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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

jeudi 30 juillet 2009

Révélations autour de la glace Plombières

Je ne dirais pas que je vais faire des révélations sensationnelles mais tout de même il y a fort à parier que beaucoup d'entre vous savourez cette spécialité sans trop savoir à qui vous la devez.

Les plus grands succès sont souvent le résultat d’erreurs ou la conséquence de catastrophes. Pasteur a découvert la vaccination parce qu’il avait « oublié » une préparation dans son étuve. L’apprenti de Cambrai a conçu les bêtises suite au défaut de réglage d’une calibreuse. La glace de Plombières est elle-même le résultat d’une bévue qui faillit être un grave incident diplomatique qui m’a été raconté alors que je passais quelques jours à ... Plombières-les-bains. ( j'en ai fait le compte-rendu en son temps sur le blog lorrain)

La naissance de la recette …
Remontons en arrière : à la fin du XVIII° siècle, un glacier parisien, du nom de Tortoni, servait des entremets glacés préparés avec du lait d’amandes et des fruits confits qu’il faisait prendre dans des récipients en plomb. On les appelait « entremets plombière » (sans s). Leur consistance était plutôt proche des granités qui sont aujourd’hui à la mode que de la glace traditionnelle.

Un demi-siècle plus tard, précisément en 1858, Cavour, homme d’état italien, président du Conseil de son pays (dirigé parle roi Victor-Emmanuel II), sollicite de l’empereur français Napoléon III une alliance offensive de la France contre l’Autriche afin d’assurer la conquête de l’identité italienne.

L’entrevue doit être secrète. L’empereur est en cure à Plombières-les-Bains. Cavour s’y rend le 20 juillet. La négociation permet à la France de gagner le comté de Nice et la Savoie (qui sont français depuis cette date …).

La coutume veut de clore ce genre de réunion, secrète ou pas, par un repas. Le cuisinier de l’empereur décide de faire avec une préparation à base d’œufs battus dans du lait avec du sucre. Hélas, la crème «tourne» mais il ne veut pas, ou ne peut pas, recommencer. Il connait la technique de l’entremet glacé qu’il applique à cette crème en lui ajoutant l’alcool local, du kirsch en l’occurrence, avant de rebattre énergiquement.

Le dessert retrouve une consistance acceptable. Enrichi de fruits confits il est alors mis à glacer et sera très apprécié par les invités car la température est élevée cet été là.

La recette de la glace Plombières ne variera pas. Michel Bilger, le patron de la Fontaine Stanislas, est le seul, aujourd’hui, à honorer la tradition en la réalisant sur un mode artisanal, sans aucun conservateur et avec des mesures d’hygiène draconiennes. Il n’emploie que d’excellents produits, des fruits confits d’Apt, et un kirsch très délicatement parfumé, le meilleur, celui de Fougerolles (Haute-Saône), internationalement réputée pour son eau-de-vie de cerise.

Il n’existe aucune obligation de la faire à Plombières mais la déguster ici ajoute une touche de romantisme. L’hôtel domine la ville. Il faut bien une bonne demi-heure de marche pour l’atteindre depuis le Casino en grimpant à travers bois un joli chemin ombragé.

On comprend que la perspective d’un excellent dessert soit une motivation certaine et que cette promenade soit très fréquentée l’été.

Un lieu touristique déjà fréquenté par d’illustres personnages :

Des décennies plus tôt l’endroit était déjà un but de ballade tant pour le panorama sur la vallée que par gourmandise. En effet de nombreux curistes célèbres sont venus se faire soigner à Plombières et en ont profité pour faire un peu d’exercice physique. Le plus illustre est probablement le roi Stanislas, bien obligé de soigner ses rhumatismes et totalement incapable d’accepter un régime.

Il montait jusque là pour se rendre dans une ferme où on lui servait du lait frais (entier ?) aromatisé d’un peu (un peu ?) de kirsch.

Une source jaillissait d’une pierre, coupant le chemin. L’endroit était plaisant. Le roi accepta de lui donner son nom. Et plus tard une fontaine surmontée d’une pierre explicative fut érigée à sa mémoire.

Les habitués connaissent bien l’endroit et viennent s’y désaltérer avant ou après avoir savouré leur glace favorite.

Berlioz fut un autre touriste prestigieux, contemporain de Napoléon III. Un monument étonnant, semblant soutenir un arbre, tout proche de la Fontaine Stanislas, rappelle qu’il y a composé un opéra, les Troyens.


Cette main en gros plan aurait constitué une belle énigme …

Mais revenons au dessert. Un petit café se trouvait en haut de la vallée. Le fils, cuisinier à Paris, rentra au pays, agrandit le bâtiment pour en faire un hôtel en 1933. Le petit-fils lui a succédé. Tous ont fait de la Plombières avec une recette qui n'a jamais varié. C’est dire combien de millions d’hectolitres de glace cette famille a pu «turbiner».

Michel Bilger est fier de son savoir-faire mais il ne l’érige pas en secret. C’est sans chichi qu’il m’a expliqué la marche à suivre.

La recette :

1 litre de lait entier (important) bouilli
300 grammes de sucre semoule
6 jaunes d’œufs

Portez le tout à feu vif en faisant des 8 avec la spatule. Dans l’idéal il ne faudrait pas dépasser 85° et arrêter dès qu’une écume se forme. Versez chaud directement dans la sorbetière et réfrigérez à moins 20° en provoquant un choc thermique.
Au bout de 20 minutes, ajoutez 200 à 250 grammes de fruits confits coupés en dés (du cédrat et de l’angélique donneront de beaux verts, la cerise du rouge, l’ananas de l’orange) qui auront macéré 1/2 heure dans 1 dl de kirsch de Fougerolles. La glace est désormais prête à être dégustée avec quelques langues de chat car il faut bien que les blancs servent à quelque chose.

Michel Bilger a diversifié sa carte en se risquant à proposer des bombes glacées aux fraises, ou des vacherins sur commandes, mais sa clientèle monte pour la glace Plombières et refuse toute charlotte, moka ou tarte.

Aucun dessert, le plus créatif soit-il, ne peut rivaliser avec la spécialité de la maison.,

Hôtel-restaurant de la Fontaine Stanislas
88370 Plombières-les-Bains
tel 03 29 66 01 53
www.fontaine-stanislas.com
ouvert du 1er avril au 15 octobre

2 commentaires:

MMN a dit…

Ahhhhhhhhhhhhh ça me met l'eau à la bouche... vivement que je passe par Plombières pour goûter cette fameuse spécialité !

Coulon Guy a dit…

Non la glace plombière ne fut pas inventée pour l'entrevue entre Cavour et napoléon III pour la bonne raison que personne ne connait le menu qui fut servi ce jour là; mais il est exact que la crème plombière; du nom de l’ustensile qui servait à mouler les glaces (en plomb ou en étain jusqu'au 19°) étai une crème genre pâtissière agrémentée de crème fouettée et de marasquin et qui fut un jour frappée par un artisan glacier lorrain (transformée en glace) on y ajouta des fruits confits et on remplaça le marasquin par du kirsch et qu'untel se revendique de cette création est de bonne guerre dans ce milieu de la restauration. Guy Coulon

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