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lundi 22 janvier 2018

Le Défilé Couture de Rani Zakhem

J'ai eu la chance de pouvoir assister à deux défilés, pendant la Fashion Week haute couture, celui de Rani Zakhem et celui de Ziad Nakad dont je rendrai compte dans quelques jours.

Raconter un tel moment est un exercice difficile. Ou bien (et c'est ce que font beaucoup de rédactrices) on recopie le communiqué de presse en intercalant les photos (forcément sublimes) faites par les professionnels et envoyés par l'attaché de presse ... mais on publie dans ce cas  un article sans aucune originalité ...

... ou bien on écrit un texte personnel en utilisant ses propres clichés, forcément moins bons puisqu'on ne dispose pas du recul suffisant au moment où on les prend et surtout parce que tout le monde lève le bras pour capturer chaque instant sur son smartphone.
Cela frôle le ridicule parce qu'à ce petit jeu on ne regarde rien de la beauté des modèles qui défilent ... au pas de charge. On a beau savoir que le salon est loué on a envie de leur demander de ralentir. Certaines ne marquaient même pas l'arrêt au moment de faire demi-tour. C'est à peine si elles ralentissaient. Et on a failli assister à l'accident quand le talon de l'une d'elle s'est pris dans la traine. La chute a été évitée de justesse. Quand on sait qu'une carrière de top peut être brisée net par un tel incident il y a de quoi frémir.
 
Je ne sais pas non plus si c'est par mimétisme avec l'inspiration du créateur qu'elles avançaient avec une démarche féline, ondulant comme des lianes en pleine bourrasque, face à un vent d'au moins force 9 sur l'échelle de Beaufort. Le résultat était curieux mais prodigieusement étonnant et élégant.

Au sol, un miroir étincelant doublait en quelque sorte chaque modèle qui donnait aussi l'impression de marcher sur l'eau.

Tout allait très vite et j'ai été ridicule comme tout le monde. J'ai tenté malgré tout de voir et de photographier, sans chercher à tout immortaliser et sans prendre de notes écrites, moi qui d'habitude noircit mon carnet pendant un évènement. Un bref coup d'oeil sur mes voisines de fauteuil m'a stupéfiée : quel intérêt de shooter des modèles tout blanc parce que les filles sont inondées de lumière et que l'appareil fait la mise au point sur les spectateurs ?

Car il y avait beaucoup de couleurs parmi les créations. Un jaune d'or. Un rouge brillant. Souvent uni mais une fois associées en dégradé avec de l'or ou avec un noir profond.
 
Est-ce parce que chacun(e) est trop préoccupé(e) par son écran que le défilé a eu lieu dans un silence comparable à un recueillement jusqu'au final plutôt joyeux sur l'air de La Franciscana de Francesco Tristano, et qui fut légitimement très applaudi ? Le public aurait pu chuchoter des oh ou des ah d'admiration !
 
Vous allez donc voir dans cet article des duos entre mes prises de vues et les clichés officiels, histoire de rendre compte de l'ambiance et d'une forme de vérité. J'ai renoncé aux photos révélant les top-modèles en déséquilibre. Ces mouvements étaient beaux dans l'action, ils sont ridicules une fois figés. J'ai quelques belles photos ... elles ne sont pas meilleures que celles des professionnels, mais elles offrent un point de vue qu'ils ne pouvaient pas saisir parce qu'ils étaient tous positionnés de face. J'avais la chance d'être bien placée, pouvant (parfois) capturer cet instant où les top faisaient demi-tour et les saisir de face, de profil ou de dos.

Vous ne verrez pas non plus pas Florent Pagny et sa femme Azucena Camano, ni Amanda Lear cachée derrière de grands verres fumés, assise en face de moi ...  parce que c'est le travail magnifique du grand couturier qui me semble plus important que tout.
Le défilé était dédié à une femme volcanique. De nombreuses robes ont étincelé comme les cristaux cousus sur les tissus. On pourra évoquer la capitale autrichienne chère à Klimt à plusieurs reprises tant certaines créations ornées de sequins de formes géométriques évoquent le Baiser ou un autre de ses tableaux.
L’or a dominé le défilé, dans plusieurs tonalités, de la plus douce comme sur cette robe agrémentée d'un noeud sur l'épaule ou dans des versions plus soutenues pour sculpter un fourreau.
On remarquait ici ou là quelques hommages à Guy Laroche dont les dos-nu ont fait sensation dès 1972, Yves-Saint-Laurent et ses tissus inspirés par les tableaux de peintres modernes, et par l'emploi d'énormes noeuds comme Yves -et Madame Grès ou Jean-Louis Scherrer- aimaient en nouer.
La haute-couture s'écrit avec un alphabet de signes comme la manche gigot, qui s'accorde si bien à une jupe très ajustée. Ce détail très en vogue fin XIX° acquiert ici une formidable modernité sans doute en raison du décolleté.

 
On a vu autant de version longues que courtes, avec des décolletés en V, ou dénudant totalement les épaules.
Le couturier aime le corps des femmes dont il laisse entrevoir le maximum. La robe fendue semble son modèle fétiche. Et quand il couvre la peau c'est souvent avec un voile transparent.
C'est ce parti-pris osé qu'il a retenu aussi pour la robe de mariée, très moulante, en dentelle Chantilly.
Né au Liban, à Beyrouth, en 1983, Rani Zakhem a grandi au Kenya, à Nairobi où sa famille a dû émigrer en raison de la guerre. Les couleurs féeriques de la faune kenyane et les magazines de mode que son père ramène à sa mère de ses voyages, ont été des sources d'inspiration pour ce garçon qui s'est projeté très tôt dans un univers glamour.

Rentré à Beyrouth avec sa famille en 1992, à la fin de la guerre, il rejoint l’International College dont il sort diplômé en baccalauréat d’économie en 2001. Il enchaine avec des études en architecture d’intérieur à la LAU (Lebanese American University) et obtient son diplôme en 2005. Admis à Parsons, the New School for Design, à New York, il y parachève sa formation dans le domaine qui le passionne le plus : la mode. Titulaire d’un AAS au printemps 2007, il effectue des stages auprès de grands noms de l’industrie tels que Yigal Azrouël, Carlos Miele, et Patricia Underwood. Il fonde sa maison éponyme de haute couture en 2009.

En moins de dix ans d’existence, la griffe Rani Zakhem dispose d’un solide réseau de points de vente dans le monde entier, de New York à Baku, de Riyadh a Abu Dhabi, en passant par Bahrain, Doha et Koweït.
C'était son premier défilé parisien et il a créé la surprise dans le monde de la mode ... autant que pour moi, modeste admiratrice. Le travail de broderies est somptueux, mais pourrait-il en être autrement quand on prend pour la première fois place parmi les grands ? Voilà un homme à suivre.

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Crédits photos : Rani Zakhem

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