Jean-Philippe Vidal, qui avait déjà monté cette pièce (dans la même scénographie) au Théâtre de l'Ouest Parisien de Boulogne-Billancourt il y a quatre ans, présente une version très personnelle de cette pièce.
D'une part avec un décor "au carré" qui semble a priori rassurant. Moquette, tissu, encadrement, tout est en lignes droites et en noir et blanc, sans surprise apparente. Les personnages se déplacent sur le plateau comme sur un échiquier. Et pourtant rien ne tient. Le "cadre" (au sens où on l'entend en psychologie) est artificiel. La supercherie ne résistera pas longtemps.
Ribadier est le second mari d'Angèle, veuve de "feu Robineau". Devenue très suspicieuse, suite aux tromperies de son ex-mari, Angèle a développé une jalousie frisant la paranoïa et surveille étroitement les activités de son deuxième époux. Mais Ribadier possède un don, qu'il a érigé en "système". Ainsi peut-il convoler en galante compagnie grâce à un truc que lui seul connaît ... et que vous découvrirez au cours de la soirée.
Je ne connaissais pas la pièce et j'avoue qu'il m'a surprise. C'est un des plaisirs de ce spectacle que de se laisser prendre au jeu en cherchant qui a raison de soupçonner ou non l'autre.
On compatit pour Angèle dont la jalousie est légitime depuis qu’elle a découvert le carnet relié en maroquin de son premier mari qui y notait méticuleusement ses frasques. Le portrait grimaçant de cet homme est hypnotique (le trucage est très bien conçu) et finit par générer une sorte d'angoisse qui contrebalance le côté habituellement excessif des vaudevilles.
On plaint parfois Ribadier (Pierre Gérard) parce qu'Angèle devient tyrannique et qu'on se dit qu'il n'oserait tout de même pas lui faire cet affront.
Et quand arrive Thommereux, l'ex-amoureux de madame, de retour d'exil pour ne pas trahir l’amitié de son ami, feu Robineau, on comprend que l'implosion est proche. Le couple ne tenait qu'à un fil et ce fil va craquer.
Il dit "tu". Elle répond "vous". Je ne trouve néanmoins pas dans l'écriture de Georges Feydeau matière à réflexion sur notre époque comme elle a pu l'être de son vivant, à la fin du XIX° siècle. Nous dire que tous les maris sont infidèles, en démontrant que les femmes le sont aussi n'est pas un scoop.
Il n'en demeure pas moins que les rebondissements sont amusants et que l'interprétation des acteurs est si fine que la pièce offre une belle distraction.
J'ai beaucoup aimé le jeu d'Hélène Babu qui campe une Adèle rebelle et moderne, à l'esprit pratique (elle épouse en secondes noces un homme qui a les mêmes initiales que le premier pour ne pas devoir "démarquer son linge de maison"). Il faut la voir en furie au bord de la crise de nerfs quand elle tient la preuve que son époux est une canaille.
Est-ce un hasard ou une volonté délibérée mais le metteur en scène a confié le rôle de la femme de chambre à Ludmilla Dabo qui apporte une touche originale à la fonction.
Le rythme ne connait pas de répit. Oui, les portes claquent. Les cartes volent. Les acteurs mènent la danse.
Les dialogues sont efficaces. La comédie devient jubilatoire.
Le Système Ribadier, de Georges Feydeau
Mise en scène : Jean-Philippe Vidal
Avec Hélène Babu, Gauthier Baillot (ou Arnaud Simon), Romain Lagarde, Pierre Gérard, Ludmilla Dabo, Pierre-Benoist Varoclier (ou Nathan Gabily)
Du mardi au samedi à 21 heures, Matinée le samedi à 16 heures
depuis le 19 mai et jusqu'au 30 juin 2016
La Pépinière Théâtre
7 rue Louis le Grand 75002 Paris
01 42 61 44 16
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