J'ai vu le film, Grace de Monaco, et je me suis trouvée dans une forte perplexité. S'il n'y avait eu que ce "biopic", comme on dit désormais, j'aurais fait l'impasse sur le sujet, histoire de ne pas ajouter de la polémique à propos d'une réalisation qui en a déjà assez subi.
Seulement voilà : j'avais lu le livre, Grace Kelly, d'Hollywood à Monaco, le roman d'une légende, l'avais chroniqué et je me sens une sorte de responsabilité morale à exprimer mon point de vue. Sans tout dire, ce qui est impossible, la biographie de Sophie Adriansen est très fouillée, ultra précise et elle a le très grand mérite d'éclairer la vie et la personnalité de la Princesse.
Le film se concentre sur un épisode, et à moins d'avoir un oeil de lynx pour déchiffrer le sous-titre (le plus beau rôle de sa vie) il est logique que le public s'imagine tout autre chose.
Il aurait fallu s'attarder sur le pitch :
Lorsqu'elle épouse le Prince Rainier en 1956, Grace Kelly est alors une immense star de cinéma, promise à une carrière extraordinaire. Six ans plus tard, alors que son couple rencontre de sérieuses difficultés, Alfred Hitchcock lui propose de revenir à Hollywood, pour incarner Marnie dans son prochain film. Mais c'est aussi le moment ou la France menace d'annexer Monaco, ce petit pays dont elle est maintenant la Princesse. Grace est déchirée. Il lui faudra choisir entre la flamme artistique qui la consume encore ou devenir définitivement : Son Altesse Sérénissime, la Princesse Grace de Monaco.
Quand on a écouté attentivement les déclarations du réalisateur on sait que ce qui l'intéressait chez Grace c'était le renoncement à sa carrière d'artiste en raison de la difficulté à concilier son mari, ses enfants, sa vie de femme et son travail. C'est un sujet qui résonne dans l'actualité. Il suffit de penser à ce que vivent les compagnes de présidents de la République.
L'ennui, car on peut employer ce mot, c'est qu'en choisissant cette femme là il apporte une réponse conventionnelle à la question. Et puis, après ce qu'il avait fait en 2007, avec La Môme, où Marion Cotillard incarnait Edith Piaf (et couronnée ensuite Oscar de la meilleure actrice) on était en droit d'attendre un niveau comparable. Surtout pour un film ouvrant le 67ème Festival de Cannes, le 14 mai 2014, et faisant partie de la Compétition.
Du point de vue historique, on peut aussi lui reprocher des inexactitudes, que la famille princière aurait voulu voir corriger, et qui ont valu leur retrait du projet. N’ayant pas eu accès au rocher pour le tournage il a fallu reconstituer un décor monumental (en Belgique pour les appartements), et filmer à Menton et en Italie dans des extérieurs plausibles. Là n'est pas le problème majeur.
Ne me sentant pas de mener une analyse comparative plus poussée et sachant juste que le face-à-face entre Alfred Hitchcock et Grace Kelly n'avait pas pu avoir lieu en 1962 à Monaco (il terminait le montage des Oiseaux et n'aurait pas pu se rendre sur la Côte d’Azur) j'ai préféré demander à Sophie son point de vue.
Elle approuve le choix d'Olivier Dahan d'avoir focalisé l'action sur l'année 1962 qui fut à la fois le théâtre d'un bras de fer entre Charles De Gaulle et le prince Rainier (ce qu'on a oublié depuis) et d'une crise dans la vie de Grace qui avait du mal à rentrer dans la fonction de princesse. Elle y consacre d'ailleurs un chapitre de son livre, 1962, la tentation Hitchcock (p. 127 et svtes).
Elle ne prend pas part aux polémiques en estimant que le cinéma est prédisposé à n'être que "une fiction inspirée de faits réels", ainsi qu'il l'est rappelé au début du film. Elle concède malgré tout qu'elle n'a pas retrouvé intégralement son héroïne. Rien d'étonnant à ce que j'ai été moi-même désappointée.
Vous retrouverez l'intégralité de ses propos sur MyBOOX dont elle est une des collaboratrices. Et ici ce que j'écrivais à propos de son livre en janvier sur le blog. Vous aurez compris que je vous en recommande la lecture.
Grace Kelly, par Sophie Adriansen, chez Premium, janvier 2014
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