C'est l'histoire d'un livre qui a entrepris un petit voyage avant de revenir entre mes mains. Même si j'ai une assez grande capacité de lecture je ne peux pas lire tous les ouvrages que je reçois, que j'achète, que j'emprunte ... L'autre moi-même m'était arrivé en juin, à une période où je croulais sous le travail. j'aurais pu le laisser patienter dans la pile. Il m'a semblé qu'il avait le potentiel pour satisfaire quelqu'un d'autre avant moi. C'est ainsi que je l'ai confié à Annie qui commence à contribuer au blog, en particulier à la rubrique théâtre.
Annie se trouvant dans une situation comparable c'est à son mari qu'elle a proposé le roman. Un peu dérouté, nous a-t-il dit, à la lecture des premiers chapitres, il l'a ensuite dévoré dès lors qu'il avait percé l'articulation de la narration.
Klaudia est la fille unique d'un couple déjà âgé, vivant à Londres. Elle passe son enfance sans aller à l'école et c'est sa mère qui assure son éducation et son instruction. On peut aisément comprendre l'inquiétude de la jeune fille qui entre directement au collège. Elle n'y connait personne, hormis le concierge de l'établissement qui se trouve être ... son père.
L'homme s'exprime avec un accent allemand très prononcé qui la dérange. Klaudia espère garder cette filiation secrète. La vérité éclate pourtant au grand jour : elle est la fille de cet allemand. Phénomène aggravant (rumeur ou réalité ?) l'homme est soupçonné d'avoir été nazi.
Le récit se situe en 1986, à une époque où les plaies de l'histoire sont encore très vives. Soumise au rejet de ses camarades Klaudia Meyer va s'échapper, comme l'a sans doute fait son père avant elle.
Elle s'invente une nouvelle identité, sous le nom d'Eliza Bennet, en prenant le pseudonyme d'un personnage de Jane Austen dans Orgueil et préjugés. Cette fuite est l'occasion pour la jeune femme d'arrêter ses études et de pouvoir se consacrer à sa passion pour la danse sans avoir à rendre des comptes à ses parents.
Une femme, deux vies, c'est bien ainsi que l'éditeur annonce la problématique. Ce roman très captivant explore en quoi les fautes des parents rejaillissent sur les enfants, en posant la question de savoir si l'on peut réellement infléchir sa destinée. Il suffit d'un remords de conscience ou de circonstances fortuites pour que la vérité ne réapparaissent.
La structure de la narration et la construction de l'intrigue relève du jubilatoire. Saskia Sarginson utilise évidemment la technique du flash-back pour construire le suspense. Elle met tour à tour chacun des protagonistes en lumière avant de donner au lecteur la clé qui permet de comprendre le lien qui les unit. Et surtout elle s'est si bien documentée sur le contexte des jeunesses hitlériennes qu'elle parvient admirablement à restituer l'atmosphère particulière qui agita ces tragiques années en Allemagne.
Les chapitres sont courts, selon la technique du "page-turning" dans laquelle les anglo-saxons excellent. Annie recommande vivement ce roman qu'elle a elle aussi apprécié. Véritablement fan de Saskia Sarginson, elle a déjà entrepris de se plonger dans ses précédents romans, Sans toi, publié en 2014 et surtout Jumelles, édité l'année précédente, et dont on peut supposer qu'il est construit selon un principe semblable.
Je la remercie pour ses notes de lecture.
L'autre moi-même de Saskia Sarginson aux éditions Marabooks, en librairie depuis le 9 juin 2015
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