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dimanche 1 mars 2020

Pierre Palmade fait toujours rire

Je suis allée voir Pierre Palmade ce dimanche après-midi dans une étrange salle en arc de cercle située à quelques mètres de la très animée place de Clichy.

Inauguré en 1872 sous le nom de Concert européen en raison de sa proximité avec le quartier de l'Europe, ce music-hall populaire de 600 places a rapidement été rebaptisé par abréviation l'Européen.  La salle sera entièrement reconstruite dans les années 1960, se tournera vers le théâtre, et prendra le nom de Théâtre en Rond en raison de sa nouvelle forme.

En 1987, Philippe Hourdé, alors directeur de l'atelier Hourdé (année préparatoire aux écoles d'art) et de l'École supérieure des arts et techniques (ESAT), décide d'y implanter son activité, sauvant ainsi la salle de la démolition. Il lui redonne son nom d'origine et renoue avec la musique en programmant de nombreux concerts, tous genres confondus (pop-rock, variété française, musiques du monde, jazz) ainsi que des spectacles musicaux. C'est là que le groupe Chanson plus bifluorée y fera son premier enregistrement en 1991.

A cette époque Pierre Palmade avait déjà fait ses premiers pas sur des scènes parisiennes : 
1989 : Ma mère aime beaucoup ce que je fais, mise en scène Sylvie Joly, au Théâtre du Point-Virgule
1990 : On se connaît ?, mise en scène Didier Long, au Palais des glaces
1991 : One man show, mise en scène Roger Louret, à l'Olympia
1992 : Passez me voir à l'occasion... , à La Cigale

Avant de partir jouer un peu partout en France et de démarrer une nouvelle pièce de François Bégaudeau avec Catherine Hiegel, intitulée Le lien, et après avoir joué quelques dates dans diverses salles, sans doute pour tester la formule, le voilà, quelque trente ans plus tard, à l'Européen, situé à un quart d'heure à pieds de la Cigale, pour reprendre une sélection de sketches qu’il a piochés parmi ses neuf one-man-shows. Pierre les a choisis parce qu'il les affectionne particulièrement mais aussi parce qu'il était curieux de voir s'ils pouvaient toujours fonctionner aujourd’hui...

Il ne lui a pas semblé utile de s'embarrasser de beaucoup d’éléments de décor. Il a retenu quelques objets fonctionnels et plutôt élégants. Il entre en sifflant, en jeans, veste bleu de Prusse, assortie à la couleur de ses yeux, immuablement très bleus.

Il ne croit pas si bien dire en disant j’estime qu'être léger, à notre époque, il faut lever le doigt pour le signaler. L'épidémie de Covid 19 n'est encore pas reconnue en France (alors qu'on comprendra dans quelques jours que le virus circule déjà pleinement).

Il prétend n'avoir pas eu davantage d'inspiration pour une chanson que ces quelques rimes : J’habite à la campagne ... sous un mât de cocagne, avec des chats, des chiens et des petits lapins, l'odeur de l'herbe verte, l'église qui nous alerte qu'il est bientôt midi, Qu’elle est belle la vie. 

Je n’ai écrit que cela. Là encore tous ceux qui ont eu la chance de pouvoir se loger loin des villes vont bientôt apprécier leur bonheur. Mais pour le moment le public rit, complice, estimant que la vie parisienne est tout de même plus excitante que l'isolement en ruralité.

Et l'artiste de poursuivre en faisant allusion à son hypocondrie légendaire : Il s’est passé quelque chose de fort dans ma vie. Je suis devenu plus léger, je n'ai plus d’angoisses métaphysiques.... malgré la mort qui rôde.

Pour rôder, elle rôde ... mais on ne le sait pas. Alors on sourit encore.
Le sketch du suicide où il se dit bisexuel, celui du nouveau voisin alcoolique, sa blague au chauffeur de taxi. Tout nous plait. Y compris celui qu'il a imaginé en s'inspirant de faits réels et du bon feeling qu'il avait cru avoir avec une certaine Catherine.

J'émettrai une réserve à propos de celui du mexicain chez le dentiste, non pas particulièrement pour son racisme et sa mauvaise foi mais parce que j'aime trop le Mexique et ses habitants pour supporter la raillerie.

Arrive fort heureusement le moment mythique de la partie de scrabble dont on ne se lassera probablement jamais, suivi du film X et du "suspense jusqu’à l’ennui". La devise de l'homme politique de "rassurer sans ennuyer", est tout à fait de circonstance en pleines municipales.

Puis ce seront la maladie de Julie, la lettre écrite par un Poilu depuis le Front et ...., juste après, la réponse à la question métaphysique de savoir ce qui se passe quand on ne tond pas un mouton. On voit bien quel type d’angoisse hallucinatoire peut inquiéter l’artiste.

ll termine en chanson, comme dans les émission de Patrick Sébastien. Il y a 30 ans j’avais 21 ans, faites le calcul, je finissais avec l’hirondelle. Aucune raison pour que ça change.

Pierre n'a rien éludé de ses errements, l'alcool, la drogue, le sexe, ni de ses angoisses même s'il affirme s'être débarrassé de la plupart. On en partage quelques unes avec lui, ce qui rend ses textes toujours autant percutants, et surtout toujours aussi drôles. On est bien dans nos pompes en face de lui et on se sent encore jeune. Pourvu que ça dure !
Pierre Palmade joue ses sketches
Du 15 Décembre 2019 jusqu'au 29 Mars 2020
L'Européen - 5 rue Biot - 75017 Paris
(spectacle suspendu par la fermetures des salles en raison de la crise sanitaire)

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