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samedi 14 janvier 2012

Dominator, tableautins et Roundballer au Micro Onde


(billet mis à jour le 22 avril 2012)

Le Micro Onde accueille depuis ce soir une terrible machine, baptisée Dominator. On dirait un nom inventé pour l’occasion mais c’était bien la dénomination réelle d’une moissonneuse batteuse, construite dans les années 80 avec, pour la première fois, une barre de coupe adaptée aux petites exploitations. Pascal Rivet en a réalisé une copie à l’échelle 1, donc en taille réelle, qui investit majestueusement l’espace d’exposition, tel un bijou serti dans un écrin, ou comme s’il s’agissait d’une salle des ventes souhaitant décider le plus grand nombre de personnes à l’étudier dans l’espoir d’en convaincre une d’acheter.

Les passants sont ainsi visuellement interpelés depuis l’esplanade par un surgissement théâtralisé.
Ceux qui s’étonneront d’un tel geste artistique devront comprendre que la fragilité de l’objet fait écho au titre frissonnant donné à la machine par la marque allemande Claas et qui fut bien le nom réel de l'engin comme on peut le voir sur la photo ci-dessous prise avec le matériel en pleine action.
L’œuvre d’art interroge le réel et la valeur des choses. C’est un paradoxe extrême car dans la réalité ce matériel a posé beaucoup de problèmes et sa solidité n’a pas été, à ce qu’on m’a dit, à la hauteur de la promesse. Enfin le siège social de la marque se trouve à Vélizy. Des invitations ont été lancées mais personne n’a pu curieusement se déplacer pour le vernissage.

L’artiste n’a pas voulu saturer l’espace avec d’autres objets. Dominator est juste confronté à un minuscule contrepoint, Kervaër 2010. C’est une pyrogravure sur une simple plaque de contreplaqué d’okoumé au format d’une feuille de papier.
Le sujet frappe par sa sobriété autant que par la délicatesse de l’exécution. Le poinçon du fer à souder est si léger que l’on pense d’abord à l’emploi de ciseaux à bois de précision. Les tracés se distinguent à peine des veines du bois. C’est à un tatoueur que Pascal Rivet s’est adressé pour obtenir un tel résultat.

Il présente aussi, et cette fois en série, des tableautins au point compté qui sont exposés sur des lutrins mettant en valeur le rembourrage.

La tapisserie se révèle de près alors que l’on dirait réellement des photos lorsqu’on se place à distance. A telle enseigne qu’on pourrait considérer qu’il s’agit de peinture à l’aiguille (une technique qui emploie des points de longueurs différentes).

Les œuvres sont réalisées par une femme passionnée qui parvient à traiter une image par mois, des visuels récoltés sur Internet en suivant l’occurrence du tracteur accidenté, puis imprimés sur toile. La brodeuse n’a plus qu’à reproduire la pixellisation d’origine en respectant les couleurs.

Loin d’offrir le statut d’un show-room la rue mettant en valeur des machines triomphant des éléments, la rue Traversante témoigne de l’échec de la technologie. Une terre lourde, de la neige, une fausse manœuvre et l’engin est vite sur le flanc, renversé dans le paysage.

Pascal Rivet vit dans une contrée rurale, dans les environs de Brest. Il traite depuis une dizaine d’années toute une typologie autour du monde agricole, capable de se rendre aux Comices pour en revenir avec une série de portraits d’agriculteurs. Mais le cœur de son travail est abordé sous l’angle du déplacement.

Il avait commencé en 2001 avec un tracteur Massey Ferguson, montré dans une ferme. Il enchaina avec des véhicules utilitaires liés à une fonction manuelle ou un métier. Ce fut un utilitaire Darty pour le FRAC de Bretagne, le camion de la boucherie Meneur, reconstitué avec la cochonnaille et les couteaux, installé face à son modèle sur les marchés en 2004.

Dominator a été conçu en 2009 pour le FRAC Languedoc Roussillon pour être présenté dans l’abbatiale de Villeneuve-lez-Avignon. Il faut une semaine pour monter la machine qui voyage bien entendu en 200 « petits » morceaux, tous en bois.

En 2010, à Chamarande (Loiret) avec Procession, il avait exposé en file indienne trois tracteurs de marque différente qu’il avait choisi délibérément de ne pas peindre. Aucun n’était « reconnaissable », témoignant de l’importance de la couleur pour distinguer une marque d’une autre, alors que dans le secteur automobile la forme d’une calandre ou de la ligne est plus représentative.
De la même façon je n’avais pas remarqué la mention John Deere affichée sur le mur et coupée en trois morceaux. Le logo épuré, dépouillé en quelque sorte javellisé, pourrait être considéré comme le nom d’un acteur ou d’un coureur … comme le suggère le casque placé au pied du mur. La référence à la course automobile est amusante quand on sait la vitesse des machines agricoles et la situation de concurrence que se livraient les fabricants. Egalement quand on connaît son slogan « Nothing runs like a deere » ce que l’on peut traduire par « rien ne court comme un Deere », en conservant le jeu de mots entre deer (daim) et le nom de la marque, qui est aussi celui de son fondateur, né il y a 200 ans et qui a commencé comme apprenti forgeron. Le premier outil qu’il fabriqua sous son nom fut bien sur une charrue.

John Deere est une des plus vieilles entreprises américaines. Elle était et reste le leader mondial de la machine agricole et des travaux publics, avec toujours une longueur d’avance en appliquant le principe que si ses ingénieurs n’améliorent pas eux-mêmes les produits de la marque d’autres le feront à leur place. Après avoir travaillé en Allemagne à la conception de nouveaux tracteurs mon père a été responsable de la formation continue des concessionnaires au Centre de ressources humaines d’Ormes (Loiret). Autant dire que les couleurs jaune et verte me sont familières.

Pascal Rivet a invité un jeune artiste breton lui aussi, Martin Brune, à montrer dans l’espace la Boite, une vidéo montrant la rencontre, qualifiée d’inattendue, entre un ballot de paille et un radeau de jerrican en plastique. Martin est élève à l’EESAB, l’Ecole Européenne supérieure d’Arts de la Bretagne. Par un geste poétique il a voulu témoigner d’une possible échappée du monde rural sur le territoire maritime. Et qu’importe si la fuite est illusoire.Micro Onde – centre d’art contemporain de l’Onde 8 bis, avenue Louis Bréguet 78140 Vélizy-Villacoublay Tél : 01 34 58 19 92 du mardi au vendredi de 13h à 19h - le samedi de 10h à 16h et les dimanches de 15h à 18h
Pascal Rivet, Dominator et Tableautins du 14 janvier au 17 mars 2012
Martin Brune, Roundballer, jusqu'au 3 mars

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