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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

lundi 20 juillet 2009

Y-a-t-il des gens aimables à Bordeaux ?

Je suis à Bordeaux. Ne me demandez pas pourquoi faire. Motus. Je ne dirai rien aujourd'hui. Demain peut-être si tout va bien.

Toujours est-il que j'ai devant moi une après-midi à perdre, ou à gagner, c'est selon. Et je me dis que ce serait une super bonne idée de vérifier "in situ" s'il est vrai que les bordelais sont les champions du monde du manque d'amabilité.

La réponse est OUI.

Mais j'ai quand même rencontré 4 personnes aimables, deux hommes, deux femmes. La parité est respectée. A leurs corps défendant la moitié d'entre eux n'étaient pas bordelais d'origine mais ne chipotons pas. Je consacrerai un billet aux plus sympas. Parce qu'ils le valent bien.

Pour l'heure analysons un peu ce défaut d'amabilité.

Il y a le manque d'amabilité par distraction. A mon arrivée à l'hôtel la chambre n'était pas prête. On me conseille d'aller me promener. Sans penser que je n'ai pas de voiture à ma disposition et que le bâtiment est très (vraiment très) loin du centre ville voilà qu'on m'envoie balader et je ne proteste même pas. Je demande juste qu'on me téléphone quand la chambre sera prête. Vers 19 heures retentit la 40 ème symphonie de Mozart (j'ai le portable mélomane) alors que je suis juste sous la grosse cloche. On me demande à quelle heure je compte revenir parce que la réceptionniste va bientôt rentrer chez elle. J'en déduis que la chambre est prête ...

Il y a le manque d'amabilité par sadisme. A mon départ de l'hôtel le lendemain on me demandera fort gentiment si j'ai bien profité de la piscine. Parce qu'il y avait une piscine ???? Çà n'aurait pas été plus simple et plus rafraichissant d'y attendre que la chambre soit prête ?

Il y a le manque d'amabilité par négligence. Mon premier réflexe fut d'aller à l'Office du tourisme. J'explique que j'écris dans un blog et que je cherche des sujets pour parler de Bordeaux sous un angle plaisant, si possible instructif. Un peu à la manière de ce que je fais pour le Comité du Tourisme de Lorraine. J'aurais parlé japonais, j'aurais peut-être suscité davantage d'intérêt. On me propose quand même la visite guidée de l'Opéra, opéra dévoilé, ingénierie de l'éphémère. L'hôtesse interpelle son collègue assis à l'autre bout de la salle : y reste une place ? Non. Revenez donc demain. Merci bien mais je serai déjà repartie.

Je suis certaine qu'il y a bien une personne qui s'est désistée et que j'aurais pu me glisser dans le groupe mais allons voir ailleurs ... Comme me l'a expliqué une bordelaise affligée du manque d'amabilité de la ville : depuis qu'ils sont Patrimoine de l'UNESCO ils se sentent au-dessus de tout. Me voici à la Maison de la Gironde. On me dit bonjour sans s'arrêter de bavarder en se racontant ses petites histoires. Je jette un œil à l'expo qui occupe l'arrière-salle et je ressors sans avoir été dérangée dans mes pensées ni sans avoir ennuyé le personnel, enfin j'espère. Difficile d'être plus invisible.

Il y a le manque d'amabilité par nonchalance. La spécialité de la ville c'est le cannelé. Un dessert qui est à mi-chemin entre le gâteau et la friandise. Vu que je connais la recette, que j'ai les moules à la maison et que j'en fais quand je veux, je ne suis pas en manque. Je m'aperçois que les vitrines des nombreuses succursales du plus gros fabricant présentent trois tailles de cannelés. Je finis par me poser des questions et j'interroge une vendeuse. C'est la même pâte. Sauf qu'il y a des petits, des moyens, des gros. Jusque là j'avais deviné.
- Est-ce que cela fait une différence de goût ?
- Oui, me dit-elle.
- A cause de la taille ? (je trouve notre conversation passionnante et je sens que je vais apprendre quelque chose)
- Parce que c'est flambé !
- Comment cela, flambé ?

Et j'apprends qu'au démoulage seuls les gros cannelés sont arrosés de rhum. Même si la pâte est toujours parfumée au rhum l'arôme est forcément plus présent dans ceux qui sont flambés. Enfin c'est ce qu'elle dit parce que j'ai pas gouté. On aurait été en Lorraine, à Nancy (au hasard) c'est évident que la vendeuse aurait appuyé sa démonstration d'une dégustation. Mais on n'est pas en Lorraine.

J'ai appris encore qu'il n'y avait aucune autre forme de diversification de cannelés. Pas d'autres parfums. Et pourquoi autant de macarons dans les boutiques à coté des cannelés ? Car enfin ce n'est pas une spécialité girondine. On aurait été en Lorraine, à Nancy (au hasard) j'aurais compris. Mais on n'est pas en Lorraine.

C'est que c'est à la mode et que cela se vend très bien, m'explique-ton. Et puis nos pâtissiers sont même allés faire un stage pour apprendre à les faire comme à Paris.

Je me suis demandée ce que penserait la clientèle nancéenne si Nicolas Génot (dont j'ai fait le portrait il y a un an) se mettait à faire des cannelés "parce que c'est la pâtisserie à la mode". J'ai poursuivi mon chemin sans regretter finalement de ne pas avoir gouté les produits de la maison (dont je tairai le nom, mais elle est si connue que ce n'est même pas la peine d'en donner l'initiale).

Comment qualifier l'amabilité rencontrée au Musée des arts décoratifs : on ferme dans 20 minutes alors je vous laisse juste voir le rez-de-chaussée ! Un quart d'heure plus tard je repars en demandant si j'ai pas été trop longue : non, rassurez-vous, c'était parfait.

J'ai eu le temps d'apprendre que jusqu'au XVIII° siècle on disposait des tréteaux avec une planche dans sa chambre pour dîner avec ses invités. Le concept de salle à manger est donc récent. Il était alors habituel de laisser les portes de son armoire ouverte (comme sur cette photo) pour présenter ses plus belles pièces. Sur la table je remarque des rafraichissoirs, sorte de mug dépourvu d'anse pour y rincer le verre entre les vins. Bonne idée de nos aieux pour limiter la vaisselle !

Ce musée a une belle collection de pots à pharmacie et de bronzes animaliers signés Antoine-Louis Barye. Un sculpteur dont les oeuvres sont malgré tout facilement accessibles. Le lion (ci-contre) est en vente actuellement sur e-bay. Les enchères démarrent en-dessous de 200 €, pour ceux que cela intéresseraient ...

Il y a le manque d'amabilité par pure bêtise. J'avais lu des critiques très positives et des avis très négatifs à propos d'un restaurant minuscule de la rue des Faussets. Il se trouve que j'y passe le soir. Toute la rue regorge de clients. Chaque terrasse refuse du monde ... sauf une , celle du fameux troquet. La salle est aussi vide. Les patrons sont derrière leurs fourneaux. J'ose demander ce qui se passe. Ce serait la première fois que c'est comme cela. Je lance la discussion sur les avis des clients. Ils n'en sont pas affectés. J'ai des photos à prendre et je veux profiter de la lumière du soir (la meilleure). Je poursuis donc ma route jusqu'au miroir d'eau dont on m'a dit qu'il fallait voir cela à tout prix. Mes clichés n'ont rien de comparable avec ceux qui sont sur le site de la ville parce que je n'ai bénéficié que d'une lumière naturelle. Il vous faudra imaginer les monuments éclairés par des projecteurs arc-en-ciel se refléter sur la mince pellicule d'eau, doublant leurs façades.
J'ai fait comme les autochtones et ai traversé la place les pieds nus, me rafraichissant agréablement. J'ai aussi profité du Jardin des Lumières.


Puis, une fois les photos prises je suis repassée dans la rue du restaurant. Rien n'avait changé. Il était 21 heures 30 et il ne fallait pas louper ce qu'on appelle "le deuxième service".

La patronne a reconnu qu'il suffirait d'une personne assise en terrasse pour amorcer le mouvement parce que les passants se décident en voyant des assiettes pleines. Je relis la carte. Ce qui me fait envie ce serait un assortiment de tapas. Ah, non, on ne fait pas comme çà. Une seule catégorie par assiette. (Évidemment quand on vient à quatre c'est pas gênant mais je suis seule). On préfère fermer pour ce soir. Demain est un autre jour. C'est vous qui le dites !


Rassurez-vous j'ai grignoté plus tard dans un endroit charmant. Et je suis rentrée fourbue mais satisfaite d'avoir élucidé la question. Il y a diverses formes de défaut d'amabilité à Bordeaux et j'avais récolté suffisamment de variétés (L'audace me manque de revenir en deuxième semaine pour en découvrir de nouvelles). Il y a aussi des personnes qui valent le détour. Je ne sais pas si ce sont des exceptions, des espèces en voie de disparition, ou des nouvelles recrues. Mais j'en avais assez pour cette demi-journée.

NB : les photos qui ne sont pas titrées sont libres de droits.

1 commentaire:

Beychac a dit…

Votre billet sur les bordelais date de 2009, est-il raisonnable de laisser un commentaire aussi tardif ?
Je voudrais rectifier une affirmation hâtive, selon vous : «les macarons ne sont pas une spécialité Girondine ?»… C'est aussi une spécialité de Saint-Emilion, charmante cité du vignoble…
Selon la tradition les macarons ont été introduits d'Italie en 1581 par Catherine de Médicis, lors du mariage du duc de Joyeuse avec Marguerite de Lorraine. Les macarons sont la spécialité de Joyeuse (07), et de villes comme Nancy (en référence à Marguerite de Lorraine), Montmorillon (86), Saint-Emilion (33), Paris, et d'autres certainement.
A Saint-Emilion les macarons étaient fabriqués par des religieuses depuis le XVIIe s., expulsées à la Révolution, elles auraient vendu leur recette à une famille qui depuis détient ou à chaque succession transmet ce secret de fabrication ?
Une seule maison affirme être en possession de la vraie recette des macarons de Saint-Emilion (ils sont effectivement délicieux).
http://www.macarons-saint-emilion.fr/Accueil.html

Quant aux canelés «flambés», c'est une aimable galéjade. Le rhum entre dans la composition de la pâte, je pense que c'était une expérience sans lendemain… Le canelé est une spécialité de fraîche tradition à Bordeaux, il était plus que confidentiel voici une trentaine d'années, cette friandise est ignorée dans la bible de la cuisine bordelaise publiée vers 1898 par d'Alcide Bontou (ouvrage réédité lors du centenaire)....
Il ne se vend donc en magasin que le canelé dits tradi…, mais hors commerce des variantes sont proposées par des chefs comme le canelé façon profiteroles…
JB

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