Le film commence sur la musique du Roi Arthur de Purcell alors que Anne (Olivia Colman) presse le pas pour rentrer chez elle. Elle héberge désormais son père (Anthony Hopkins), âgé de plus de 80 ans, dont on comprendra progressivement qu'il est atteint de démence. Elle va tenter de l’accompagner le plus loin possible dans un labyrinthe de questions sans réponses.
Le titre, THE FATHER, mérite l’écriture en lettres capitales pour signifier combien ce père a dû être magnifiquement intelligent avant que la maladie ne grignote ses fonctions cognitives. Il subsiste des pétillances qui sont très jouissives à regarder. Plusieurs scènes sont très drôles. On rit beaucoup malgré la tension dramatique.
Nous sommes à Londres, à notre époque, et l’homme témoigne de façon récurrente son mépris pour les français qui ne parlent même pas anglais. C’est sa manière de témoigner son opposition au départ de sa fille pour Paris. L’annonce de cette nouvelle le déboussole … à moins que ce ne soit plutôt l’œuvre de la maladie.
Avant d’être un film, Le Père fut un énorme succès au théâtre, d’abord en France, avec l’exceptionnel Robert Hirsch qui reçut en 2014 le Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privé tandis que sa partenaire, Isabelle Gélinas recevait celui de la comédienne. La pièce, qui est la septième de Florian Zeller avait été créée en septembre 2012 au théâtre Hébertot, dans une mise en scène de Ladislas Chollat. Elle s'y est jouée jusqu'en 2014 et a été reprise en 2015 à la Comédie des Champs-Élysées.
Elle a par la suite été jouée dans le monde entier et a reçu de nombreux prix. Elle est, selon The Guardian, "la pièce la plus acclamée de la décennie" et selon le Times une des meilleures. Il n’empêche que la caméra est en quelque sorte l’œil amplifié du spectateur et que, du coup, le propos gagne à la transposition. D’autant que Florian Zeller a obtenu carte blanche pour diriger ses acteurs, écrire le scénario et concevoir chaque scène de manière à ce que le spectateur soit lui aussi autant perturbé que les protagonistes.
Car très vite, et bien plus qu’au théâtre, on perd le sens de la réalité et nous finissons par laisser échapper la logique. Plusieurs scènes se répètent, légèrement décalées, en particulier celle de la préparation d'un poulet pour le dîner. Ce quoi nous mettre la puce à l'oreille à la troisième reprise.
Je me suis repérée finalement aux meubles de la cuisine pour distinguer les moments rêvés par Antony, comme dans le film A beautiful mind le schizophrène reconnait ses crises au fait que la petite fille apparait toujours dans les mêmes vêtements démodés. Mais je ne suis pas certaine d'avoir tout compris correctement. Je ne pourrai pas jurer qu’Anne va effectivement venir s’installer en France (dans la version d'origine, française, c’était bien entendu en Angleterre qu’elle devait aller vivre).
Cela n'a bien entendu aucune importance, l'important étant d'avoir perçu de l'intérieur le désastre de la maladie d'Alzheimer. Anthony Hopkins est bouleversant de naturel. On y croit à tel point qu'on se retient de se lever pour le serrer entre nos bras. D'autant que son personnage porte son prénom. Et pourtant il n'y a jamais de moments tournés pour tirer les larmes du spectateur. La dignité est de mise jusqu'au bout et l'oscar est amplement justifié. Comme meilleur acteur pour Anthony Hopkins et celui du meilleur scénario adapté pour le tandem Zeller-Hampton.
Une première adaptation au cinéma avait été faite avec Floride de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort et Sandrine Kiberlain en 2015, dans des décors extérieurs, ce qui produisait un autre résultat.
The Father, texte, mise en scène et réalisation Florian Zeller
Avec Anthony Hopkins (Rôle : Anthony), Olivia Colman (Rôle : Anne), Mark Gatiss (Rôle : L’Homme), Imogen Poots (Rôle : Laura), Rufus Sewell (Rôle : Paul), Olivia Williams (Rôle : La Femme), Ayesha Dharker (Rôle : Dr. Sarai), Evie Wray (Rôle : Lucy) …
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