Cela fait plus de quatre ans que la création de Tempête sous un crâne a eu lieu et c'est aujourd'hui la dernière représentation, du moins en France. Il était temps que je vienne voir le spectacle ! D'autant que depuis, Jean Bellorini a présenté une autre mise en scène, la Bonne âme du Setchouan que, elle j'ai vue il y a quelques mois.
J'imagine aisément que le travail de la troupe a évolué en quelques années et c'est assez troublant de parler de ce spectacle. Je vais donc solliciter la parole du metteur en scène :
Ce spectacle est une adaptation des Misérables, pour deux comédiens dans la première partie et cinq dans la seconde, accompagnés par deux musiciens qui prennent en charge toute la poésie de Victor Hugo. Tour à tour ils s’écoutent, se coupent la parole ou se mettent à scander ensemble l’histoire des Misérables comme on pourrait se mettre à chanter une chanson. Ils s’obsèdent autant par l’action du récit que par la poésie de la langue. A la manière d’En attendant Godot, ces bonshommes se retrouvent dans un espace qu’ils ne connaissent pas. Ils attendent on ne saura jamais quoi.
Ils comblent le vide grâce à la parole, leur seule arme pour survivre. Parler pour ne rien dire peut-être mais parler pour exister.
Le décor est minimal : un arbre qui fait penser à Godot, de toute évidence, un lit-cage, deux bougies, beaucoup d'instruments (batterie, piano, guitare, accordéon). Ce sont paroles et musiques qui seront essentiels dans cette représentation.
Des paroles qui permettent de raconter ou d'incarner les personnages dont chacun de nous a déjà sa représentation avant d'arriver au théâtre. Qui ne connait pas Jean Valjean, Javert, les Thénardier, Cosette et Gavroche et quelques autres personnages hugoliens ?
Cette connaissance autorise d'ailleurs les adaptateurs (formidable travail de Jean Bellorini et de Camille de la Guillonnière) la liberté de faire vivre plusieurs personnages dans un même corps et de les faire glisser plus tard dans l'Histoire avec un H majuscule. L'apport de la musique (tout aussi formidable création de Céline Ottria).
La longueur de la représentation (3 h 30) n'est pas un handicap. On retrouve avec bonheur des répliques devenues cultes comme Il y a un spectacle plus grand que la mer, c’est le ciel. Il y a un spectacle plus grand que le ciel, c’est l’intérieur de l’âme..., ou encore J'aimerais mieux épouser Louis XVIII ... (que de garder Cosette un jour de plus à la maison dit la Thénardier), le nez dans le ruisseau c'est la faute à ... (Gavroche).
On redécouvre le texte d'Hugo puisque, et c'est parfait, nous n'avons pas un résumé ni une réécriture mais bien les paroles originales, interprétées par des comédiens exceptionnels.
La mise en scène, assez pure, porte néanmoins la "signature Bellorini" avec des pluies de confettis rouges comme des coquelicots, des lumières qui dansent et surtout une association toujours juste entre paroles et musiques. Le résultat est fluide, énergique et immensément poétique tout en respectant la portée épique de l'écriture de Victor Hugo.
Jean Bellorini est nominé pour les Molières avec sa dernière création, Paroles gelées, d'après François Rabelais. Il ne sera pas à Paris le 2 juin pour entendre le verdict et il ne s'en émeut pas le moins du monde. Tempête sera alors en tournée en Palestine pour quatre représentations exceptionnelles et le metteur en scène sera avec sa troupe. De toute évidence.
Tempête sous un crâne, de Victor Hugo/ Jean BelloriniQui se jouait du 28 avril au 25 MAI 2014 au Théâtre d'Ivry Antoine Vitez
Production Théâtre Gérard Philipe-CDN de Saint-Denis, Compagnie Air de Lune. Avec le soutien du Conseil Général de Seine-Saint-Denis, d’ARCADI, de la Mairie de Paris, de l’ADAMI, de la SPEDIDAM et du Bureau FormART. La compagnie Air de Lune a été accueillie au Théâtre du Soleil pour la création du spectacle intégral.
avec Mathieu Coblentz, Karyll Elgrichi, Camille de la Guillonnière, Clara Mayer, Céline Ottria, Marc Plas et Hugo Sablic
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