A force d'en rêver je l'ai fait ... profitant d'un passage pas très loin de ses restaurants, à l'heure du déjeuner. Parce que, et c'est le conseil que je donne souvent, le prix d'un repas va du simple au double selon qu'on le prend le midi ou le soir, et l'écart est d'autant plus sensible que l'établissement est haut de gamme.
J'avais été bluffée par la gentillesse de Pierre Sang à l'occasion d'un festival Omnivore. J'avais gouté sa cuisine en mini-portions et je m'étais jurée d'aller m'asseoir au bar pour vivre l'expérience "en live".
Il n'y a pas d'enseigne comme vous pouvez le constater sur les photos des extérieurs. Inutile que j'associe le lien vers le site du cuisinier. Vous n'y trouverez pas davantage une indication de menu. Et pour cause : il n'y en pas. Le menu est imposé et change selon le marché.
Que ce soit dans l'un ou l'autre, "free style" est le credo de la brigade. Pas d’inquiétude si vous avez des allergies ou des intolérances, la question vous sera posée avant même de vous demander à quelle formule vous avez optez : 2 plats (entrée-plat ou plat-dessert) pour 20 €, 3 plats (entrée-plat-dessert) pour 25 € ou 5 plats pour 35 €.
Les plats ne sont pas les mêmes d'un jour à l'autre, ni même entre le déjeuner et le dîner de la journée, voire même au cours d'un service. Ce n'est donc pas forcément ce qui est cuisiné sous vos yeux qui sera disposé tout à l'heure dans votre assiette. La surprise est reine. Mais ce sera bon, quelle que soit l'association.
C'est un réflexe logique : le français commence par grignoter du pain. Chez Pierre Sang le geste n'est est quasi sacré. Il a choisi le pain bio du Comptoir Gana, qui officie au 54 de la même rue Oberkampf. Coupé en tranches épaisses, et tartiné de beurre demi-sel c'est ... une expérience à faire. La famille Ganachaud mérite une médaille et je vous recommande d'aller acheter de quoi continuer à vous régaler à la maison.
Le dimanche Gana étant fermé c'est le pain de Landemaine (encore un boulanger que je plébiscite) qui sera posé sur le comptoir.
J'ai lu quelque part que le jeune chef talentueux (finaliste de Top Chef 2011, il fallait aller jusque là !) s'était entouré d'une équipe jeune, compétente et motivée, qui partage sa "philosophie culinaire". ce n'est pas tout à fait exact. Ils sont 4 à se connaitre depuis plus de dix ans. L'histoire a commencé à Londres. Elles est jolie : ils avaient fait un soir le voeu de travailler ensemble, se disant que ce serait "cool" ... Pierre sang fut le premier à avoir l'opportunité de créer son restaurant. Il a fait venir les autres mousquetaires au fur et à mesure de leurs disponibilités.
Aucune jalousie ne filtre de la brigade, bien au contraire. Ils sont même prêts à accueillir de nouveaux collègues avec impatience. Florent, désormais directeur de la salle, est heureux que Pierre ait réussi à concrétiser leur projet en leur permettant de "s'éclater ensemble". Je souligne cet état d'esprit parce qu'il transpire des fourneaux en découplant le plaisir du client à se régaler.
Maxime m'avait fait découvrir un superbe vin à Omnivore. Cette fois c'est avec un verre d'Alsace 2012 de Marcel Deiss que le repas démarre. La robe révèle une belle couleur miel. L'assemblage de 13 cépages, tous récoltés sur les terres du vigneron alsacien, est à mon avis très équilibré et très parfumé, sans trop, ce qui permet de le conserver tout au long du déjeuner.
Nous sommes cote à cote au comptoir, savourant vin et pain ... Voici la première assiette déposée devant nous sans commentaire, car c'est au convive de se faire son opinion d'abord. On vous donnera la composition plus tard.
Vous ne pouvez pas piocher alors je vous dis de quoi il s'agit : saumon confit, brocolis, chou-fleur, grenade, salicorne, minuscules petites boules vertes de topico et une feuille d'huitre très iodée.
On mange quasi religieusement tout en suivant les gestes de Pierre Sang, ultra concentré, qui cuisine lui-même (comme quoi cela existe des "grands" chefs présents dans leur restaurant), sortant des betteraves cuites au four sur un lit de gros sel.
Deuxième assiette. ce sera de l'agneau, après une cuisson parfaite, posé sur une purée détendue au bouillon et allongé de polenta. Avec un oignon rôti éclaté.
La salle est en constante communication avec les chefs qui préviennent du changement de plat. Le rapport habituel des restaurants est inversé.
Si vous avez choisi la formule complète vous pourrez comprendre combien l'association pamplemousse-yuzu-pointe de miel va bien avec le fromage de Cantal. Cela change de la confiture de fruits rouges. Quant au fondant du Cantal on peut faire confiance à Pierre Sang qui, bien que d'origine coréenne, se revendique auvergnat, à juste titre puisqu'il a grandi en Haute Loire. Toujours souriant, il s'enquiert régulièrement de ce que l'on pense, manifestement soucieux de faire plaisir.
Les clins d'oeil aux deux cultures sont discrets, mais bien présents. Toilettes est écrit aussi en coréen sur le mur noir. Et dans celles-ci vous trouverez un panier de livres aussi différents que la cuisine de l'amour ou le traité de cuisine moléculaire d'Hervé This.
Le dessert est frais. C'est une mousse de citron vert et noix de coco pour arrondir l'acidité du sorbet yuzu. Le goût d'orange amère est discret, contrebalancé par celui de la fraise et de l'abricot en tuile caramélisée. La feuille d'estragon surprend très intelligemment.
Le soleil entre dans la salle en fin de service. Chacun est heureux du moment passé. L'équipe commence doucement la mise en place pour le dîner avec toujours la même contrainte, celle de la créativité. C'est ce qui assure le succès ici depuis l'ouverture, en 2012.
C'est presque la même recette à quelques mètres, en s'enfonçant dans la rue Gambey, dans un espace tout autant anonyme. S'il n'y avait pas une table avec les ardoises sur le trottoir on ne songerait pas à pousser la porte.
Le décor est semblable, peut-être un peu plus raffiné pour un dîner, mais on peut s'y régaler aussi pour moins de 10 euros le midi avec un plat unique coréen.
On y trouve aussi bien entendu le même pain, le même beurre, le même fromage.
C'est là que le samedi Pierre Sang donne un cours de cuisine ... Mais ceci est une autre histoire ...
Pierre Sang Boyer
Du mardi au samedi : 12h - 14h30 / 19h - 22h30
Sans réservation sauf pour les groupes de 6 personnes ou plus
55 rue Oberkampf - 75011 Paris
Midi & Soir, 7 jours sur 7
et à moins de 50 mètres, 6 rue Gambey - 75011 Paris
Midi & Soir du Mardi au Samedi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire