Voilà un premier roman magnifique sur l'adieu à l'enfance au travers d'une très captivante quête de la vérité. Il est rare de trouver un thriller psychologique qui soit aussi extrêmement poétique.
La rivière Crooked emporte une femme qui flotte entre deux eaux. Sur la rive, deux fillettes jouent dans l’après-midi ensoleillé. Elles sont les premières à découvrir le corps et, soudain, leurs jeux cessent. Leur enfance est désarçonnée par la dureté du monde des adultes. La veille, leur père les a laissées seules suffisamment longtemps pour qu’elles puissent le croire coupable de meurtre. Pour ne pas le perdre, comme elles ont perdu leur mère quelques semaines auparavant, elles décident de mentir sur son emploi du temps… et resserrent bien malgré elles les mailles du soupçon autour de lui, le livrant en pâture à une petite ville dont les préjugés et les rancunes lui laissent peu de chances…
Le lecteur est tiraillé, au début du roman, entre les suppositions de Sam et les hallucinations d'Ollie. Après avoir subi le décès de leur mère, les deux soeurs doivent affronter l'accusation d'homicide de leur père et elles se rendent vite compte que la vérité n'est pas toujours salvatrice, mais que les mensonges (par omission) ne le sont pas davantage.
Celles de la rivière s'inscrit dans la veine de la littérature anglo-saxonne où la nature joue un rôle de premier plan. L'auteur a grandi dans l’Oregon où elle vit toujours. Elle a gardé de son enfance le goût de l’écriture et un rapport très proche à la nature qui transparaît dans son livre. La logique narrative intègre cette composante, de même que plusieurs éléments spirituels antagonistes, comme la religion et la croyance en des esprits surnaturels.
Valerie Geary réussit à nous captiver en faisant alterner les voix des deux soeurs. La grande, Samantha, quinze ans, cherche à résoudre l'énigme de manière rationnelle, même si elle commet de nombreuses erreurs par maladresse. Une fois qu'on est mort, on est mort, point. On ne revient pas de ce voyage-là (p. 74). Celle d'Ollivia, sa petite soeur de dix ans, est comme empêchée de parler, mais pas d'agir, à cause sans doute de ce truc terrible, le pire que la petite fille ait fait de toute sa vie (p. 46), que l'auteur nous cache en vraie maitre du suspense, même si on peut regretter que les cent premières pages soient moins intenses que les suivantes.
Alice au pays des merveilles s'impose entre elles et fournir des pistes qui s'entrecroisent au travers des extraits qui ponctuent le récit. Les adultes, censés arranger les choses, pas les rendre encore pire (p. 43) sont les maitres du jeu mais ils se révèlent bien entendu défaillants.
Valerie Geary fouille les sentiments d'attachement filial, et amoureux pour finalement conclure ( p. 366) que l'amour, c'est quelqu'un de pur et d'innocent qui croit à l'impossible.
Valerie Geary fouille les sentiments d'attachement filial, et amoureux pour finalement conclure ( p. 366) que l'amour, c'est quelqu'un de pur et d'innocent qui croit à l'impossible.
On lit de très belles pages sur la prairie où s'est installé leur père, surnommé Ours, sans doute en raison de son tempérament mais aussi parce qu'il y est apiculteur. La version optimiste du livre aurait pu s'intituler l'Homme qui murmurait aux abeilles.
Finalement laquelle des deux filles trouvera la piste qui libérera leur père ? Est-ce en suivant une abeille ou un fantôme ? L'univers retrouvera-t-il un semblant d'équilibre ? Sera-t-il possible de rétablir les choses ?
Celles de la rivière de Valerie Geary aux éditions Mosaïc, en librairie depuis le le 4 novembre 2015
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