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jeudi 26 janvier 2023

Dessous les roses d'Olivier Adam

Voilà un livre qui figurait sur ma liste depuis la rentrée. Il se trouve que je l’ai lu juste après le roman d’Anthony Passeron avec lequel je trouve des points communs, à propos des rapports entre parents et enfants lorsque les premiers veulent à toute fin que leur progéniture ait une vie meilleure que la leur.

Dessous les roses est un titre énigmatique, même si je suis tentée d’y voir une allusion à l’expression « envoyer sur les roses », en réaction sans doute à la manière qu’a le personnage principal de railler sans cesse son petit frère et de parler de son père.

L’explication est à trouver dans le choix de la chanson de Barbara accompagnant les funérailles du père, Nantes, et de ses les paroles : Je l’ai couché dessous les roses / Mon père, mon père

Olivier Adam a composé la radioscopie d’une famille française en optant pour un cadre inspiré du théâtre, divisant l’action en trois actes de quatre scènes pour les premiers, ne comportant qu’une scène pour le troisième, chacune donnant le point de vue d’un des frères et sœurs. Ce procédé permet de justifier une abondance de dialogues même s’ils ne sont pas présentés comme ils le seraient dans une véritable pièce.

Il est légitimé par le métier du fils ainé, Paul, qui est metteur en scène et cinéaste et par le reproche principal qui lui est fait d’avoir recours à une forme d’autobiographie (réelle ou fictive, voire mensongère) pour servir de trame à ses oeuvres. S’il est le seul capable de pousser la porte du jardin sans la faire crisser et de monter l’escalier sans faire couiner le bois des marches, par contre chacune de ses paroles et chacun de ses films provoquent des grincements au sein de la famille.

Il avance de pauvres arguments que l’on a déjà entendus dans des interviews d’artistes : Les journalistes confondent tout. Ils me confondent avec mes personnages (p. 34). La même défense revient régulièrement à propos de cette obsession de vouloir vous reconnaitre dedans (mes films) alors que ce sont des personnages que je bâtis avec des tas d'éléments empruntés ici ou là (p. 66).

Sa sœur Claire pointe un motif qui lui aussi n’est pas nouveau : Pour faire partie d'une bourgeoisie intellectuelle dont tu ne maitrisais pas les codes, et où tu trimballais tes complexes et tes problèmes tu te fais passer pour un gosse de banlieue à l'enfance difficile, chez des parent incultes, racistes et homophobes. Bullshit !

A sa manière, Olivier Adam interroge la question de la place et de la légitimité à être ce qu’on est, non seulement dans la société mais aussi au sein de sa famille. Face à Paul le rebelle, s’agite Antoine, le  «petit» frère et Claire la grande sœur tente de comprendre, sachant que la mère prend elle aussi la parole mais sans entrer dans le conflit, à l’inverse des enfants dont on saisit qu’ils ont des comptes à régler.

C’est que, comme le dit Claire avec sagesse, aucun de nous n'avait été élevé de la même manière en définitive. Aucun de nous n'a connu la même enfance (p. 52).

Plusieurs séquences sont très représentatives de ce qu’on peut connaître dans sa propre famille tant il est vrai que c’est bien le lieu où les rapports de force sont les plus récurrents. On sait bien que le décès d’un parent réactive une kyrielle de souvenirs enfouis et leur potentiel explosif. En cela ce roman n’apporte aucune surprise, y compris à travers des personnages secondaires comme celui du prêtre qui prononcera un hommage du défunt en parfait décalage avec ce que fut sa vie.

Le partage de plomb d’Antoine semble légitime, alors qu’il intervient sans que Paul y soit pour quelque chose. Quant au bon exemple qu’Antoine et Claire semblent vouloir donner, il vole en éclats tandis qu’on comprend qu’ils ne sont pas parvenus à construire une vie de famille heureuse et qu’eux aussi vient sur des mensonges.

Bref, il y a beaucoup à creuser dessous les roses et l’auteur le fait très bien, selon son habitude. Je retiendrai les paroles de la chanson d’Orelsan, citée p. 161 : tes défauts sont devenus ta personnalité, même si l’idée n’est pas neuve. Jean Cocteau l’avait dit bien avant lui : Ce qu’on te reproche, cultive-le. C’est toi.

Dessous les roses d'Olivier Adam, Flammarion, en librairie depuis le 24 août 2022

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