
Marie Pavlenko écrit très bien, en utilisant fréquemment des métaphores élégantes dont voici quelques exemples : Avant. C’est fou comme ce petit mot de rien suscite un déluge de chagrin quand il surgit dans la tête (p. 53). Un cauchemar qui se dissout au réveil comme un morceau de sucre dans le café (p. 54). Elle aimerait découdre la jalousie qui l'étouffe comme la doublure d'un manteau trop lourd (p. 184).
D'autres symboles sont moins évidents comme la profession de cette voisine qui créé la vie en modelant l'argile. Ou l'hirondelle promesse de printemps et de retour à une vie normale.
Si bien que le sujet de son roman a beau être dramatique et sans garantie de happy-end, il se lit avec plaisir et nous enveloppe d'une douceur chaleureuse y compris lorsqu'on revit des moments dramatiques avec les héroïnes.
Astrid a tout perdu. À quarante ans, plus rien ne la retient, alors elle part. Elle achète sans l’avoir visitée une maison isolée dans la région montagneuse et sauvage du Mercantour. Parmi ses bagages, un carton marqué d’une croix rouge, ce qu’il lui reste de sa vie passée.
Soraya a tout laissé derrière elle. Sa Syrie natale, sa famille, ses amis, son insouciance. Elle traverse la montagne pour rejoindre la frontière française en se cachant de la police. Dans son ventre, une vie qu’elle déteste grandit.
Leur rencontre était improbable. Le destin fait croiser leurs routes et bouscule leur destin. Elles ne sont plus seules, vont poursuivre leur chemin cote à cote, chacune étant dépendante de l'autre et chacune étant soutenue par une tierce personne, Ida pour Astrid, Max pour Soraya. Et quelques autres mêmes qu'on pourrait qualifier de généreuses et qui sont simplement "humaines" comme chacun devrait être.
Tout pourrait désormais aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais ce serait sans compter la présence inquiétante d'un voisin, chasseur au fusil en bandoulière, au prénom pourtant rassurant, Ange, qui semble prêt à intervenir … pour aider ou trahir …
Les dialogues sont réduits au minimum afin de contenir le récit dans la pudeur et permettre au lecteur d'entrer sans effraction dans le cerveau de chacun. Parfois des bribes de conversation passées surgissent, apportant un éclairage en demi-teinte aux faits qui sont en train de se dérouler.
Marie Pavlenko vit entre la région parisienne et les montagnes cévenoles. Elle compose depuis bientôt quinze ans une œuvre originale, pour tous les publics et sous une diversité de formes, où s’articulent les thèmes de la métamorphose, de l’altérité, des liens tissés avec le vivant. Drôles, poétiques ou tragiques, ses textes sont marqués par son engagement pour la nature sauvage et les droits des femmes. On le sent au détour d'une interrogation : Que peuvent les femmes au pays des hommes tout-puissants ? (p. 78). Ses livres mettent en scène des personnages en marge, fragiles mais courageux, obstinés, résiliants.
Traverser les montagnes, et venir naître ici de Marie Pavlenko, Les Escales, en librairie depuis le 22 août 2024
Sélectionné pour le Prix des Lecteurs d'Antony 2025
Liste de tous les livres sélectionnés pour le Prix des Lecteurs d'Antony
Badjens de Delphine Minoui
Dors ton sommeil de brute de Carole Martinez
Traverser les montagnes, et venir naître ici de Marie Pavienko
Absolution d'Alice McDermott
Source de chaleur de Soichi Kawagoe
Plus grands que le monde de Meredith Hall
Cabane d'Abel Quentin
Je pleure encore la beauté du monde de Charlotte McConaghy
Le sang des innocents de S.A. Cosby
Bien-être de Nathan Hill
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