L'intitulé est bref et signifiant. Le pari est encore une fois réussi et à défaut de vous prendre par la main pour vous emmener faire ce voyage, je vais tenter de vous en montrer les principales étapes à travers quelques photographies prises sur le vif.
Joanna Malinowska est une fervente admiratrice de Glenn Gould. Elle ressent l'ailleurs dans le temps que la musique mesure. Elle est allée le plus loin possible en Alaska pour déposer un lecteur de musique fonctionnant à l'énergie solaire et qui diffuse en permanence les Variations Goldberg, là où le pianiste aurait voulu les jouer. La rapidité de son interprétation demeure une référence absolue, et un miracle si on considère sa posture insensée (il jouait assis sur une chaise dont il avait fait scier les pieds, pour avoir les mains en hauteur et le nez sur les touches, pour demeurer dans la même position qu'il avait lorsqu'il avait appris le piano avec sa mère). Nous voyons et entendons l'instrument comme si nous y étions, c'est-à-dire quelques bribes musicales, mais surtout le vent. Se référant explicitement au travail à la mémoire de Bas Jan Ader, elle a intitulé son œuvre In Search of the Miraculous, Continued .../ part II of three.
L'ailleurs est pour cet artiste très proche ou très lointain. Il apprend que l'Antarctique n'a pas de drapeau. Il lui en dessine un aux couleurs de son principal habitant, le manchot, en respectant la proportion des couleurs de sa robe. Et c'est si réussi qu'on a peine à croire que ce n'est pas la réalité. enfin, pas encore.
Comme l'indique le terme fantôme, la structure n'existe pas en tant que telle, sauf sa matérialisation par une plaque et son gardiennage. Le centre français est Rochefourchat, dans la Drôme, avec un seul habitant recensé.
Lucy et Jorge Orta pratiquent l'art humanitariste. Ils ont mis en place le Village Antarctique en 2007, un village pionnier de tentes à partir de drapeaux, accompagnant leur démarche de la création d'un passeport mondial remis à tous ceux qui soutiennent leur entreprise et qui sont prêts à vivre en tant que citoyen du monde. Soit en privilégiant le respect de l'autre, de l'environnement, combattre le racisme, la violence et la barbarie, et promouvoir la démocratie.
Changement d'univers avec Fernando Prats qui vit et travaille en Espagne et au Chili. Il noircit des papiers de fumée charbonneuse qui lui servent ensuite de toiles, laissant la nature "faire le travail" pour lui. L'eau, un arbre, le vent fixeront leurs empreintes. On le voit sur cette photo (ci-contre) feuilleter le catalogue des œuvres ainsi obtenues.
On clame aux parents la vertu de l'ennui pour leurs enfants, tentant de les convaincre que c'est le meilleur moyen de développer leur créativité. Marc Horowitz en est la parfaite illustration. Il se sent délaissé et note son téléphone sur un cliché qu'il a réalisé dans le cadre de son travail de publicitaire en ajoutant "Dinner with Marc". Cette blague arrive dans des millions de foyers. Marc perd son job mais gagne des dizaines de milliers d'invitations, affrète un camping-car, prend la route et ... 20 kilos au fil du temps. L'échec devient un succès artistique, médiatisé au-delà de ce qui est imaginable. Avec Marc, l'ailleurs est ici, toujours et maintenant. Bonne nouvelle : l'homme a gardé un sourire communicatif et retrouvé sa ligne de jeune homme.
Ce projet, appelé réellement à être réalisé, sera comme une apostrophe, un nuage posé au croisement de l'Orient et de l'Occident dans le pays du monde qui compte le moins d'arbres. préfigurant le bâton que les cavaliers plantent là où il demeurent quelques instants en paix avant de reprendre la route, on pourra potentiellement passer le pont à cheval dessous, comme dessus.
Ils n'ont manqué de "rien". Les trois repas quotidiens étaient précieusement conservés caisse par caisse. Un vieux téléphone de l'armée américaine les reliait au monde du dehors. Les vitrines montrent ce qui a pu être réalisé ensuite sous l'influence du lieu avec des objets souvenirs.
La première œuvre avec laquelle on est en contact à l'arrivée à l'Espace culturel est cette immense carte de Yann Dumoget, lui aussi artiste participatif à l'instar de Marc Horowitz , à ceci près qu'il fut précurseur. Ami Barak, curateur et critique, ami de longue date de Yann, admire sa ténacité, et la permanence de son attitude, l'empêchant de se poser comme une malle ... un comble dans cet endroit !
Yann Dumoget me confiait qu'il avait songé à garder trace de ses expériences dans un blog mais que l'ampleur des contraintes l'avait freiné tant qu'il avait renoncé (je comprends ... et je songe qu'écrire dans un blog peut être une voie vers l'ailleurs dès lors qu'on a pour objectif de faire partager des univers où le lecteur ne serait pas allé spontanément...). Il pose devant sa carte en compagnie d'un violoncelliste qui a joué toute la soirée du vernissage en écho à l'esprit de la songline du marcheur nomade.
En revanche l'univers de Tïa-Calli Borlase m'a fascinée.
Ses "sculptures membranes" se balancent comme des créatures sous-marines sur un fond Bordeaux qui évoque le sang sans vulgarité.
On sent une proximité avec l'univers des Lalanne. Au départ elle sculptait dans la résine mais sa toxicité (les Nanas de Niki de Saint-Phalle ont considérablement abrégé sa vie) l'a conduite vers le latex et les baleines de corsets qu'elle achète par 300 mètres. Elle travaille clandestinement dans des chambres d'hôtel, prend vite une photo-mémoire avant de s'échapper.
Il m'a semblé que les autres vitrines étaient dans le ton, très noir et blanc de cette exposition qu'il faut aller voir avant le 8 mai 2011, d'autant qu'elle est gratuite et que tous les publics sont accueillis avec le même intérêt.
du lundi au samedi de 12 à 19 heures, dimanche et jours fériés de 11 à 19 heures
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