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dimanche 19 juillet 2020

Ronce-Rose et Sans Effort au ParisOFFestival

Les propositions du Théâtre 14 dans le cadre du ParisOFFestival sont singulières et Ronce-Rose n'est pas la moins particulière.

Celui-ci était initialement programmé cet été à Artéphile (comme Le cas Lucia J.). En portant à la scène le roman d’Eric Chevillard, écrit en 2017 sous la forme du carnet intime d’une petite fille, la Compagnie les Indiscrets offre une vision du monde régénérée par le regard de l’enfance.

Seul en scène, l’acteur de 55 ans Jean-Louis Baille, joue avec délicatesse cette petite fille qui part dans le monde, à la recherche de son gangster de père disparu depuis des jours, tout en tenant le journal de sa quête éperdue.

Si le romancier parvient, avec toute l’élégance de son style et de son humour, à faire exister Ronce-Rose, ce n’est pas en singeant une prétendue langue d’enfant. Non, ce qui la fait exister, c’est l’acharnement de l’auteur à nous offrir, avec la candeur et la cruauté du chasseur de trésors, le regard étonné qu’elle porte sur les mystères du monde et l’impertinence de son imaginaire à le réinventer. Et ce sont ces intentions que les Indiscrets sont parvenus à restituer sur scène tout en conservant intacte la beauté du texte.

Comme le dit avec beaucoup d'à propos le personnage, il faut goûter à tout avant de décréter qu'on n'aime rien, alors je vous engage à venir le voir, de préférence avec vos enfants (le spectacle leur est accessible à partir de 12 ans) car voilà une belle occasion de leur faire découvrir un théâtre.
Le monde de Ronce-Rose – piquant comme la ronce, beau comme la rose – est une sorte de royaume de tous les possibles parce que, vu à travers le regard de la petite fille, le spectateur a un travail de décodage à entreprendre.

Franck Roncière (qui signe lumières et décors) s'est sans nul doute laissé influencer par le début du roman avant d'arrêter son parti-pris scénographie, une "simple" chaise, mais démesurée, posée sur une sorte de pelouse épaisse : C’est beau, moi je trouve ça beau, les choses qu’on voit, ce qu’il y a partout, c’est beau. Certaines de ces choses font plutôt rire, ça ne les empêche pas d’être belles aussi. Leur forme surtout, j’aime surtout la forme des choses, vous avez remarqué les formes qu’elles prennent ! Je ne pense pas seulement aux nuages. Vous avez déjà regardé une chaise ?

Des coupes ont été faites dans le roman car il n'était pas possible d'en conserver le texte intégral ... que je vous conseille de savourer ensuite si vous ne le connaissez pas. Il est intensément poétique. Sa définition de l'écriture (le suicide par le poignet) est une image parfaite. L'auteur procède par métaphores délicates. Par exemple une larme tombe sur le mot Machefer qui fait comme une loupe.

Cela tombe bien, si je puis dire puisque la petite fille cherche à comprendre et à partager avec le public l'activité particulière de son père.

Les farces (entendez par là le business) préparées par Mâchefer et de ami Bruce sont relatées sur un mode décalé : Quand Bruce vient dîner, ensuite habituellement ils partent sur un coup avec Mâchefer, c'est leur métier. Ils travaillent avec les banques, les bijouteries, les stations-service. Ne me demandez pas exactement ce qu'ils font, mais ils sont responsables d'un large secteur et ils couvrent une large zone géographique, si bien qu'ils restent parfois absents deux ou trois jours. Ils partent avec leur voiture de fonction qui change tout le temps et je ferme à clé derrière eux. Je ne dois ouvrir à personne. le monde est plein de brutes, dit Bruce. J'ai des provisions. de quoi tenir une semaine, mais il ne leur est jamais arrivé de partir si longtemps et il reste toujours plein de charcuterie quand ils rentrent. Tout est bon dans le cochon, c'est la seule parole d'évangile que j'aie jamais entendue sortir de la bouche de Bruce et elle y entre plus volontiers mais au moins il vit en accord avec sa foi. Il le dévore entier et il ne laisse pas d'orphelins.

Passionnée par les oiseaux et par les mots la gamine s'est inventé un destin, celui se devenir Ornithologue étymologiste. Elle nous embarque dans son monde intérieur, inoubliable. Le jeu de Jean-Louis Baille, qui est également le co-directeur de la compagnie) est servi par une diction qui détache toutes les syllabes. Son interprétation a évoqué en moi le talent de Michel Bouquet.
Poursuivons en partant pour la Suisse avec Sans Effort qui se présente comme une référence à la tradition orale qui aurait donné naissance à un poème conçu après avoir absorbé une plante hallucinogène.

Joël Maillard nous embarque en compagnie de Marie Ripoll pour suivre leur épopée prosodique et mélodique aux origines peu identifiables, transmis sur plusieurs générations, dans lequel il est question d'une petite communauté isolée ayant justement la particularité d'avoir abandonné l’écriture… mais aussi d'avoir découvert une plante psychotrope… Je me suis -c'était tentant- évadée dans le désert de San Luis Potosi où les indiens Huichols considèrent comme sacré le cactus peyotl sans épines dont les touristes raffolent pour sa mescaline.

Initialement programmé au Théâtre du Train Bleu le spectacle affirme une absence rigoureuse d'écriture et d’archivage, qui sont tout de même signés (revendiqués) par Tiphanie Bovay-Klameth, Joël Maillard et Marie Ripoll. Il faudrait avoir l'audace d ee voir plusieurs fis pour s'en faire une idée plus juste.
Ronce-Rose, par la Compagnie Les Indiscrets
Mise en scène : Lucie Gougat
D'après Ronce-Rose d'Eric Chevillard (Editions de Minuit) / Adaptation Lucie Gougat et Jean-Louis Baille
Au Théâtre 14 Lundi 13 juillet à 15h30 / Mercredi 15 à 15h30 / Vendredi 17 à 15h30

Sans Effort, par la Compagnie Snaut
Mise en scène et texte : Joël Maillard, Avec : Joël Maillard et Marie Ripoll
Au Gymnase Jeudi 16 juillet à 17h30 / Samedi 18 juillet à 17h30

Le ParisOFFestival :
Du 13 au 18 juillet 2020
Au Théâtre 14 - 20, avenue Marc Sangnier - 75014 Paris - Renseignements au 01 45 45 49 77
Au Gymnase Auguste Renoir - 1 square Auguste Renoir - 75014 Paris
Avec les aides et partenariats de la Ville de Paris et la Mairie du XIV°, Un été particulier, l'Adami, la SACD, l'ONDA, le CentQuatre, la MAC de Créteil et Le Monfort.

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