(billet mis à jour le 22 avril 2012)
Le Micro Onde accueille depuis ce soir une terrible machine, baptisée Dominator. On dirait un nom inventé pour l’occasion mais c’était bien la dénomination réelle d’une moissonneuse batteuse, construite dans les années 80 avec, pour la première fois, une barre de coupe adaptée aux petites exploitations. Pascal Rivet en a réalisé une copie à l’échelle 1, donc en taille réelle, qui investit majestueusement l’espace d’exposition, tel un bijou serti dans un écrin, ou comme s’il s’agissait d’une salle des ventes souhaitant décider le plus grand nombre de personnes à l’étudier dans l’espoir d’en convaincre une d’acheter.
Les passants sont ainsi visuellement interpelés depuis l’esplanade par un surgissement théâtralisé.
L’œuvre d’art interroge le réel et la valeur des choses. C’est un paradoxe extrême car dans la réalité ce matériel a posé beaucoup de problèmes et sa solidité n’a pas été, à ce qu’on m’a dit, à la hauteur de la promesse. Enfin le siège social de la marque se trouve à Vélizy. Des invitations ont été lancées mais personne n’a pu curieusement se déplacer pour le vernissage.
L’artiste n’a pas voulu saturer l’espace avec d’autres objets. Dominator est juste confronté à un minuscule contrepoint, Kervaër 2010. C’est une pyrogravure sur une simple plaque de contreplaqué d’okoumé au format d’une feuille de papier.
La tapisserie se révèle de près alors que l’on dirait réellement des photos lorsqu’on se place à distance. A telle enseigne qu’on pourrait considérer qu’il s’agit de peinture à l’aiguille (une technique qui emploie des points de longueurs différentes).
Les œuvres sont réalisées par une femme passionnée qui parvient à traiter une image par mois, des visuels récoltés sur Internet en suivant l’occurrence du tracteur accidenté, puis imprimés sur toile. La brodeuse n’a plus qu’à reproduire la pixellisation d’origine en respectant les couleurs.
Loin d’offrir le statut d’un show-room la rue mettant en valeur des machines triomphant des éléments, la rue Traversante témoigne de l’échec de la technologie. Une terre lourde, de la neige, une fausse manœuvre et l’engin est vite sur le flanc, renversé dans le paysage.
Il avait commencé en 2001 avec un tracteur Massey Ferguson, montré dans une ferme. Il enchaina avec des véhicules utilitaires liés à une fonction manuelle ou un métier. Ce fut un utilitaire Darty pour le FRAC de Bretagne, le camion de la boucherie Meneur, reconstitué avec la cochonnaille et les couteaux, installé face à son modèle sur les marchés en 2004.
Dominator a été conçu en 2009 pour le FRAC Languedoc Roussillon pour être présenté dans l’abbatiale de Villeneuve-lez-Avignon. Il faut une semaine pour monter la machine qui voyage bien entendu en 200 « petits » morceaux, tous en bois.
En 2010, à Chamarande (Loiret) avec Procession, il avait exposé en file indienne trois tracteurs de marque différente qu’il avait choisi délibérément de ne pas peindre. Aucun n’était « reconnaissable », témoignant de l’importance de la couleur pour distinguer une marque d’une autre, alors que dans le secteur automobile la forme d’une calandre ou de la ligne est plus représentative.
John Deere est une des plus vieilles entreprises américaines. Elle était et reste le leader mondial de la machine agricole et des travaux publics, avec toujours une longueur d’avance en appliquant le principe que si ses ingénieurs n’améliorent pas eux-mêmes les produits de la marque d’autres le feront à leur place. Après avoir travaillé en Allemagne à la conception de nouveaux tracteurs mon père a été responsable de la formation continue des concessionnaires au Centre de ressources humaines d’Ormes (Loiret). Autant dire que les couleurs jaune et verte me sont familières.
Pascal Rivet, Dominator et Tableautins du 14 janvier au 17 mars 2012
Martin Brune, Roundballer, jusqu'au 3 mars
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