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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

lundi 5 mai 2014

Anna des Miracles de Virginie Langlois chez Buchet Chastel

Anna est une caissière de supermarché qui, découragée par le monde de la consommation, décide de partir en pèlerinage du Puy en Velay jusqu'à Compostelle. Très rapidement, à sa grande surprise et bien malgré elle, ses mains se mettent à faire des miracles. Déjà certains pèlerins accélèrent le pas. D’autres rebroussent chemin pour la rencontrer. La rumeur se répand, s’enflamme. On parle de ses guérisons dans les journaux.
Anna possède-t-elle réellement un pouvoir ? Quel est le rôle de Jean, cet inconnu qui s’est joint à elle et qui, chaque soir, l’invite à fumer d’étranges cigares ? Le chemin apportera-t-il des réponses ?

J'ai commencé Anna des Miracles assaillie de doutes. Je n'étais pas motivée par le sujet. Ma pensée était brouillée par les souvenirs du drôlissime film tourné en 2005 par Coline Serreau, Saint Jacques la Mecque, avec Muriel Robin, Jean-Pierre Darroussin, Pascal Légitimus.

Sauf que le livre de Virginie Langlois est tellement vivant, autant profond que fluide, que je ne l'ai pas lâché.

Anna des Miracles est un livre qui bouscule les codes habituels
Il correspond sans nul doute à la philosophie qui anime l'auteur. Elle est à la fois hors du temps, avec des valeurs très fortes loin des modes et très ancrée dans le XXI°siècle dont elle intègre les usages, comme celui des réseaux sociaux.

Elle a d'ailleurs ouvert un blog où, depuis le 20 avril,  elle raconte avec l'appui de photos les étapes du voyage de son héroïne.

J'ai pensé au généticien Albert Kahn qui parcourt la France à pieds à la recherche du bonheur et de la liberté. Il  échange tous les soirs avec des lecteurs via les réseaux sociaux. Et il s'est trouvé lui aussi un moment sur le chemin de Saint-Jacques même s'il ne se considère pas comme un pèlerin.

Un récit d'initiation qui n'est pas donneur de leçons
C'est ce qui m'a fait poursuivre la lecture, un peu comme si je suivais le chemin des mots.

C'est parce qu'elle se découvre en manque du brut, du minéral, du végétal, de l'animal (p. 37) qu'elle quitte tout pour se mettre en route : l'artificiel de mon quotidien m'avait engluée sous des couches de vernis épais que les pierres du chemin avaient commencé à poncer.

Aller à Compostelle aujourd'hui n'est cependant plus la prouesse d'autrefois, en bure et sandales, sans baume à l'arnica soixante kilomètres par jour. Beaucoup mouraient en route. Rien à voir avec les progrès dont bénéficient les pèlerins d'aujourd'hui qui se limitent souvent à trente.

Il n'empêche qu'Anna va être confrontée à des bobos de toutes sortes.

La première entorse
Elle commence par soulager une allemande ... en posant ses mains fraiches sur l'articulation enflammée. Anna est une personne simple qui aime les gens, et qui prend soin des autres. Elle ne passe pas à coté de quelqu'un sans le voir, et sans percevoir sa souffrance. Elle a développé un tel sens de l'observation qu'elle en deviendrait presque psychologue.

Et puis elle se lie avec Jean, qui devient son mentor, malgré les craintes que lui inspire ce sexagénaire qui intercale une fine couche de silence entre les feuilles du tabac qu'il partage avec elle, le soir venu.

Anna du magasin, du chemin, des miracles
Rencontre après rencontre, la jeune femme se débarrasse de sa carapace. La caissière devient une célébrité sur le chemin où on la guette pour bénéficier de ses dons. Elle soulage sans espoir de retour et c'est avec surprise qu'elle découvre la manière dont les gens lui manifestent leur reconnaissance.

Elle interroge la manie qu'elle a depuis l'enfance de prendre son pouls, pour conjurer sa peur de mourir. Anna a su compter avant d'apprendre à lire. Son aptitude au calcul mental est source de situations cocasses que l'auteur met en scène avec humour sans cacher le penchant autistique de son personnage.

Elle suit le chemin avec humilité. Le parcours géographique deviendra spirituel puis métaphysique. Le chemin sait où il nous mène. Et pourtant, une réponse reste toujours une question de point de vue, de culture, de croyance, d'époque, de morale, de manque de connaissances, de lacunes de la science.(p. 163)

Lire ce livre maintenant c'est courir le risque de bifurquer votre destination de vacances ... qui sait si vous ne déciderez pas de prendre le chemin ...
Virginie Langlois est née dans le Var en 1966 et vit sur sa presqu’île natale, face à la rade de Toulon. Ingénieur, elle a travaillé quelques années dans l’industrie avant de mener une réflexion philosophique sur la nature quantique de la réalité. Ecrivain, scénariste, conférencière et animatrice d'ateliers d'écriture créative, elle se consacre à diffuser la richesse des idées que la science d’aujourd’hui, au carrefour des arts, de la philosophie et de la spiritualité, nous offre. Elle a publié Les Sabliers du temps et La Grande Eclaire chez Actes Sud.

Anna des miracles de Virginie Langlois, chez Buchet Chastel, sortie en librairie 5 mai 2014

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