Hiroshima mon amour avec Fanny Ardant, c'est ainsi que le spectacle est partout annoncé. Je connais le texte de Marguerite Duras que j'avais tant apprécié au Lucernaire il y a cinq ans.
Je m'en souvenais parfaitement, trop sans doute. On peut bien avoir un immense talent, on peut bien être internationalement célèbre, il est impossible de faire oublier le travail de quelqu'un qui vous a précédé. Dominique Journet Ramel demeure la parfaite incarnation de Nevers. Et ne ne parle pas d'Emmanuelle Riva, elle-même mythique à la création.
Même si on est heureux d'entendre la sublime voix de Fanny Ardant et surtout je dirais celle de son partenaire, off mais si présent, Gérard Depardieu qui a réussi à supplanter celui qui assurait ce rôle dans la version précédente. D'autant que -et c'est nouveau- cette voix est parfois celle du japonais, tantôt vivant, tantôt fantôme, parfois aussi celle du soldat allemand.
Il faut rappeler que le film a été pensé et voulu par Alain Resnais qui avait demandé à une femme, écrivain en vogue à l'époque, d'en écrire le scénario. Il s'était tourné vers Françoise Sagan que le challenge effraya. Marguerite Duras accepta. C'était en 1959.
Contrairement à ce qui se passe habituellement avec le 7ème art, ce n'est pas Resnais qui a "monté" le livre de Duras mais Duras qui a écrit le film de et pour Resnais. Ceci explique combien faire jouer ce texte sur une scène de théâtre est un défi.
Surtout dans une mise en scène, signée par Bertrand Marcos, dépouillée à l'extrême avec pour seul accessoire un fauteuil (très peu utilisé d'ailleurs puisqu'il a demandé à la comédienne de s'allonger par terre plus souvent que de s'y asseoir).
Fanny Ardant est vêtue d'une robe à la coupe harmonieuse et classique, intemporelle, noire, comme on s'y attend. Elle est enveloppée de lumières dosées et dessinées par Patrick Clitus qui vont instaurer le climat et le décor du spectacle. La soirée commence dans un noir absolu, pendant lequel elle avance jusqu'au bord de la scène, d'une démarche presque chaloupée, ne cachant rien d'une fragilité dont il est difficile de juger si elle est voulue ou réelle, arrivant sur scène avec sa voix pour seul habillage.
Gérard Depardieu est d'une justesse stupéfiante, même si on l'en sait capable. C'est un plaisir pour nos oreilles. Le couple Depardieu-Ardant a été souvent réuni au cinéma, et même déjà à Paris au théâtre. C'était en 2004, pour La Bête dans la Jungle d'après Henry James, adapté par Marguerite Duras (déjà elle) dans une mise en scène de Jacques Lassalle au Théâtre de La Madeleine.
Resnais situait l'action au Japon. Duras insista sur l'évocation des rives de la Loire, fleuve sans navigation, toujours vide, tellement beau à cause de sa lumière tellement douce. Marcos abolit l'espace pour sans doute diriger la focale sur la déflagration de la rencontre entre Hiroshima et Nevers. Il m'a semblé qu'il avait opéré des coupes dans le texte et qu'il était allé jusqu'à le remanier. La pièce est en deçà d'une heure (le film durait 90 minutes).
Gérard comme Fanny connaissent très bien l'univers de marguerite Duras, et d'Alain Resnais. la comédienne a reconnu très honnêtement dans plusieurs interviews qu'elle n'avait pas compris le propos du cinéaste la première fois qu'elle avait vu le film (comme beaucoup de monde, il faut le souligner). Elle a tourné plusieurs fois sous la direction de ce réalisateur. Bertrand Marcos avoue de son coté honnêtement n'avoir jamais vu le film. Il se l'est interdit pour ne pas être influencé, et se donner l'illusion qu'il a adapté pour la première fois ce scénario pour le théâtre.
Vu sous cet angle le spectateur est face à un "original" Hiroshima mon amour avec Fanny Ardant et il n'est pas utile d'aller chercher plus loin. Il faut aussi le féliciter de n'avoir pas sacrifié à la mode des video-projections. Nous sommes totalement en immersion au théâtre.
Hiroshima mon amour
D’après le scénario écrit par Marguerite Duras pour le film d’Alain Resnais
Adaptation et mise en scène Bertrand Marcos
Avec Fanny Ardant, et la voix de Gérard Depardieu
Lumières Patrick Clitus
Au Théâtre des Bouffes Parisiens - 4 rue Monsigny - 75002 Paris
Du 19 juin au 7 juillet 2019
Du mercredi au samedi à 20h et le dimanche à 15h
(il est conseillé d'arriver à l'heure parce qu'aucun retardataire ne sera accepté)
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