Ma première rencontre avec Claude doit remonter à un des traditionnels pique-niques rassemblant, chaque premier dimanche de juillet et août, bloggeurs et amateurs de cuisine créative. On doit cette initiative à Dorian et en toute logique c’est de lui dont je devrais faire le portrait. Sauf qu’il n’y a eu aucune préméditation de ma part. Et j’ignore si ce billet annonce une série …
Je cite volontiers sur le blog les réussites des uns et des autres, comme je l’ai fait pour Murielle qui est une grande spécialiste des yaourts et des pains. Et je ne manque pas de donner les liens qui conduisent vers les blogs de tous ceux qui nous régalent lors de ces fameux pique-niques.
Mais Claude est si différent … Il ne fait rien à moitié, préparant de multiples plats et, comme si cela ne suffisait pas, prévoyant systématiquement la boisson qui va avec. Contrairement à certains qui reviennent d’année en année avec les mêmes recettes … dès qu’elles ont été plébiscitées par la bande d’affamés gouteurs, Claude innove systématiquement. Sans ménager ses efforts. Parce que ce cuisinier n’invente jamais de toutes pièces et au jugé. Il potasse le sujet, teste et re-teste, mixe les recettes et n’apporte que ce qui a été validé pour nous régaler, nous tous et toutes qu'il qualifie systématiquement chacune d'un ma chérie, riant de la jalousie d'une autre petite chérie …
Je m’incline devant tant de professionnalisme et j’ai eu envie de partager son enthousiasme pour la cuisine traditionnelle. Enfin pas que …
C’est pour lui comme pour beaucoup d’entre nous une histoire de famille. Ses grands-parents cuisinaient des plats qu’on qualifierait aujourd’hui de rustiques mais qui étaient alors de grands classiques. Les viandes en sauce et les pâtés étaient la spécialité de sa grand-mère qui les préparait à l’ancienne, c’est-à-dire en prenant le temps qu’il faut. Sa mère réalisait des gâteaux, toute la pâtisserie et des brioches. Quand elle sortait un flan du four c’était avec la promesse de régaler l'assemblée parce qu’il avait du goût. Un goût d’enfance qui n’a rien à voir avec les saveurs, disons synthétiques que l’on rencontre de nos jours.
Claude essaie régulièrement d’approcher cette perfection mais sans y parvenir totalement. Il estime avoir réussi quand même un compromis qu’il situe à mi-chemin entre le flan de sa mère et celui de Christophe Michalak le chef du Plaza… c’est dire son degré d’exigence. Ce pâtissier n’utilise pour cette recette que les jaunes des œufs, une manie qui choque tout de même Claude même si cette denrée n’est pas très couteuse.
On aura compris qu’il n’apprécie pas qu’on gaspille, d’une manière ou d’une autre.
C’est un autre chef, aujourd’hui disparu, qui a définitivement transmis le virus à Claude en lui donnant le coup de pouce l’encourageant dans cette voie. Butant sur une énigme culinaire, à savoir la réalisation d’une génoise inspirée d’un fraisier mais en version salée autour d’un saumon, de petits légumes et d’une crème collée, Claude envoie une lettre à Bernard Loiseau pour lui soumettre sa difficulté. Le chef a la gentillesse de répondre. Claude estime avec humilité avoir partiellement réussi grâce à ses conseils. En tout cas il m’a semblé qu’il allait avoir envie de s’y remettre et qui sait si pour le dixième anniversaire de nos pique-niques estivaux (Çà tombera quelle année ?) nous aurons ce plat de roi à savourer.
On ne peut pas faire la cuisine si on n’aime pas les plaisirs de la table ni si on est pressé. Sa grand-mère exigeait qu’on patiente une semaine avant d’attaquer son pâté, dont il conserve le souvenir savoureux, même sans pain. Je devine la nature de ce plaisir car ma propre grand-mère nous régalait d’un pâté de lièvre, ou de lapin en dehors de la période de la chasse, qui détrône dans mon souvenir tout ce qu’on trouve « dans le commerce ».
Evidemment Claude ne « sait » rien faire en 5-10 minutes. Un couscous ne lui prend pas 3 heures, mais la journée entière. Il fait macérer ses viandes et travaille longuement sa semoule. Il consacre le dimanche entier à préparer les plats pour toute la semaine. Le congélateur est alors un précieux allié pour manger toujours frais.
Ne lui parlez pas d’appareils ménagers sophistiqués! Le thermomix le rebute. Le robot l’agace. Ce sont des tueurs de cuisine, dit-il avec un soupçon de colère. La promesse que l’engin travaille à sa place l’agace prodigieusement. Il reconnaît qu’ils font gagner du temps et de l’énergie mais il estime qu’on peut correctement se débrouiller sans eux. Et Claude pourrait aller jusqu’à l’altercation avec leurs usagers pour leur démontrer qu’ils peuvent rester au placard.
Claude ne cuisine pas sur le pouce. Il pourrait être admiratif de ceux qui improvisent une recette au pied levé, en fonction de leur humeur, de leurs envies et de ce qu’ils ont de disponible dans réfrigérateur et placards. Ce n’est pas lui qui se présentera à un concours de recette à partir d’un panier garni surprise. Mais il est capable de passer outre ses réticences quand on le défie à l’avance de présenter un plat avec un ingrédient imposé. Je me souviens des efforts qu’il avait faits pour le Salon du blog culinaire de Soissons en novembre dernier autour du lapin … qui est loin d’être sa viande de prédilection. Il avait conçu pourtant une brochette de lapin et mangue sur lit de jasmin fort savoureuse.
Quand il invente c’est après avoir lu une quantité phénoménale de rédactions d’une même recette. Bien entendu il testera diverses manières avant de s’arrêter sur une version. Y compris pour des plats qui paraissent simples comme les délicieuses brochettes de melon et de crevettes, ou le cake « fromage de chèvre-échalotes-betteraves » qu’il a partagés avec nous au dernier pique-nique.
Il avait aussi concocté un Aloha, dont le nom d’inspiration tahitienne évoquait les vacances et que l’association noix de coco et rhum s’accordait à la situation. Je gage qu’il avait multiplié les essais la semaine précédente.
C’est un perfectionniste qui a toujours peur de décevoir. Ses macarons doivent atteindre le sublime. Cette fois son maître est un autre Christophe, Christophe Felder, dont il s'inspire pour faire la ganache mais en diminuant la proportion de sucre. Il aime beaucoup la pâtisserie parce que c’est lié à la vie et il n’hésite pas à en amener à ses collègues.
Ses préférences vont malgré tout à un bœuf bourguignon... à l’ancienne, cuit au four 2 h 30 à 3 heures dans une cocotte en fonte avec un vin d’hypocras, et servi avec une sauce liée avec un petit morceau de chocolat noir. Les noix de Saint-Jacques pourraient le faire succomber. Ou encore des encornets sautés au jus de piment, préparés façon caviar, qui furent un succès l’an dernier.
Il emploie moult épices, avec un faible très net pour cette petite baie qu’on appelle poivre de Setchuan. Rien d’étonnant à savoir qu’il aime les mariages insolites salés-sucrés qu’il n’hésite pas à qualifier de « merveilleux ».
Quand il ne partage pas les plats, il fait au moins profiter une large audience de ses mises au point puisqu’il publie sur un blog, sous le nom des délices de cuisto 77, ce qui est sa manière de célébrer le département où il réside, et sans mettre de C majuscule à cuisto, par simplicité. La Seine-et-Marne mérite cet honneur, ne serait-ce que pour la roseraie de Provins, et ses bons fromages, comme le brie de Meaux, ou moins connu le brie de Melun.
Sans être un ancêtre, Claude avoue avec fierté une expérience de plus de 30 ans. Il faut dire qu’il a commencé très tôt. Il fait bénéficier son entourage de ses conseils en prodiguant des cours, plutôt individuel, puisqu’il se déplace volontiers à domicile, en apportant avec lui tout le matériel nécessaire, et les produits aussi du même coup.
On lui réclame à cors et à cris de l’aide pour apprendre à faire les macarons. Mais si vous avez envie de remplir votre garde-manger de pâté de campagne, de fromage de tête, de pâté de foies ou à l’ail et que l’industriel vous rebute, n’hésitez pas à le solliciter pour cela. Il vous livrera tous ses secrets et vous laissera en partant de quoi vous rassasier pour longtemps.
Si vous n’avez pas envie de mettre la cuillère dans le hachoir et que vous invitez la famille ou les amis, c’est encore lui qui pourra vous suppléer peut-être pas pour la totalité du repas, c’est à discuter, mais au moins pour le dessert. Il a récemment conçu un gâteau de mariage à base de génoise et de choux pour une cinquantaine de personnes. Il ne travaille pas au-delà, car il faut que la cuisine demeure un plaisir.
Il lui reste encore des défis à relever comme le gâteau de Savoie, qu’il juge «très rebelle». Je vais donc lui confier la recette que m’a donnée Fabrice Gwizdak et je gage que bientôt Claude va le réussir ... s'il n'en modifie pas les proportions ... En tout cas je demande à goûter !
Le blog de Claude : http://www.lesdelicesdecuisto77.fr/
5 commentaires:
waouh, je ne sais plus ou me mettre devant tant de louange. Mais ça fait un bien fou.Encore milles mercis pour ce billet, je ne mérite pas autant. je cuisine avec le cœur c'est tout.Gros bisous
Un magnifique portrait d'un homme que je suis ravie d'avoir rencontré grâce à mon blog et surtout je suis ravie d'avoir été sa prof pour les macarons. Je pense qu'à présent l'élève dépasse le maître dans ses idées de ganaches ;-)
C'est magnifique cet hommage que tu lui rends ! il le mérite amplement
Très bel article qui décrit à merveille Claude et si je peux ajouter quelque chose, je dirais que dans sa cuisine se reflète sa générosité et elle est bien grande !
Bonne fin de journée, Marie-Claire.
Wahouuuuuuuuuuuuu!
Quel joli portrait ! et j'ai vraiment ressenti, lors du pique-nique, que Claude était un grand homme, très humain, et surtout gentil comme tout !
Bravo pour ce portrait tellement mérité ...
Bises,
Angie
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