C'est un peu Avignon avant l'heure ce mois de juin à Paris. Cette après-midi je découvrais au studio Hébertot une des nouvelles pièces d'un auteur qu'on va finir par qualifier de "prolifique", Stéphane Guérin avec Comment ça va ?
Il avait l'été dernier dézingué la famille avec Kamikazes. Il poursuit dans la même veine, avec davantage de ressorts comiques.
Dans les soirées que nous racontent cet auteur On peut se parler et ne rien entendre comme le disait si justement un des personnages de Kamikazes. C'est forcément segmentant. On aime si on partage son point de vue, on chipote si on estime qu'il va trop loin. Personnellement j'adore. Je n'oublie pas qu'on est au théâtre et je me laisse aussi emporter par le jeu des comédiens qui, le connaissant bien, et tout particulièrement Raphaëline Goupilleau, savent à la perfection donner à ses monologues un air de dialogues.
Comment ça va ? nous ramène les pieds sur terre. La réponse est évidente .... non ? Comme ci, comme ça si on ne veut pas se plaindre. Les paroles de Shorts sont toujours d'actualité sauf que dans le théâtre de Stéphane Guérin ce n'est pas la différence de nationalité qui est la cause de l'incompréhension. Il faut la chercher ailleurs, et c'est ce qui fait la saveur du spectacle.
Ça commence joyeusement sur la musique entrainante du vieux tube néerlandais des années 80 dansé façon reggae par Paul, interprété par un Patrick Catalifo que je découvre dans un registre bien différent de ce que je l'ai vu jouer au théâtre de La Tempête.
Le spectacle est grinçant mais l'humour est constant, noir mais toujours présent. Il est ravageur dans la vie de couple en péril de Paul et Florence (formidable Florence Pernel qui tient là un de ses meilleurs rôles ... de composition bien sûr). Il n'est pas moins acide dans les rapports mère-fils entre Pat (Raphaëline Goupilleau) et Phil (Pascal Gautier).
Le doute est permis au tout début. Il se pourrait que Pat ne soit "que" dépressive, que Paul retrouve vite du travail, que Florence accepte de vieillir et que Phil se satisfasse de son avenir. petit à petit les non-dits surgissent dans une écriture qui s'enclenche en zigzags.
Stéphane Guérin parvient, avec des paroles d'une simplicité absolue, à pointer des vérités parfois cruelles : Le temps parait toujours plus long quand don attend / La société c'est les autres, l'humanité c'est nous / L'âge n'est pas un problème pour une femme, c'est juste une épreuve de plus ...
On peut tout se dire ; on se connait depuis si longtemps ! (...) Je suis là pour toi. Aïe, aïe, aïe la comédie tournera au tragique. Le non dit va être déballé sur la scène et fera des dégâts. Chômage, changement climatique, dérive des continents, attirance pour les cougars, ménopause, une maladie dont le traitement n'est plus remboursé par la sécurité sociale ... chacun videra son sac mais il n'est pas sûre qu'il aille mieux après. Comment relativiser des soucis devenus envahissants, à l'instar de déchets radioactifs dont on ne parvient pas à se débarrasser ?
Raphaëlle Cambray a réalisé une mise en scène efficace qui reste sobre. La fantaisie la plus originale est le recours à un mobilier de carton modulable à l'envi, tout à fait dans l'air du temps et des dernières tendances que j'ai vues au Salon Maison et Objet que les comédiens déploient de toutes les manières possibles. Et puis à la toute fin dans cette "robe de jeune créateur" imaginée par Chouchane Abello-Tcherpachian, qui a fait de si beaux costumes pour la Dame céleste et le diable délicat, à laquelle j'aurais préféré cette fois un de ces tabliers d'exception cousus main par une artiste comme Zélia et qui aurait été du meilleur effet.
Est-on heureux ? Faut-il l'être ? Advienne que pourra et écoutons les propositions de réponse que nous fait Stéphane Guérin. Il signe également Oh maman qu' Hélène Zidi met en scène au Théâtre du Roi René et il a co-écrit le texte du spectacle de l'humoriste Sandrine Sarroche qui joue dans la salle du Paris.
Mise en scène de Raphaëlle Cambray assistée de Pierre-Louis Laugérias
Avec Florence Pernel, Patrick Catalifo, Raphaëline Goupilleau, Pascal Gautier
Lumière de Marie-Hélène Pinon
Scénographie de Catherine Bluwal
Costumes de Chouchane Abello-Tcherpachian
Festival d’Avignon le OFF
Théâtre de la Luna – Salle 1
1 rue Séverine - 84000 Avignon
Du 5 juillet au 28 juillet 2019 à 16h10
Relâches les 9, 16 et 23 juillet 2019
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