Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mardi 19 décembre 2023

Nathalie Quatrehomme, la passion du fromage de mère en fille

Chez les Quatrehomme le fromage est une histoire de famille. La maison a été fondée par les grands-parents paternels de Nathalie. Son grand père beauceron et sa grand-mère bretonne se sont rencontrés chez la tante et l’oncle de la jeune bretonne qui, déjà fromagers, ont acheté la boutique que la famille possède toujours rue de Sèvres. C’était en 1953. Il y a déjà plus de 70 ans. 

A cette époque le commerce pouvait vite se révéler florissant à qui n’avait pas peur du travail. Leur fils a pris la suite tandis que son épouse, la mère de Nathalie (et de Maxime) travaillait auprès d’enfants en tant que psychomotricienne. Il arriva qu’elle fut en rupture de contrat et c’est en quelque sorte naturellement qu’elle a rejoint son mari.

Elle s’est alors passionnée pour son nouveau métier. A tel point qu’elle a décidé de tenter sa chance lorsque le concours des MOF s’est ouvert quinze ans plus tard aux fromagers. Elle travailla d’arrache-pied afin de mettre toutes les chances de son côté et … devint en 2000 une des quatre premiers MOF fromages, et surtout la première femme de cette catégorie d’élite.

Le titre est personnel. Si bien qu’il ne figure pas sur la vitrine depuis qu’elle s’est retirée en 2012 après avoir donné un essor international à la "marque" Quatrehomme. 

Nathalie et son frère Maxime ont pris la suite après un parcours qui aurait pu les conduire ailleurs. A ce moment là Nathalie pensait juste faire un essai. Elle connaissait l’univers du fromage car elle avait déjà travaillé auprès de ses parents mais elle n’avait pas encore songé à en faire son métier. Elle était jusque là au service marketing d’un grand brasseur et n’avait aucune certitude sur ce que ce virage allait lui apporter.

Elle a délibérément exercé tous les postes et a gagné la légitimité qui lui permet aujourd’hui de poursuivre. Avec son frère ils ont doucement fait évoluer la sélection des fromages, le graphisme, le logo, les tenues, les boutiques qui ont chacune été refaites, en privilégiant toujours des matériaux nobles et en entretenant la fierté d'oeuvrer dans le patrimoine.

Quatrehomme est une fromagerie qui est restée traditionnelle, présentant une large gamme, qui ne se restreint pas sur des segments pointus comme par exemple le lait cru.

On y propose des fromages -essentiellement français mais pas exclusivement - avec une belle diversité, une forte qualité en apportant un grand soin au service, ce qui se manifeste par de nombreuses attentions sur l’accueil, le renseignement et le conseil, l’emballage, sous vide dès que nécessaire, la confection de plateaux, le portage à domicile, notamment pour les personnes à mobilité réduite … La fromagerie participe activement à la vie du quartier dont elle est un acteur important. Bien entendu les restaurants historiques et les palaces sont livrés régulièrement, même si la circulation dans Paris est devenue très difficile.

La qualité n'est pas négociable, pour faire la différence avec les autres distributeurs, notamment en libre-service. Certes, le fromage a un coût, mais on peut trouver là des fromages qu'on ne voit pas partout comme le petit Charolais au whisky, le Crottin fumé, le Saint-Félicien à l'ail noir. Ils pourraient constituer un cadeau au même titre qu'un bouquet de fleurs …
Nathalie Quatrehomme est consciente que le fromage n'est pas indispensable et que donc en cas de soucis financiers une famille peut facilement s'en dispenser pour réaliser des économies. C'est un produit-plaisir qui, à l'inverse, rappelle des souvenirs heureux de vacances, de casse-croute entre amis et faire l'objet d'achat coup de coeur. Il faut dire que la boutique regorge de belles croutes fleuries comme les Camembert, Brie et Coulommiers, ou lavées comme l'Epoisses, le Munster, le Livarot. Il existe aussi un rayon snacking avec par exemple cette quiche si appétissante …
La cave située ici possède un degré hygrométrique idéal de 80% où un caviste travaille à plein temps pour -par exemple- prendre soin des Tommes qu'il faut régulièrement frotter, mouiller, retourner, goûter, et cela plusieurs fois avant de les proposer aux clients. Un soin extrême est accordé aux chèvres qui peuvent soit être placés à sécher dans un haloir bien ventilé ou à l'inverse privés d'air en posant un papier sur leur surface afin qu'ils crèment. Vous aurez compris que l'affinage est une science.

Tout ne peut cependant pas vieillir rue de Sèvres. Ainsi le Comté provient du Fort-Saint-Antoine, dont la visite m'a laissé un souvenir impérissable. Nathalie s'y rend chaque année pour sélectionner les meules qui seront livrées beaucoup plus tard à Paris, une fois qu'elles auront atteint la maturité souhaitée.

On a du mal à l'imaginer mais il y a une lourde gestion des arrivages et des stocks des fromages qui sont en rotation permanente, ce qui s'ajoute au facteur de saisonnalité. Heureusement que la maison bénéficie de 70 ans d'expérience dans ce savoir-faire. Et qu'ils sont plus d'une quinzaine à travailler conjointement.

Un personnel est dédié aux commandes évènementielles. Ils sont deux en cuisine à préparer des spécialités fromagères, comme ce si tentant Camembert mendiant au lait cru (14 € pièce) assez caractéristique de ce qu'on peut avoir envie en période de fêtes de fin d'année. Il faut dire que les spécialités constituent l'ADN de la maison. On peut ainsi trouver à l'année des boules enrichies de raisins, mais aussi le Brie fourré à la pistache (à la truffe pour Noël), ou un chèvre fumé au bois de hêtre et mariné au whisky.
J'ai rencontré Nathalie pendant la Paris Cheese and Wine Week qui se déroulait dans plus de 150 lieux partenaires aux quatre coins de la capitale et de l'île de France du 18 au 26 novembre 2023 et dont elle a accepté cette année d'être la marraine.
Interrogée sur ses préférences, elle me confiait adorer un chèvre un peu serré, le Charolais, tous les bleus, y compris la Fourme d'Ambert mais aussi l'Epoisses. Les fromages de Savoie ont toujours une belle place dans la fromagerie mais il étaient particulièrement à l'honneur cette semaine. La Manigodine est une tomme de vache au lait cru de vache. Sa pâte est pressée et non cuite. Elle est fabriquée en Haute-Savoie. J'ai repéré également le Reblochon au lait cru, apprécié aussi bien cuit, en tartiflette, que tout simplement sur un plateau, le Beaufort, le Bleu de Termignon, l'Emmental de Savoie IGP.
Il y avait aussi des produits plus rares comme le Persillé de Tignes qui est une appellation d'origine désignant un fromage au lait cru fabriqué en Savoie avec du lait de chèvre et de vache. Il doit son nom à la ville savoyarde de Tignes, dans les pâturages de la vallée de la Tarentaise.
Et bien sûr quelques bouteilles de vin qui permettent de réaliser des accords parfaits.

Notre entretien s'est conclu sur une note optimiste parce que la profession a évolué positivement. les métiers de bouche ont désormais une image attrayante, à commencer par les chefs et les pâtissiers. Les professionnels veulent exercer des métiers qui sont porteurs de sens pour eux. L'enseignement a progressé.  Il y a quinze ans les fromageries fermaient. On en voit s'ouvrir désormais. Et Quatrehomme c'est aujourd'hui cinq lieux de vente :

Fromagerie Rue de Sèvres (La Maison Du Fromage) - 62, Rue de Sèvres - 75007 Paris - 01 47 34 33 45

La Fromagerie Des Martyrs - 26, Rue des Martyrs - 75009 Paris

La Fromagerie Du Rendez-Vous - 4, Rue du Rendez-vous - 75012 Paris

La Fromagerie De L'Espérance - 32, Rue de l'Espérance- 75013 Paris

La Fromagerie D’Issy-Les-Moulineaux - 9, Rue du Général Leclerc- 92130 Issy-les-Moulineaux

Aucun commentaire:

Articles les plus consultés (au cours des 7 derniers jours)