Evelyne Dress, comme beaucoup d’autres écrivains, aura pleinement profité des périodes de confinement pour écrire. Si j’ai malgré tout été étonnée de trouver aussi vite un nouveau livre, je n’ai pas été surprise d’en apprendre le sujet, sur cette région du Dauphiné où je sais qu’Évelyne est née et a vécu longtemps.
Pas davantage qu’elle glisse plus vers l’autobiographie par rapport à ses romans. Elle avait commencé avec Mes chats mais elle va désormais plus loin dans les confidences.
Ceux qui ont lu La maison de Petichet n'ont sans doute pas oublié la dévotion de la petite fille à l'égard d'un jeune homme habitant au bout de la rue. Jacques aura-t-il fini par savoir qu’il était l’objet d’une passion ? Rassurez-vous, Evelyne vous dira tout à la fin de ce petit livre.
Je ne vais pas les reprendre ici. J’insisterai davantage sur ce qu'on y apprend de cette jolie région. J’ignorais la présence d’un ouvrage minier (p. 57).
Et j'avais oublié que le Dauphiné appartenait à l’ancienne Provence (p. 10). Ce fut la terre de création d’Olivier Messiaen (p. 44). Il ponctua ses partitions de 400 chants d'oiseaux. Il est enterré au cimetière de Petichet. Robert Doisneau passait ses Noëls non loin de là, à Laffrey.
J’ai repris mentalement la route Napoléon que je connais évidemment moins bien qu’elle, mais qui demeure annonciatrice de belles vacances vivifiantes dans les environs du barrage de Serre-Ponçon. Son écriture nous donne le sentiment de remonter le temps (p. 42). C'est puissamment contagieux et je pense moi aussi à mes proches et à mes séjours dans cette région.
On effectue à côté d'Evelyne le pèlerinage qu'elle fait dans le sillon de l’empereur comme sur ses propres traces. On a parfois le sentiment de l'entendre souffler, ou s'émerveiller, devant la beauté des paysages. Elle fait revivre son arrivée à Vizille le 7 mars 1815. On y est. Mais tout autant lorsqu’elle raconte une partie de cartes familiale (p 34). Logique, elle est cinéaste.
J'ai souri de sa capacité à crapahuter et de savoir que Napoléon s'est lancé "à bride abattue" (p. 36) sur les pentes dauphinoises. Evelyne Dress, fille des montagnes ce serait presque un scoop …
Saviez-vous que la Révolution française avait pris naissance au château de Vizille (p. 33) ? Cet ouvrage est très documenté, mais pas trop fourmilliant, et si j’ai un reproche à lui faire, c’est l’absence de cartographie. Il est littéraire, historique, touristique, c’est presque un manuel scolaire (si la catégorie existe encore, parce que avec le Covid on peut s’interroger).
Evelyne adore l'Isère, mais elle reconnait des qualités à la Drôme et aux Hautes-Alpes. Son périple fait étape à Grignan (p. 11) où elle s'est rendue pour le festival de la correspondance. C'est aussi pour moi un vif et joli souvenir, ce qui explique mon choix de photo pour illustrer cet article.
Elle est critique (p. 72) à l’égard d’elle-même, de sa gourmandise, et de son autobiographie qu'elle estime relever du tourisme alors qu'elle nous écrit presque un guide de randonnée (p. 53) même si le langage y est simple, ne tergiversant pas si le verbe transbahuter (p. 54) lui semble adéquat, quoique désuet. J'ai salivé à la description des multiples spécialités culinaires (p. 49) dont pour la plupart j’ignore le goût, hormis le fameux gratin qui souvent n'a de dauphinois que le nom dans certains mauvais restaurants.
Sa grand-mère vivait loin de tout, comme mon arrière-grand-mère. Sans doute est-ce une question d’époque ou la conséquence d'un deuil impossible. Elle de ses enfants, la mienne de son mari et puis aussi la faute à la traversée des guerres qui effacent toute confiance dans le genre humain.
Toujours est-il que le tempérament de cette femme est le résultant détonnant d'un mélange de traits de caractère d'une madame Butterfly et d'une Mégère apprivoisée. Sa maison fut souvent le théâtre de vaudevilles (ce qui ne fut pas le cas de la mienne). Son aïeule avait un don pour créer des poupées. Evelyne a hérité de sa créativité mais les siennes sont les personnages de ses romans. Dans les Tournesols de Jerusalem Lucien fera l'ascension de Notre Dame de la Salette (p. 74), ce que bien sûr Evelyne a fait, elle aussi à pieds.
L'amour pour sa région est indubitable dans ce livre consignant les joies et les chagrins, les espoirs et les regrets. Il ne peut donc qu'être honnête.
Il est publié dans la collection Pour l'amour de… où figurent déjà plus d'une vingtaine d'opus dont plusieurs destinations me tentent, comme Le Havre (que je ne connais pas mais qui est le port d'attache de Marie-Aude Murail), Rochefort (où je me suis promenée récemment) ou les Vosges (qui furent un de mes cadres réguliers de vacances).
Le Dauphiné par Evelyne Dress, chez Magellan & Cie, en librairie depuis le 4 juin 2021
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