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samedi 22 février 2025

Ajouter de la vie aux jours d’Anne-Dauphine Julliand

Il existe sans doute des montagnes de livres sur le deuil mais celui d’Anne-Dauphine Julliand a ceci de particulier qu’il se concentre sur la vie. Ajouter de la vie aux jours est mince mais si riche !

Ce n'est pas un roman mais un témoignage.

N'ayant pas lu Deux petits pas sur le sable mouillé (2011) je n'étais pas au courant des premiers drames qui ont touché cette famille. Et j'ignorais que depuis il y avait eu un autre.

Après avoir perdu deux enfants atteintes d’une maladie génétique orpheline, la leucodystrophie, son fils ainé, Gaspard est mort. La veille de ses vingt ans. Suicide.

Evidemment que la première pensée qui nous viendrait, et ces parents se la sont posée, c'est la litanie des "et si…". C'est l'objet d'un chapitre du récit : Je fuis (p. 24). Les Si j’avais su, si je n’avais pas …etc … bref, stopper, endiguer le courant de la culpabilité. Et cela d'autant plus que leur fils leur avait confié ses tendances suicidaires, qu'il était pris en charge et qu'il était même hospitalisé à ce moment là. Il était impossible d'endiguer sa souffrance.

Notre premier réflexe, à nous tous, est de chercher à comprendre. Mais il n'y a pas de réponses. Comment expliquer l'inexplicable ? Comment peut-on se donner la mort à vingt ans quand on est aussi aimé ? Comment peut-on quitter la vie quand on aime autant ? Insondable mystère (p. 45).

Anne-Dauphine Julliand dit quelque chose de très juste : On perd ceux qui meurent une fois en entier, puis on les perd sans cesse en détail. Ce sont ces détails qui font les plus mal (p. 35). Elle fait allusion aux pensées qui alimentent la litanie des "plus jamais".

Elle souligne aussi combien il est vain d'imaginer qu'on pourrait être consolé de savoir qu'autrui vit une situation plus difficile. Au contraire, à ce que nous ressentons au plus profond de nous s'ajoute alors une pointe de culpabilité (p. 55).

Si les crises d’angoisse sont inévitables et surviennent par surprise ce n'est pas une raison de les laisser nous emporter. Et puisqu'on ne peut plus ajouter de jours à la vie il faut faire l'inverse, ajouter de la vie aux jours.

Elle n'a pas inventé la formule. C'est une citation du cancérologue Jean Bernard, médecin et académicien français, à propos de la prise en charge en soins palliatifs, quand l'issue ne fait plus de doute. Et s’il fallait résumer le principe ce serait de vivre aussi pleinement sa peine que sa joie.

Les paroles de cette maman sont vraies et nous touchent : J’écris. Parce que je suis en vie. Pour ceux qui sont en vie. J’écris, au nom de tous les miens. Ceux Là-Haut et ceux ici-bas. J’écris le lien. J’écris ce qui nous maintient. J’écris la vie.

Se dire quand ça pourrait être trop difficile : Allez, on y va (p. 134).

La mise en page est élégante, avec des titres dans un bleu profond qui se détache du texte et qui apportent de la douceur, commune partie de ciel.

Anne-Dauphine Julliand est journaliste, réalisatrice et romancière. Elle a connu un remarquable succès critique et public pour ses livres, notamment avec Deux petits pas sur le sable mouillé (Les Arènes, 2011) et Une journée particulière (Les Arènes, 2013). En 2017, elle a également réalisé un film documentaire Et les mistrals gagnants et a fondé en 2018 l’association Ce qui compte vraiment. Son premier roman Jules-César (Les Arènes) a été publié en 2019.

Ajouter de la vie aux jours d’Anne-Dauphine Julliand, Les Arènes, en librairie depuis le 10 octobre 2024

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