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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

vendredi 30 janvier 2015

Dominique de Cookie Allez chez Buchet Chastel

J'avais découvert Cookie Allez avec Mobile de rupture l'an dernier. Son nouveau roman, Dominique, est plutôt étonnant. Si j'osais je dirais qu'il est parfaitement culotté, ce qui, par les temps qui courent, est une performance.

C'est une lecture plutôt réjouissante après l'émoi suscité dans les familles par l'annonce de la théorie du genre. J'en connais qui ont retiré leurs bambins de l'école maternelle, craignant qu'on dispense à leurs chérubins une initiation prématurée à la sexualité.
Dominique raconte l’histoire d’un bébé qui naît en 2002.
France, sa mère, est la seule descendante d’une lignée de femmes qui - très jeunes, et pas de leur plein gré - ont enfanté une fille... Jeune idéaliste un peu inconséquente, elle a voulu ce bébé mais se refuse à lui imposer le sexe dont la nature l’a pourvu.

Ainsi France va-t-elle s’ingénier à faire en sorte que Dominique puisse en toute liberté définir son genre sexuel. Cela part d’un bon sentiment : lui laisser développer sa personnalité sans subir les contraintes de la société... Mais l’engrenage est terrible ! Ce projet d’éducation implique une discipline d’enfer !
Le roman s’arrête en 2014, à un moment décisif de la vie de Dominique qui a alors douze ans. sans jamais concéder l'ascendance du féminin sur le masculin et réciproquement. Le suspens sur la révélation du sexe réel de cette jeune personne ne sera pas résolu avant la dernière ligne. Rien que cela justifie la performance littéraire.

La langue française n'est pas commode. On testera (p. 135) dans la famille le troisième pronom personnel neutre, hen, inventé en Suède. Et tant pis s'il évoque la poule. Les classiques sont eux aussi sujets à caution. Surtout tu et sa brutalité.

Cookie Allez enchaine les quiproquos et les incongruités tout en pointant les aberrations notamment  sémantiques, en évitant brillamment le traité de morale. Son analyse des tenues vestimentaires dévolues à chacun des sexes (p. 208) est un régal. Pourquoi associer le rose à la fille, le bleu au garçon ? On remarquera d'ailleurs que chaque chapitre fait référence à une couleur.

Garçon ou fille, qu'est-ce que cela pouvait bien changer pour les parents ? Ils avaient voulu un enfant parce qu'il était humain de vouloir un enfant. Humain, normal, et de nos jours légitime. (p. 35) Le bébé s'appellera Dominique, Claude, Camille.

Dominique ne connaitra ni la crèche, ni 'école, ni la garderie. Il sera paré de deux doudous, un lapin rose, un lapin bleu, pour l'aider à affronter la vie.

Est-ce que tout le monde est pareil ? (p. 200). L'auteur entretient le suspense, évoque des questions, suggère des réponses : les poissons les plus divers partagent le même royaume ...

Il faut lire le roman jusqu'à son terme pour comprendre la démonstration par l'absurde que nous fait Cookie Allez du concept d'égalité des sexes. Peut-on gagner à se battre pour éviter les jugements ? Pour ma part j'estime, modestement, que la condition féminine aura avancé d’un pas décisif quand on cessera de donner des prénoms féminins à des ouragans dévastateurs. Il n'y a pas de détail insignifiant.

Dominique de Cookie Allez chez Buchet Chastel, en librairie le 29 janvier 2015

1 commentaire:

Anne Aubert a dit…

Il me semble que depuis peu l'alternance du genre est obligatoire pour nommer les ouragans... Mais cela ne suffira peut-être pas à améliorer la condition féminine !
Anne Aubert

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