C'est un premier roman. On va penser que je me spécialise dans la catégorie. Il vient de paraitre aux éditions Préludes, un nouveau label, ayant pour vocation de faire découvrir de nouveaux auteurs, surtout premiers romans, français ou étrangers.
Sarah Vaughan est une anglaise, maman de deux enfants et journaliste d'une quarantaine d'années, qui a travaillé 10 ans au prestigieux Guardian.
Le meilleur résumé du livre est donné en citation : Je suis sincèrement convaincu que les gâteaux rendent notre existence meilleure. Dan Lepard, in Short & Sweet
On entreprend avec Sarah Vaughan une immersion dans l'Angleterre du début des années 60, laquelle était sans doute aussi conformiste que la France, avant que la soif de liberté ne monte en puissance.
On en voit les prémices avec les Women's Institutes destinés à encourager les femmes à cuisiner qui font office de pâte levante ... Et on pourrait multiplier les comparaisons métaphoriques.
La situation de départ est un concours de pâtisserie qui se déroule de nos jours et dont la récompense est la désignation de la nouvelle Kathleen Eaden. Le personnage a été inventé par Sarah Vaughan qui en fait l'épouse du PDG d'une chaîne de magasins alimentaires et l'égérie du renouveau de la cuisine anglaise. Et si Kathleen n'apparaît dans le roman qu'au travers d'extraits d'un journal intime ou de son Art de la pâtisserie, lui aussi fictif, elle constitue le fil conducteur de la trame du roman.
Si vous comptez trouver des trucs et astuces pour réussir vos gâteaux vous allez être déçu. Aucune recette n'est délivrée, même pas à la fin de l'ouvrage. On propose juste une ballade gourmande avec des titres du Livre de Poche, comme le Sourire des femmes, que j'ai chroniqué et que je recommande volontiers.
Voici donc un lien vers les desserts du blog pour tous ceux qui seraient frustrés. J'ai dû entreprendre des recherches pour savoir à quoi pouvait ressembler le gâteau Battenberg qui constitue une des première épreuves. il est très classique en Angleterre et commence à se faire remarquer en France où la pâtisserie se complique de plus en plus.
Tout commence en 1884, pour le mariage de la petite fille de la reine Victoria, la princesse Alice, qui épouse un prince allemand, Louis de Battenberg. Il s'agit d'une base de "sponge cake" que l'on découpe en longs rectangles et que l'on accole avec de la confiture en alternant les couleurs.
Ces quatre bandes honoraient les quatre princes allemands présents lors de la cérémonie. Théoriquement il est recouvert de pâte d'amande et l'effet de damier ne se révèle qu'au découpage, ce qui fait qu'on l'appelle parfois gâteau caché.
On trouve à Londres le moule spécial "Battenbeg cake tin" avec 4 cavités, bien pratique pour cuire en même temps les quatre bandes mais on peut les découper dans deux génoises, réalisées avec une seule pâte, dont la moitié sera colorée avant cuisson à l'aide d'un colorant alimentaire, et qui passeront au four dans des moules standard.
Certains pâtissiers, comme François Perret, emploient plus de 4 bandes de génoise et ne le cachent pas sous la pâte d'amande, pour renforcer l'effet damier (cf photo ci-dessus de Marie Etchegoyen pour M6). Et quand il est en couches multicolores cela devient le Rainbow cake ...
Un livre qui parle malgré tout de cuisine
Les principes de base de la pâtisserie sont tout de même énumérés (page 19). Il n'y a là rien de secret. La prédilection des anglais pour les tourtes cuisinées au saindoux et autres pies aux rognons est elel aussi sans surprise même si pour nous, frenchies, ce genre de plat est nettement moins tentant que des brochettes de grenouille à l'ail ...
On notera avec une pointe de chauvinisme que l'auteur rend un (petit) hommage à la cuisine française pour ses quiches ( page 259) ordonnée et jolies à contempler comme un tableau. C'est logique : elles sont moins caloriques et plus appétissantes que les tourtes qui cachent leur farce.
Elle recommande aussi de suivre l'exemple des Français qui développent de bonne heure le palais de leurs enfants (page 319).
Une grande spécialiste comme Mercotte remarquera aussi (page 140) que les blancs d'œuf sont montés dans les règles de l'art, en bec d'oiseau. J'ai noté encore la citation de marques emblématiques. Vicki enfourne ses plats dans une cuisinière Aga ( page 112) et j'en comprends l'importance puisque j'ai découvert ces superbes engins à la Foire de Paris. Karen cite le tranchant d'un Sabatier (page 135) qui fait référence en matière de coutellerie, au demeurant française.
L'éloge de l'entremet est un morceau d'anthologie (page 317) : gluant et réconfortant, aussi anglais qu'un après-midi pluvieux de février. Les quelques lignes d'explication sur le five o'clock étaient incontournables (page 442). J'aurais aimé par contre en savoir plus sur le Battenberg qui, après quelques recherches, s'avère devenir très à la mode en France, sans doute parce qu'il réclame de la dextérité. Rien d'étonnant à ce qu'il figure parmi les épreuves du Meilleur Pâtissier, sous le nom du gâteau damier. Après le gâteau magique il est en passe de devenir un incontournable chez les ménagères férues de pâtisserie.
L'ouvrage est moins superficiel qu'il n'y paraît. Les conseils d'alimentation pour s'entraîner à un marathon seraient validés par un coach sportif. On y trouve aussi beaucoup d'éléments d'analyse sociologique. Et surtout, l'exploration de l'âme humaine y est subtilement menée. En particulier le caractère féminin au travers de la maternité, dans toutes ses composantes. Rien ne nous est épargné : grossesse difficile, cerclage, fausse couche, avortement.
La difficulté n'est pas d'ordre culinaire
Chaque candidat est confronté à une difficulté à résoudre, et elle ne sera pas d'ordre culinaire. Le lecteur découvrira au fil des pages que l'enjeu est plutôt de se révéler être la meilleure maman (ou papa) du monde, l'épouse parfaite ou encore l'enfant idéal. Fantasme ou réalité ?
Avoir l'air forte, juguler un penchant anorexique, manquer de confiance ou d'estime de soi, réfréner des aveux ... Que faire quand la cuisine remplit le vide de son existence ? Voilà autant d'objectifs que se fixent les candidats.
Jennifer cherche à remplir le vide croissant de son existence. Elle a conscience de son surpoids qu'elle ne parvient pas à contenir. Et l'amour de ses filles est loin de la combler. Maman on t'aime comme tu es résonne comme une sentence.
Karen est obsédée par son passé. Les provocations de son fils la secoue. Tu ne trompes personne finit par tourner en boucle dans son cerveau comme un mantra.
Vicky se pense rejetée par sa mère. Elle comprendra ( page 413) qu'elle n'a aucune obligation à être parfaite, mais à être heureuse. Être une bonne mère c'est monter à ses enfants la voie du bien et du bonheur. Être une femme comblée et non pas aigrie.
Claire est employée par la chaîne de magasins organisatrice du concours. Gagner représente une chance d'offrir un avenir meilleur à ses enfants.
Ce qui m'a le plus intéressée ce sont les évolutions psychologiques des personnages au fur et à mesure du déroulement de la compétition culinaire. En particulier la transformation de l'esprit de compétition au bénéfice de la réalisation de soi. Le but devient celui de repousser leurs limites et non de dépasser les autres. Et on observe de vrais rapports d'amitié entre eux.
On peut effectuer un parallèle avec le marathon que court le mari de Jennifer qui cherche à être le premier. Si le nombre de vues sur you tube est surveillé c'est principalement parce que la popularité modifie le regard que les proches portent sur nous.
Je serai d'accord avec Sarah Vaughan : la pâtisserie est une preuve d'amour (page 27). Ma fille m'en a fait la brillante démonstration avec une excellente tarte au citron un jour de fête des mères.
La meilleure d'entre nous de Sarah Vaughan aux éditions Préludes, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Alice Delarbre.
Le meilleur résumé du livre est donné en citation : Je suis sincèrement convaincu que les gâteaux rendent notre existence meilleure. Dan Lepard, in Short & Sweet
On entreprend avec Sarah Vaughan une immersion dans l'Angleterre du début des années 60, laquelle était sans doute aussi conformiste que la France, avant que la soif de liberté ne monte en puissance.
On en voit les prémices avec les Women's Institutes destinés à encourager les femmes à cuisiner qui font office de pâte levante ... Et on pourrait multiplier les comparaisons métaphoriques.
La situation de départ est un concours de pâtisserie qui se déroule de nos jours et dont la récompense est la désignation de la nouvelle Kathleen Eaden. Le personnage a été inventé par Sarah Vaughan qui en fait l'épouse du PDG d'une chaîne de magasins alimentaires et l'égérie du renouveau de la cuisine anglaise. Et si Kathleen n'apparaît dans le roman qu'au travers d'extraits d'un journal intime ou de son Art de la pâtisserie, lui aussi fictif, elle constitue le fil conducteur de la trame du roman.
Cinq candidats sont en lice, réunis par une passion commune. Mais la confection d’un cheesecake ou d’un Paris-Brest ne suffit pas toujours à faire oublier les blessures et les peines. Jenny, la cinquantaine tout en rondeurs, délaissée par son mari ; Vicki, qui aspire à plus qu’à élever son petit Alfie ; Claire, la jeune caissière mère célibataire qui ne rêve même plus d’une autre vie ; Karen, dont l’apparente perfection dissimule bien des secrets ; sans oublier Mike, veuf en pleine thérapie culinaire… Au cours d’une compétition aussi gourmande qu’échevelée, tous apprendront que l’art de la vie est au moins aussi difficile que celui de la pâtisserie. Une déclaration d’amour à toutes les saveurs de la vie !On reconnaît les célèbres injonctions de l'émission Le Meilleur pâtissier, animée sur M6 par Cyril Lignac et la bloggeuse Mercotte. On attend des candidats qu'ils ... surprenez nous ! Mais la version de Sarah Vaughan est moins compétitive, et plus humaine.
Si vous comptez trouver des trucs et astuces pour réussir vos gâteaux vous allez être déçu. Aucune recette n'est délivrée, même pas à la fin de l'ouvrage. On propose juste une ballade gourmande avec des titres du Livre de Poche, comme le Sourire des femmes, que j'ai chroniqué et que je recommande volontiers.
Voici donc un lien vers les desserts du blog pour tous ceux qui seraient frustrés. J'ai dû entreprendre des recherches pour savoir à quoi pouvait ressembler le gâteau Battenberg qui constitue une des première épreuves. il est très classique en Angleterre et commence à se faire remarquer en France où la pâtisserie se complique de plus en plus.
Tout commence en 1884, pour le mariage de la petite fille de la reine Victoria, la princesse Alice, qui épouse un prince allemand, Louis de Battenberg. Il s'agit d'une base de "sponge cake" que l'on découpe en longs rectangles et que l'on accole avec de la confiture en alternant les couleurs.
Ces quatre bandes honoraient les quatre princes allemands présents lors de la cérémonie. Théoriquement il est recouvert de pâte d'amande et l'effet de damier ne se révèle qu'au découpage, ce qui fait qu'on l'appelle parfois gâteau caché.
On trouve à Londres le moule spécial "Battenbeg cake tin" avec 4 cavités, bien pratique pour cuire en même temps les quatre bandes mais on peut les découper dans deux génoises, réalisées avec une seule pâte, dont la moitié sera colorée avant cuisson à l'aide d'un colorant alimentaire, et qui passeront au four dans des moules standard.
Certains pâtissiers, comme François Perret, emploient plus de 4 bandes de génoise et ne le cachent pas sous la pâte d'amande, pour renforcer l'effet damier (cf photo ci-dessus de Marie Etchegoyen pour M6). Et quand il est en couches multicolores cela devient le Rainbow cake ...
Un livre qui parle malgré tout de cuisine
Les principes de base de la pâtisserie sont tout de même énumérés (page 19). Il n'y a là rien de secret. La prédilection des anglais pour les tourtes cuisinées au saindoux et autres pies aux rognons est elel aussi sans surprise même si pour nous, frenchies, ce genre de plat est nettement moins tentant que des brochettes de grenouille à l'ail ...
On notera avec une pointe de chauvinisme que l'auteur rend un (petit) hommage à la cuisine française pour ses quiches ( page 259) ordonnée et jolies à contempler comme un tableau. C'est logique : elles sont moins caloriques et plus appétissantes que les tourtes qui cachent leur farce.
Elle recommande aussi de suivre l'exemple des Français qui développent de bonne heure le palais de leurs enfants (page 319).
Une grande spécialiste comme Mercotte remarquera aussi (page 140) que les blancs d'œuf sont montés dans les règles de l'art, en bec d'oiseau. J'ai noté encore la citation de marques emblématiques. Vicki enfourne ses plats dans une cuisinière Aga ( page 112) et j'en comprends l'importance puisque j'ai découvert ces superbes engins à la Foire de Paris. Karen cite le tranchant d'un Sabatier (page 135) qui fait référence en matière de coutellerie, au demeurant française.
L'éloge de l'entremet est un morceau d'anthologie (page 317) : gluant et réconfortant, aussi anglais qu'un après-midi pluvieux de février. Les quelques lignes d'explication sur le five o'clock étaient incontournables (page 442). J'aurais aimé par contre en savoir plus sur le Battenberg qui, après quelques recherches, s'avère devenir très à la mode en France, sans doute parce qu'il réclame de la dextérité. Rien d'étonnant à ce qu'il figure parmi les épreuves du Meilleur Pâtissier, sous le nom du gâteau damier. Après le gâteau magique il est en passe de devenir un incontournable chez les ménagères férues de pâtisserie.
L'ouvrage est moins superficiel qu'il n'y paraît. Les conseils d'alimentation pour s'entraîner à un marathon seraient validés par un coach sportif. On y trouve aussi beaucoup d'éléments d'analyse sociologique. Et surtout, l'exploration de l'âme humaine y est subtilement menée. En particulier le caractère féminin au travers de la maternité, dans toutes ses composantes. Rien ne nous est épargné : grossesse difficile, cerclage, fausse couche, avortement.
La difficulté n'est pas d'ordre culinaire
Chaque candidat est confronté à une difficulté à résoudre, et elle ne sera pas d'ordre culinaire. Le lecteur découvrira au fil des pages que l'enjeu est plutôt de se révéler être la meilleure maman (ou papa) du monde, l'épouse parfaite ou encore l'enfant idéal. Fantasme ou réalité ?
Avoir l'air forte, juguler un penchant anorexique, manquer de confiance ou d'estime de soi, réfréner des aveux ... Que faire quand la cuisine remplit le vide de son existence ? Voilà autant d'objectifs que se fixent les candidats.
Jennifer cherche à remplir le vide croissant de son existence. Elle a conscience de son surpoids qu'elle ne parvient pas à contenir. Et l'amour de ses filles est loin de la combler. Maman on t'aime comme tu es résonne comme une sentence.
Karen est obsédée par son passé. Les provocations de son fils la secoue. Tu ne trompes personne finit par tourner en boucle dans son cerveau comme un mantra.
Vicky se pense rejetée par sa mère. Elle comprendra ( page 413) qu'elle n'a aucune obligation à être parfaite, mais à être heureuse. Être une bonne mère c'est monter à ses enfants la voie du bien et du bonheur. Être une femme comblée et non pas aigrie.
Claire est employée par la chaîne de magasins organisatrice du concours. Gagner représente une chance d'offrir un avenir meilleur à ses enfants.
Ce qui m'a le plus intéressée ce sont les évolutions psychologiques des personnages au fur et à mesure du déroulement de la compétition culinaire. En particulier la transformation de l'esprit de compétition au bénéfice de la réalisation de soi. Le but devient celui de repousser leurs limites et non de dépasser les autres. Et on observe de vrais rapports d'amitié entre eux.
On peut effectuer un parallèle avec le marathon que court le mari de Jennifer qui cherche à être le premier. Si le nombre de vues sur you tube est surveillé c'est principalement parce que la popularité modifie le regard que les proches portent sur nous.
Je serai d'accord avec Sarah Vaughan : la pâtisserie est une preuve d'amour (page 27). Ma fille m'en a fait la brillante démonstration avec une excellente tarte au citron un jour de fête des mères.
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