout de suite compris ce qui perturbait Heidi et le passé de Willow me semblait évident. Je n'ai donc pas été bouleversée comme je supposais que je le serais. D'autres lecteurs pourront aisément être surpris s'ils ne connaissent pas le domaine de la maltraitance (ce qui n'est pas indispensable du tout).
J'ignorais que 30% des adultes vivant à Chicago savent à peine lire et écrire (p. 12) et que la ville compte près de 100 000 sans abri (p. 77). Je ne me doutais pas qu'héberger une fugueuse pendant plus de 48 heures est considéré comme un crime dans cette ville (p. 77) passible d'une peine d'emprisonnement d'un an. Les Etats-Unis enregistrent plus de 3 millions de plaintes pour mauvais traitement à enfants. Une des forces du roman est d'ailleurs de traiter cette question sensible sans tricher. En démontrant cependant que la générosité peut avoir deux visages tout en laissant subsister l'espoir : un jour ... (sous-entendu tout ira mieux).
Après des études d’arts et d’histoire de la littérature américaine, Mary Kubica a d’abord été enseignante. Aujourd'hui écrivain à temps plein, cette passionnée de Dickens et d'Hemingway elle vit près de Chicago, la ville où se déroulent l’intrigue de ses romans.
L'inconnue du quai de Mary Kubica, chez Mosaic, en librairie depuis le 13 avril 2016
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