C'est un décor de bonbonnière dans des tons de bleu et de rose, ponctué de touches de couleur orange, extrêmement réussi de Caroline Oriot, dans lequel évoluent les personnages de Ultra-Girl contre Schopenhauer.
Cédric Rouillat, qui est un photographe lyonnais (s'affirmant comme autodidacte), et qui se destinait auparavant à la bande dessinée, signe ici sa première mise en scène et je salue son talent. C'est lui qui a conçu et écrit la pièce, qui a été créée en février 2017 au théâtre de l'Elysée.
En s'affranchissant des habituels codes de sérieux, le résultat est vif, joyeux, osé, à la lisière d'une folie qui pourrait le faire basculer, mais ... non. Il reste toujours dans le cadre du théâtre auquel il serait difficile de rendre un plus bel hommage.
Quand on entend ces paroles on se dit que c'aurait été une erreur de ne pas programmer la pièce dans le ParisOFFestival (elle aurait dû être jouée cet été au 11 Gilgamesh d'Avignon) : Je voudrais savoir qui a décidé que le théâtre n'existait que dans quelques vieilles bâtisses dispersées dans des grandes villes (...) Ecoutez et apprenez ! Le théâtre c'est le dompteur de puces, le grand opéra et les rodéos, le carnaval, les ballets, les danses rituelles indiennes, les marionnettes, tout ça c'est encore le théâtre, partout où il y a la magie, où on fait semblant devant un public, c'est le théâtre.
Arthur Schopenhauer est un philosophe allemand (1788-1860) qui ne figure dans le titre que comme clin d'oeil en raison d'une citation de son nom dans une des chansons du spectacle. Le moins qu'on puisse dire c'est que cet homme n'était pas joyeux. Il pourrait représenter la conscience (ou les doutes) d'Edwige (Sahra Daugreilh, qui collabore régulièrement avec Cédric Roulliat), une jeune traductrice, rêvant aux destins extraordinaires des superhéroïnes de comics américains, travaillant dans les années 80 pour un éditeur de bandes dessinées, à l'adaptation en français des aventures de l’intrépide et sensuelle Ultra-Girl (Laure Giappiconi).
Cette figure super héroïque d'ultra-girl est, pour Edwige, un double idéalisé, sublimé, en même temps sa meilleure amie et en même temps toutes les héroïnes qu'elle a pu rencontrer dans les oeuvres de fiction, au cinéma, dans la littérature et le roman-photos comme dans les bandes dessinées. On remarque ainsi les évocations des héroïnes de bande dessinée et d'actrices comme Rita Hayworth ou Liz Hamilton. Le spectacle est si riche de références et d'hommages qu'on aimerait pouvoir mettre parfois sur pause et jouer le replay.
© photo : Julien Benhamou
Le personnage de fiction prend corps dans la réalité (et quel corps intrépide et sensuel en combinaison moulante cousue dans le drapeau américain et cuissardes rouges !) tandis que celui de la traductrice perd la notion du réel dans une sorte d'osmose interchangeable entre elles deux. Les mythes hollywoodiens surgissent dans des moments surréalistes de chants, danses, extraits de films qui sont interprétés en voix off par les comédiens qui, on ne pourrait faire mieux, incarnent leurs héros.
Parfois un voisin s'invite avec des mimiques burlesques. C'est David Bescond qui joue ce rôle comme tous les personnages masculins : professeur d’anglais, plombier (il faut bien réparer la machine à laver) et bien entendu aussi Schopenhauer.
C'est ludique, totalement kitsch, assurément pop, tellement vivant ! Il faudrait être réfractaire au second degré pour ne pas l'apprécier.
Dans un tout autre style mais avec autant d'engagement, j'ai découvert Karelle Prugnaud qui devait passer le festival d'Avignon au théâtre de l'Artéphile.
Le texte d'Eugène Durif retrace, dans Le cas Lucia J., la relation si particulière de l'écrivain James Joyce avec sa fille Lucia en tournant librement autour de leur relation. La jeune femme a appris la danse auprès de chorégraphes importants de son époque, comme Isadora Duncan, avant d'abandonner cette pratique. Elle tombera amoureuse du jeune Beckett, assistant de son père, qui la rejettera. Elle se perdra alors, sera soignée par de nombreux médecins dont Jung, qui la déclare schizophrène, puis internée définitivement.
Joyce, écrivant Finnegans Wake, est persuadé qu'au terme de cette œuvre, Lucia retrouvera pleinement la raison. Dans l'esprit de son père, qui pense avoir "allumé un feu dans sa tête", elle se confond avec son héroïne Anna Livia Plurabella. Son rêve : elle deviendrait le livre fait de toutes les langues, de toutes les paroles mêlées, une danse du dedans.
Joyce, écrivant Finnegans Wake, est persuadé qu'au terme de cette œuvre, Lucia retrouvera pleinement la raison. Dans l'esprit de son père, qui pense avoir "allumé un feu dans sa tête", elle se confond avec son héroïne Anna Livia Plurabella. Son rêve : elle deviendrait le livre fait de toutes les langues, de toutes les paroles mêlées, une danse du dedans.
© photo : Simon Gosselin
La comédienne y est éblouissante, explosive, authentique et diablement dansante. Les spectateurs sont captivés d'autant que nous partageons la scène avec elle dans une proximité troublante (tout en respectant les consignes de sécurité, cela va de soi).
Ultra-Girl Contre Schopenhauer par la Compagnie de Onze à Trois heures
Mise en scène et texte : Cédric Roulliat, Musique : Laurent Péju
Avec : David Bescond, Sahra Daugreilh et Laure Giappiconi
Au Gymnase Lundi 13 juillet à 21h30 / Vendredi 17 à 21h30 / Samedi 18 à 21h30
Le cas Lucia J. (Un feu dans sa tête), par la Compagnie Lacascade
Texte : Eugène Durif et Mise en scène : Eric Lacascade
Au Gymnase Mardi 14 juillet à 14h / Jeudi 16 à 14h / Samedi 18 à 14h
Le ParisOFFestival :
Du 13 au 18 juillet 2020
Au Théâtre 14 - 20, avenue Marc Sangnier - 75014 Paris - Renseignements au 01 45 45 49 77
Au Gymnase Auguste Renoir - 1 square Auguste Renoir - 75014 Paris
Avec les aides et partenariats de la Ville de Paris et la Mairie du XIV°, Un été particulier, l'Adami, la SACD, l'ONDA, le CentQuatre, la MAC de Créteil et Le Monfort.
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