
C'est toujours Alexandre Fray qui assure la direction artistique (et qui joue dans le spectacle au cours duquel je reconnaitrais aussi Špela Vodeb). Mais je dois confesser que l'affiche ne m'avait pas vraiment incitée à venir.
En sortant (bouleversée) de leur chapiteau par la prestation des 4 acrobates accompagnés de 2 musiciens rockissimes, à la fois témoins et complices, j'en ai compris la raison : Dans l'espace supporte mal l'arrêt sur image. C'est comme si on goûtait un plat qui aurait perdu toute saveur. Je vais néanmoins illustrer cet article de quelques photos mais aucune ne fige les artistes dans leur mouvement et j'ajouterai un court extrait video.
Pour des raisons d'emploi du temps, j'ai assisté à une séance scolaire. Rarement les enfants ont été à ce point "scotchés" par une performance. Attentifs et heureux. Silencieux et pourtant totalement présents.
Ils avaient été prévenus que les intermèdes plongeraient le chapiteau dans un noir absolu pouvant être inquiétant. Cette précaution est importante pour apporter un instant de répit et permettre de restaurer l'attention.

Un artiste entre, nuant la difficulté de trainer son fardeau jusqu'à être bloqué sans comprendre pourquoi, tel Sisyphe qui transcende le piège au moyen d'une chorégraphie subtile, à moins que ce ne soit une prière, et trouve le moyen de se libérer, non pas du fardeau mais de l'oppresseur. Les enfants applaudissent.
Deuxième tableau avec la barre de cuivre qui provoque une autre fuite face à une autre menace. Le duo doit prendre de l'avance sur l'objet, suivre ou devancer sa course, tourner en rond, aider, porter secours, se rendre la pareille, s'en amuser, faire rire les enfants, tomber pour mieux se relever, trouver le moyen de se mettre à l'abri sans s'enfuir quand le temps s'accélère.
Troisième épreuve pour cette femme et cet homme, coincés sur un caillou, sans pouvoir maintenir la distance entre leurs corps, laisser échapper un petit cri, faillite t se reprendre, se ressaisir, vivre l'instant avec humour et dans le silence, tenter l'impossible sourire et surtout … jouer alors qu'on imagine la mer monter tout autour.
Alors rattraper la balle au bond, réinventer la balançoire, lutter, éprouver sa force, s'accrocher, s'entêter, voler, affronter (une vague peut-être) sous un ciel de soucoupe volante, et gagner, enfin.
La scène suivante démontre qu'une glissade en précipite une autre. l'instant est bref mais suffit à réinventer le char à voile, le bateau, mettre les bouts.
Avec le retour du tube de cuivre tout est remis d'équerre. Il faut malgré le poids, domestiquer, dompter le mouvement. Nous étonner, anticiper, surprendre dans jamais se laisser prendre au jeu. Conjuguer géométrie et physique(s). Subir ou arrêter le temps en inversant le cours de l'histoire.
Les voici de retour sur la pierre où ils vont danser sur leur (petit) nuage. Glisser, chuter, danser plus vite en obéissant à la musique.
Il fait trop sombre pour voir clairement de quoi il s'agit. Une toupie peut-être qui tombera lorsque la musique s'arrêtera. Le pendule de Foucault dont le mouvement perpétuel est visible au Panthéon. Un sablier qui n'en finit pas de tracer des arabesques en se vidant de son sable. La lumière rouge, rasante, englobe le centre de la piste comme le coeur noir d'un tournesol.
Puis prendre ce poids, se le coltiner, lutter, se frotter, se confronter, s'acharner. Ensuite glisser sur le sable avec une échelle avant de sortir du puits en grimpant.
Retour du cuivre avec elle. On se recule instinctivement alors que nous ne craignons rien. Défier, piailler, faire rire les enfants. Réinventer 1, 2, 3, soleil, faire pouce, chercher à se mettre à l'abri, et puis jongler.
Remonter sur le rocher. Faire prendre conscience aux jeunes spectateurs des difficultés et donc de la prouesse. Se mettre la ceinture et se laisser perdre de vue. Supporter le poids des aléas. Il faut d'ailleurs signaler que le poids du sac de sable le plus lourd est de 75 kilos et que Špela Vodeb, qui ne pèse elle même que 45 kilos, sort de scène en portant sur sa tête un sac de 35 kilos.
Nous quitterons subjugués le paysage sonore et l'univers de ces artistes, placés dans des situations précaires face à un monde en constante transformation qu'ils sont parvenus à maitriser avec espièglerie, sans jamais se départir d'un sourire très contagieux. Ils n'ont cessé de choisir entre la tentation de contrôle, l’attrait du jeu, ou l’humilité de ne pas se frotter à plus fort que soi. Leur spectacle est une suite de métaphores visuelles sur les notions de risque et de légèreté. Il nous encourage à suivre notre chemin malgré nos propres embuches.
Comme promis, la bande-annonce :
La compagnie Un loup pour l’Homme, à travers sa pratique des portées acrobatiques, démontre une fois encore sa vision de l’humanité faite d’êtres sociaux, différents autant que dépendants les uns des autres.
Dans l'espace par la Compagnie Un Loup pour l'Homme
Direction artistique : Alexandre Fray
Artistes de cirque : Leon Börgens, Pablo Escobar, Alexandre Fray, Špela Vodeb
Musiciens live : Joris Pesquer et Enguerran Wimez / Dalès
Scénographie : Miriam Kooyman
Création lumière : Bastiaan Schoof
Costumes : Nola van Timmeren
Artistes de cirque : Leon Börgens, Pablo Escobar, Alexandre Fray, Špela Vodeb
Musiciens live : Joris Pesquer et Enguerran Wimez / Dalès
Scénographie : Miriam Kooyman
Création lumière : Bastiaan Schoof
Costumes : Nola van Timmeren
Du 31 Janvier au 9 Février 2025 à 14 h 30, 16 H, 18 h ou 20 h 30 selon les jours
Espace Cirque, Rue Georges Suant, 92160 Antony
Espace Cirque, Rue Georges Suant, 92160 Antony
Accessible à partir de 6 ans
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