Je voulais voir Les frottements du coeur pendant sa programmation au festival du S en S des Gémeaux parisiens. J'ai découvert beaucoup de spectacles mais mon emploi du temps ne m'a pas permis d'y caser celui de Katia Ghanty.Il est de nouveau à l'affiche. Ne faites pas comme moi. Courez-y !
Comme c’est étrange, à 29 ans, d’avoir le cœur qui flanche… La grippe, quoi de plus banal. Mais la maladie s’aggrave, et elle est transportée d’urgence à l’hôpital. Son pronostic vital est engagé, son cœur très affaibli. Elle est en danger de mort. Les premiers soins et traitements ne suffisent pas alors l’équipe médicale décide de lui greffer une machine de circulation extra-corporelle.Une plongée dans l’univers surréaliste, épique et désespérément drôle de la réanimation. Une histoire belle et forte de montagne à gravir, de brouillard à traverser, de résilience et d’amour.
Poussée par son entourage, la comédienne a accepté de porter son histoire (car c’est une histoire vraie) sur la scène à partir du livre qu’elle avait publié peu après les évènements, quand ils étaient encore frais à sa mémoire (Les frottements du coeur, journal hospitalier, aux éditions Métropole, en librairie depuis le 7 juin 2022).
Car autant vous le dire, personne n’aurait envie de se souvenir de ce qui lui est arrivé tant ce fut tragique. Mais comme bien souvent, la comédie s’est infiltrée dans chaque épisode du feuilleton et elle réussit à faire rire la salle en racontant ses déboires.
Il lui suffit d’adopter la posture du médecin, se prenant le menton en geignant que "la situation est très compliquée" pour que le public rit. Elle connait bien son sujet. Alors quand elle mime le malaise on a envie de faire signe au pompier de service pour qu’il se porte à son secours.
Tous les patients ne sont pas à égalité de prise en charge. Mieux vaut ne pas arriver en fin de semaine dans un service hospitalier épuisé. Entendre le médecin coordonnateur se plaindre "Franchement, là, si on se tape encore un décès" … n’a vraiment pas dû mettre du baume au cœur de cette jeune femme. Et justement, c’était son coeur qui flanchait, suite à une "méchante" grippe qui a bien failli la faucher net.
Pour une grippe, c’était une belle grippe. Elle ne le dit pas aux spectateurs mais je vous le conseille : faites-vous vacciner parce que si vous chopez le même virus vous n’êtes pas sorti … de l’hôpital.
Katia Ghanty suscite évidemment toute notre compassion mais aussi notre reconnaissance de si bien nous distraire. Son seule-en-scène a des vertus thérapeutiques tant il provoque les réactions et les rires fusent nombreux. Le comique est essentiellement de situation (il faut par exemple la voir écartelée, ou encore aspirer un jus d’orange à la paille) et de paroles : On va peut-être vous perfuser un peu de morphine, on n’est pas des tortionnaires.
La liste des médicaments et de leurs effets secondaires nous amuse tout simplement parce qu’on pense qu’elle exagère. Mais non.
La comédienne réussit même le tour de force de nous apprendre quelques trucs, comme l’hypnose conversationnelle quand on détourne l’attention en posant une question incongrue. Une pratique dans laquelle le corps médical excelle. Et que penser de la question qui après tout n’est pas stupide pour évaluer une situation : sur une échelle de 1 à 10 … ? sauf quand on est déjà rendu à un niveau 15 de douleur.
Elle a appris ce soir à beaucoup de personnes innocentes que chaque durée annoncée par un médecin doit être multipliée par 7 ou 8 pour obtenir la réalité. Personnellement ça fait longtemps que je double systématiquement leurs promesses "d’être sur pied d’ici une quinzaine". Il faut croire que son cas était proche de la désespérance pour devoir appliquer un coefficient 7.
On vit aussi avec elle des instants d’une douceur improbable. Parce qu’il en existe, même en réa. Elle nous offre un joli moment dansé après l’arrivée de l’amoureux. Et elle chante admirablement.
On se demande comment elle a réussi à trouver la force de tout réapprendre (elle nous en donne un aperçu debout sur la chaise). Et d’accepter que ce soit si long.
Elle nous confie s’être fait la promesse : Si je survis je n’aurai plus peur jamais. C’est sans doute cette même force qui l’anime sur scène, qui lui permet de jouer aussi juste autant de personnages. D’être à l’aise en racontant, en mimant, en dansant, en chantant.
On se demande évidemment comment le personnel soignant a pu réagir au spectacle si tant est qu’il ait eu le courage, ou a minima, la curiosité de se déplacer. Fort bien paraît-il. Et il se pourrait même que des comportements aient évolué. Les médecins auront en tout cas appris que la soif surpasse la douleur.
Cette affirmation ne vous dit peut-être rien mais je l’ai vécue moi-même, jusqu’à supplier d’au moins pouvoir prendre un peu d’eau dans la bouche en promettant de ne pas l’avaler, mais juste me rafraîchir un peu.
La mise en scène d’Éric Bu est sobre mais efficace, évitant l’écueil du stand-up et des larmes. Et pour jouer tant de personnages pendant 1 heure 30, toujours dans la même robe, et devant un décor réduit à trois morceaux de voile il faut revenir de loin. Parce qu’il faut force talent.
Chapeau madame ! On veut vous garder près de nous très longtemps.
Les frottements du coeur de et avec Katia Ghanty
Mise en scène Éric Bu
Assistante à la mise en scène Sophie Bouteiller
Lumières Moïse Hill, assisté de Pierre Mille
Chorégraphie Florentine Houdinière
Création sonore et musique Agnès Imbault et Caroline Geryl
Au Théâtre des Gémeaux Parisiens - 15 rue du Retrait - 75020 Paris
Jusqu'au 14 mars 2026
Les lundis à 19 h et les samedis à 15 h jusqu'au 20 décembre
Les 22, 23 et 29 décembre à 19h
Les 24, 26, 27, 30 et 31 décembre à 17h15
Les 02 et 04 janvier 2026 à 17h15
À partir du 05 janvier de nouveau les lundis à 19 h et les samedis à 15 h
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