Commençons par Spécimens, texte et mise en scène de Nathalie Bensard, initialement programmé à La Factory, et que je recommande surtout aux parents accompagnés de leur teen-agers, qui démarre joyeusement sur la scène de répétition d'un club de théâtre.
L'espace du Gymnase Auguste Renoir correspond totalement au cadre de cette pièce, encore plus qu'un plateau de théâtre (et je remarquerai plus tard combien l'aménagement fait dans cet endroit est propice aux spectacles).
Les deux comédiens déboulent devant les spectateurs sous une lumière blafarde qui laisserait croire qu'on se trouve dans une piscine, transgressant un premier interdit puisque le club théâtre est censé être fermé. Tom Politano allume la servante, et entreprend d'entrainer sa partenaire (Louise Dupuis) dans une visite guidée. Ils font des essais de micro, fort cocasses et le public rit de bon coeur et en toute innocence de leurs blagues.
L'écriture de Nathalie Bensard creuse "les remous de l'adolescence, en l'explorant comme un territoire avec ses contrastes, ses contradictions, ses contradictions, ses tiraillements, en faisant parler des personnages en pleine métamorphose qui fouillent les stéréotypes, les préjugés, les empêchements, les appréhensions, les peurs, les envies, les élans, les sensations, les sentiments qui les traversent".
Pour réussir ce pari elle s'est appuyée sur Shakespeare, comme sur la mythologie amoureuse vue par Walt Disney, mais aussi sur les improvisations des deux comédiens et sur l'expérience d'ateliers entrepris avec des adolescents.
On pourrait aussi bien dire qu'il y a du Marivaux dans la ruse du garçon pour attirer la jeune fille en la suppliant de l'aider à répéter la scène de fin de Roméo et Juliette.
Il n'a pas trop la tête de Roméo alors il essaiera d'endosser la carcasse de la Bête. Elle est Belle mais elle pourrait aussi devenir sa Juliette, une fois qu'ils seront venus à bout des contradictions inhérentes aux relations entre filles et garçons.
Quelques répliques sonnent comme des vérités : Les mecs moches sont partout et les filles moches sont profs. Ou encore celle-ci qui marque la modestie de leur approche : C'est monumental, ce que tu sais pas (sous-entendu quand tu es encore à l'aube de ta vie d'adulte). Et cette dernière qui témoigne de la force de caractère qu'on oublie nécessaire pour franchir le passage : Comment elle a fait Juliette pour ne pas douter ? C'est vertigineux.
Shakespeare, Walt Disney et d'autres touchent à l'universel et l'usage du téléphone portable (par les comédiens) ne change rien à l'affaire. Ils vont, ensemble, sous nos yeux et avec nous, découvrir les prémices de l'amour dont ils épluchent les aspects littéraires et scientifiques en franchissant le 4 ème mur pour en discuter avec nous, public, réjoui d'assister à leur cérémonie d'adieu à l'enfance.
L'espace du Gymnase Auguste Renoir correspond totalement au cadre de cette pièce, encore plus qu'un plateau de théâtre (et je remarquerai plus tard combien l'aménagement fait dans cet endroit est propice aux spectacles).
Les deux comédiens déboulent devant les spectateurs sous une lumière blafarde qui laisserait croire qu'on se trouve dans une piscine, transgressant un premier interdit puisque le club théâtre est censé être fermé. Tom Politano allume la servante, et entreprend d'entrainer sa partenaire (Louise Dupuis) dans une visite guidée. Ils font des essais de micro, fort cocasses et le public rit de bon coeur et en toute innocence de leurs blagues.
L'écriture de Nathalie Bensard creuse "les remous de l'adolescence, en l'explorant comme un territoire avec ses contrastes, ses contradictions, ses contradictions, ses tiraillements, en faisant parler des personnages en pleine métamorphose qui fouillent les stéréotypes, les préjugés, les empêchements, les appréhensions, les peurs, les envies, les élans, les sensations, les sentiments qui les traversent".
Pour réussir ce pari elle s'est appuyée sur Shakespeare, comme sur la mythologie amoureuse vue par Walt Disney, mais aussi sur les improvisations des deux comédiens et sur l'expérience d'ateliers entrepris avec des adolescents.
On pourrait aussi bien dire qu'il y a du Marivaux dans la ruse du garçon pour attirer la jeune fille en la suppliant de l'aider à répéter la scène de fin de Roméo et Juliette.
Il n'a pas trop la tête de Roméo alors il essaiera d'endosser la carcasse de la Bête. Elle est Belle mais elle pourrait aussi devenir sa Juliette, une fois qu'ils seront venus à bout des contradictions inhérentes aux relations entre filles et garçons.
Quelques répliques sonnent comme des vérités : Les mecs moches sont partout et les filles moches sont profs. Ou encore celle-ci qui marque la modestie de leur approche : C'est monumental, ce que tu sais pas (sous-entendu quand tu es encore à l'aube de ta vie d'adulte). Et cette dernière qui témoigne de la force de caractère qu'on oublie nécessaire pour franchir le passage : Comment elle a fait Juliette pour ne pas douter ? C'est vertigineux.
Shakespeare, Walt Disney et d'autres touchent à l'universel et l'usage du téléphone portable (par les comédiens) ne change rien à l'affaire. Ils vont, ensemble, sous nos yeux et avec nous, découvrir les prémices de l'amour dont ils épluchent les aspects littéraires et scientifiques en franchissant le 4 ème mur pour en discuter avec nous, public, réjoui d'assister à leur cérémonie d'adieu à l'enfance.
Un hasard veut que les cloches de l'église voisine retentissent au milieu de la minute de silence réclamée par le duo. C'est frais, heureux, pétillant. Le festival commence bien !
La compagnie MSKT (prononcer Maskantête
) rapporte une parole de Nicolas Sarkozy, alors président de la République (et ignorant probablement que le texte de Madame Marie-Madeleine de la Fayette était au programme du Bac de Français) : L’autre jour, je m’amusais, on s’amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de La Princesse de Clèves… Imaginez un peu le spectacle !
Cela a donné Mon premier c'est désir, qui, sans doute parce que le titre évoquait trop la chanson d'Alain Souchon a été créé sous l'intitulé (mon premier) c’est désir, avant de devenir C'est désir, une histoire d'amour co-écrite par Madame de La Fayette et Lise Martin, initialement programmé à l'Artéphile.
L'équipe suggère de venir à la rencontre de cette femme, de cette comédienne, de cette princesse, de cette sorcière, qui tient debout toute seule, qui refuse toute assignation à identité : courtisane, épouse, mère, amante. Elle vit joyeusement la complexité de son désir et refuse la simplicité d’une relation conventionnelle.
Il s’agirait de partager avec le monde une parole nécessaire sur notre actualité. De parler d’amour, de choix, d’art et de liberté. Attention spectacle dangereux pour les certitudes établies, nous prévient-on tout en précisant que le spectacle est accessible dès 12 ans. Je ne dirais peut-être pas si jeune mais en tout cas il est passionnant, comme le précédent, à voir en famille et à en débattre ensuite. D'ailleurs un bord de plateau d'un quart d'heure est systématiquement prévu avec les comédiens et la metteuse en scène après chaque représentation.
Cette Princesse de Clèves exerce une folle liberté. Elle n'obéit pas aux prédictions de sa mère, aux lamentations de son mari, aux injonctions de son amant : elle "préfère ne pas consommer". Cette princesse refuse, cette femme n'appartient à personne, cette libertine ne cède pas aux injonctions de jouissance immédiate, cette héroïne croit que l’existence lui doit plus qu’un destin de courtisane. Elle exige le romanesque.
Transposé dans le monde d'aujourd'hui, par le biais d'une répétition, le texte ébranle les certitudes d'une comédienne (Charlotte Marquardt) et d'un régisseur (Benoît Margottin ou Martin Paurise), qui prennent langue avec le roman et font corps avec les désirs complexes, héroïques et quotidiens.
L'installation se fait sur un medley de The Windmills of Your Mind, la si mythique musique du film L'Affaire Thomas Crown (1969), le film de Norman Jewison sorti en 1968 avec Steve McQueen et Faye Dunaway. On raconte que le montage du film piétinait et que c'est la musique de Michel Legrand qui aida le réalisateur à rythmer l'ordre des séquences.
La version réorchestrée dans laquelle on reconnaît la voix du compositeur illustre parfaitement le sujet et les tergiversations des protagonistes, du film comme de la pièce.
La comédienne est à l'aise dans sa tenue de répétition, en short, et déclame son teste en tentant de rester concentrée sur ce classique de la littérature sans se laisser perturber par les SMS de son mari, qui est aussi le metteur en scène, ni le regard que le régisseur pose sur elle tout en manipulant des éléments de décor en tissu. C'est là le seul bémol que j'apporterais : l'attitude de cet homme est souvent artificielle et on voit bien qu'il ne sait pas quoi faire de ses dix doigts.
La jeune femme exprime le stress commun à tous les comédiens à une heure d'une première, surtout quand ils ne sont pas encore complètement leur personnage.
Et si, en cherchant le sien, la Princesse de Clèves (1678), c'était elle-même qu'elle allait trouver ? Excellente comédienne tout autant que chanteuse à la voix superbe. Elle interprète le magnifique Si j'étais un homme de Diane Tell (1980) dont le texte n'a pas pris une ride depuis 40 ans, pas davantage que la Princesse de Clèves.
Cela a donné Mon premier c'est désir, qui, sans doute parce que le titre évoquait trop la chanson d'Alain Souchon a été créé sous l'intitulé (mon premier) c’est désir, avant de devenir C'est désir, une histoire d'amour co-écrite par Madame de La Fayette et Lise Martin, initialement programmé à l'Artéphile.
L'équipe suggère de venir à la rencontre de cette femme, de cette comédienne, de cette princesse, de cette sorcière, qui tient debout toute seule, qui refuse toute assignation à identité : courtisane, épouse, mère, amante. Elle vit joyeusement la complexité de son désir et refuse la simplicité d’une relation conventionnelle.
Il s’agirait de partager avec le monde une parole nécessaire sur notre actualité. De parler d’amour, de choix, d’art et de liberté. Attention spectacle dangereux pour les certitudes établies, nous prévient-on tout en précisant que le spectacle est accessible dès 12 ans. Je ne dirais peut-être pas si jeune mais en tout cas il est passionnant, comme le précédent, à voir en famille et à en débattre ensuite. D'ailleurs un bord de plateau d'un quart d'heure est systématiquement prévu avec les comédiens et la metteuse en scène après chaque représentation.
Cette Princesse de Clèves exerce une folle liberté. Elle n'obéit pas aux prédictions de sa mère, aux lamentations de son mari, aux injonctions de son amant : elle "préfère ne pas consommer". Cette princesse refuse, cette femme n'appartient à personne, cette libertine ne cède pas aux injonctions de jouissance immédiate, cette héroïne croit que l’existence lui doit plus qu’un destin de courtisane. Elle exige le romanesque.
Transposé dans le monde d'aujourd'hui, par le biais d'une répétition, le texte ébranle les certitudes d'une comédienne (Charlotte Marquardt) et d'un régisseur (Benoît Margottin ou Martin Paurise), qui prennent langue avec le roman et font corps avec les désirs complexes, héroïques et quotidiens.
L'installation se fait sur un medley de The Windmills of Your Mind, la si mythique musique du film L'Affaire Thomas Crown (1969), le film de Norman Jewison sorti en 1968 avec Steve McQueen et Faye Dunaway. On raconte que le montage du film piétinait et que c'est la musique de Michel Legrand qui aida le réalisateur à rythmer l'ordre des séquences.
La version réorchestrée dans laquelle on reconnaît la voix du compositeur illustre parfaitement le sujet et les tergiversations des protagonistes, du film comme de la pièce.
La comédienne est à l'aise dans sa tenue de répétition, en short, et déclame son teste en tentant de rester concentrée sur ce classique de la littérature sans se laisser perturber par les SMS de son mari, qui est aussi le metteur en scène, ni le regard que le régisseur pose sur elle tout en manipulant des éléments de décor en tissu. C'est là le seul bémol que j'apporterais : l'attitude de cet homme est souvent artificielle et on voit bien qu'il ne sait pas quoi faire de ses dix doigts.
La jeune femme exprime le stress commun à tous les comédiens à une heure d'une première, surtout quand ils ne sont pas encore complètement leur personnage.
Et si, en cherchant le sien, la Princesse de Clèves (1678), c'était elle-même qu'elle allait trouver ? Excellente comédienne tout autant que chanteuse à la voix superbe. Elle interprète le magnifique Si j'étais un homme de Diane Tell (1980) dont le texte n'a pas pris une ride depuis 40 ans, pas davantage que la Princesse de Clèves.
Tout au fil de la représentation on mesure combien ce roman classique met les mots sur une histoire d'aujourd'hui. Et on ne peut s'empêcher de faire du lien avec le spectacle précédent, Spécimens, où là aussi la jeune fille s'interrogeait sur sa féminité.
On nous raconte le jeu de chat et de souris de Monsieur de Nemours avec Madame de Clèves (qui serait une nymphomane frustrée ...) maitrisant constamment ses désirs jusqu'à chanter son refus de passage à l'acte à travers Je ne t'aime pas qu'interprétait Ute Lemper sur la musique de Kurt Weil (1987).
Nos sommes bien d'accord que cette pièce, conçue dans un esprit de comédie musicale, se situe à la lisière de plusieurs monde. Le théâtre a la capacité d'ébranler des fantasmes parmi le public. Les deux personnages se croisent sans cesse sans se rencontrer véritablement et cela ressemble à l'univers contemporain.
Le romantisme aurait-il alors vocation à sauver le monde ?
Specimens, par la Compagnie La Rousse
Mise en scène et texte : Nathalie Bensard
Au Gymnase Lundi 13 juillet à 11h / Mercredi 15 à 11h / Vendredi 17 à 11h
Mon Premier c'est Désir, par la Compagnie MSKT (Maskantête )
Textes : Lise Martin et Marie-Madeleine de la Fayette et Mise en scène : Anne-Frédérique Bourget
Avec Charlotte Marquardt et Benoît Margottin, en alternance avec Martin Paurise
Au Gymnase Lundi 13 juillet à 14h / Mercredi 15 à 14h / Vendredi 17 à 14h
Le ParisOFFestival :
Mise en scène et texte : Nathalie Bensard
Au Gymnase Lundi 13 juillet à 11h / Mercredi 15 à 11h / Vendredi 17 à 11h
En tournée sur 2020-2021 en décembre au Centre culturel d'Houdremont de La Courneuve (93), à l'Espace Prévert de Savigny-le-temple (77) et à la MAC Scène nationale de Créteil (94), en janvier sur la scène nationale de Beauvais (60), au Théâtre des Bergeries de Noisy-le-Sec (93), à l'espace Saugonna de Mamers (72), au Centre culturel Athéna de la Ferté Bernard (72) et au Théâtre Jacques Prévert d'Aulnay-sous-Bois (93), en février au Salmanazar d'Epernay (51), en avril à l'Espace Benoîte Groult de Quimper (29)...
Mon Premier c'est Désir, par la Compagnie MSKT (Maskantête )
Textes : Lise Martin et Marie-Madeleine de la Fayette et Mise en scène : Anne-Frédérique Bourget
Avec Charlotte Marquardt et Benoît Margottin, en alternance avec Martin Paurise
Au Gymnase Lundi 13 juillet à 14h / Mercredi 15 à 14h / Vendredi 17 à 14h
Le ParisOFFestival :
Du 13 au 18 juillet 2020
Au Théâtre 14 - 20, avenue Marc Sangnier - 75014 Paris - Renseignements au 01 45 45 49 77
Au Gymnase Auguste Renoir - 1 square Auguste Renoir - 75014 Paris
Avec les aides et partenariats de la Ville de Paris et la Mairie du XIV°, Un été particulier, l'Adami, la SACD, l'ONDA, le CentQuatre, la MAC de Créteil et Le Monfort.
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