La lecture de La Porte du secret a provoqué étonnement sur étonnement. Marie se déplace à vélo dans Paris, comme je le faisais quotidiennement quand je travaillais dans la capitale. Elle vit à Montmartre et chaque rue citée évoque pour moi un souvenir même si je ne connais pas particulièrement de librairie au 10 place Goudeau.
Un peu plus loin Christel Noir fait débarquer Josh à Los Angeles et je le retrouve évidemment au Farmer's Market où j'ai moi aussi acheté des légumes. Pour le moment nous restons près de Marie qui est invitée en week-end en Normandie, dans cette jolie bourgade de Beuvron-en-Auge que j'aime tant. Bien entendu elle achète du pain brié chez le boulanger, lequel n'est pas nommément mentionné mais je suis sûre que c'est la maison Au bon Coin, tenue par la famille Ruquier dont j’adore le pain au cidre et aux pommes et qui m’avait consolée d’une expérience de chambre d’hôtes nettement désagréable.
L’auteure construit avec Marie un personnage attachant. La jeune femme est surdouée. Pourvue d'une mémoire eidétique ( Page 10) dite mémoire absolue, et qui est la faculté hypothétique de se souvenir d'une grande quantité d'images, de sons, ou d'objets dans leurs moindres détails. Comme Bonaparte et Gary Kasparov, Monet et Mozart, Amélie Nothomb et Marcel Pagnol... Tout dans sa vie est farfelu, c'est ainsi qu'elle reconnaît elle-même les choses. Mais tout est extrêmement vivant aussi. Jusqu'à ce qu'une sorte de grain de sable vienne chambouler l'ordre de son existence.
Je reprends mot pour mot l'explication de Marie à son amie Noémie: je te la fais courte. C'est un ange gardien débutant qui n'a pas le droit d'être ici et qui peut te faire voyager dans le temps.
L'ange a un nom. Elle surgit page 59 pour commencer un stage en compréhension humaine. Elle s’appelle Eloïse et c'est son sixième sens. Elle va faire prendre conscience à la jeune femme de bien des choses. Marie croyait jusque-là vivre son rêve alors qu'elle subissait une mémoire familiale invisible (page 102). Elle découvre que ce n'est peut-être qu'un palliatif pour échapper à la discorde entre ses parents. Pourtant elle aime ce qu'elle fait. Tenir cette librairie montmartroise ne semble pas relever de la corvée ni de l'abnégation.
J'ai pensé tout au long de cette lecture à d’autres ouvrages qui offrent des points de convergence. Frédérique Deghelt, avec les Brumes de l’apparence, Hugues Royer, avec Est-ce que tu m’entends, et même à Virginie Langlois, et son Anna des miracles sur le chemin de Saint Jacques. Bref à tous ces livres qui font état de forces différentes que certains estiment divines.
Le roman est facile à lire, très riche de références cinématographiques, historiques et musicales (rien que la page 180 nous en fournit trois). On aimerait d’ailleurs disposer d'un CD ou du moins de la liste récapitulative.
Le livre révèle néanmoins des faiblesses au fil des pages et je regrette de n’avoir pas eu l’opportunité d’en discuter avec Christel Noir. Le sujet des stations de métro fantômes aurait pu être traité de manière plus approfondie. Je n’ai pas très bien compris l’intérêt de la présence du cacochyme Crespin crachant par la fenêtre. Peut-être est-il là en contrepoint du très joli personnage d'Emile, muet mais qui "dit" tant de choses, par le regard, ses actions et au travers d'une lettre magnifique (page 279).
Il m'a semblé que le fil de l'histoire devenait plus ténu. Je l'ai parfois perdu malgré mon intérêt de départ. Sans doute mon côté trop cartésien. Pourtant l'auteur déjoue ce travers avec le personnage de Noémie plus difficile encore à convaincre que nous. L’adolescente fait en quelque sorte la leçon à la jeune femme en lui ordonnant : Offre-toi le droit de vivre ce dont tu as envie !
Marie trouvera-t-elle le bonheur auprès de Josh ? Ce garçon est en état de gangrène affective (Page 124) et lui aussi vivra des synchronismes. Par exemple avec George, un chauffeur de taxi qui lui apprendra à lâcher prise en jouant au base ball. (page 182)
La vie possède deux portes, une pour entrer, une pour sortir (page 132). L'image est juste mais elle brouille un peu la compréhension du message. De quelle porte s'agit-il ? De la réserve d'objets ayant appartenu à son grand père Samuel et qu'elle n'ose pas ouvrir ? D'une autre issue ? De la porte qui sera décrite un peu plus loin page 143 ?
Je retiens (page 85) la définition du bonheur de Christel Noir, exprimée par la voix d’Eloise : le bonheur se trouve au bout de nos rêves ! Et les tout petits riens de ta vie, faits avec un infini amour, sont le bonheur.
Le sujet mérite qu'on s'y attarde. Je vais même vous faire demain une proposition concrète dans ce domaine.
La porte du secret de Christel Noir, Editions Heloise d'ormession, sortie en librairie le 2 avril 2015
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