Le Musée d'Art moderne de la Ville de Paris consacre une exposition exceptionnelle à Andy Warhol (1928-1987) à l’occasion de la première présentation en Europe des Shadows (1978-79) dans leur totalité.
Avec plus de 200 œuvres, elle met en valeur la capacité de cet artiste à repenser les principes d'une exposition et la dimension sérielle de son œuvre de Warhol, qui est un aspect incontournable de son travail.
C'est parce que le musée dispose d'une salle immense et d'un seul tenant que les Shadows ont pu être accueillies.
Il aurait été difficile de montrer cette oeuvre abstraite, et si spécifique sans mettre en quelque sorte le visiteur en condition. Une contextualisation a été imaginée en première partie qui est devenue une expo en soi et qui pose ces trois questions qui sont permanentes chez Warhol : la répétition (ou de la sérialité), l'extension du temps et de l'espace, et la conception qu'avait Warhol de ses propres accrochages.
Un self-portrait est la première oeuvre à laquelle le visiteur est confronté. La photo rend compte de la taille, très grande. Mais on peut voir plus loin à peu après le "même", répété 9 fois, composant une toile de 171, 7 cm de coté. Nous sommes en 1966 et l'artiste utilise une méthode qui va devenir sa marque de fabrique.
C'est avec Jackie Kennedy qu'il a commencé à décliner ses sérigraphies suivant une grille qui repose sur une harmonie combinatoire des multiples de 3, jouant des contrastes entre couleurs primaires et secondaires. Cette série des Jackies a été faite en 1964 à partir de coupures de presse publiées après l'assassinat du président à Dallas en novembre 1963.
Devenu célèbre grâce à ses portraits de star établis ou en devenir, Warhol a entretenu sa renommée en devenant le sujet même de ses peintures.
Le musée présente aussi la série des Campbell's Soup (1969). Il faut savoir que Warhol a commencé comme dessinateur publicitaire et qu'il consommait régulièrement ces soupes. Il les expose pour la première fois en 1962, sur une tablette, le long d'un mur, à la manière d'un rayon de supermarché. Chacune est différente, correspondant à un parfum existant dans la réalité. Il les dupliquera en sérigraphie ultérieurement.
Cow, 1966, encre sérigraphique sur papier peint
Warhol s'était saisi du motif de la vache pour recouvrir les murs d'une galerie. Il ira jusqu'à habiller la façade du Moderna Museet de Stockholm avec ce même papier peint. Le choix des commissaires de l'exposition de rééditer la performance sur le portail du musée n'a donc rien de surprenant.
Pour réaliser Flowers, (série de 1964-1965), qui est une encre sérigraphique sur bâche, l'artiste était parti d'une image de fleur, trouvée dans un magazine pour expliquer la photographie couleur, qu'il avait simplifiée et contrastée avant de la répéter sur différents formats et de la présenter en nuances de gris. On observe à la fois des oeuvres uniques, mais qui se répètent, existant à la fois seules et en totalité.
Et comme les toiles occupent un espace très important l'effet est assez saisissant.
Mao, 1973, est une peinture acrylique et encre sérigraphique sur toile de plus d'un mètre de coté.
L'artiste avait décider de s'attaquer à l'un des personnages les plus puissants des années 70, dont il disait avec humour qu'il dira avec humour qu'il était "à la mode" puisqu'il figurait sur toutes les façades officielles de Chine alors qu'on aurait pu y voir un geste politique (Mao était alors l'ennemi des Etats-Unis).
On a pu dire de lui qu'il était atteint de maonotonie. Celui qui figure ci-dessus a été peint l'année précédente.
Les Silver Clouds, 1966, ballons en plastique argentés gonflés en partie à l'hélium qui flottent dans l'espace et que l'on peut toucher pour interagir avec eux. C'est une manière de faire de la sculpture en mouvement, en prenant le contrepied de ce qu'elle est logiquement, quelque chose de solide, figé et définitif. Ici c'est flottant, et éphémère (parce que cela se dégonfle rapidement).
Arpenter la salle dédiée aux Shadows ( 1978-79) est une expérience insolite qui magnifie le génie de coloriste d'Andy Warhol.
Chaque toile mesure 195 sur 132 cm et il y en a 102, de 17 couleurs différentes et sur lesquelles sont sérigraphiées deux images abstraites, soit en positif, soit en négatif, accrochées bord à bord, si bien que l'ensemble entoure l'espace qui devient en quelque sorte illimité, en tout cas pour l'oeil humain.
C'est le pire ou le meilleur de cet artiste qui repousse encore les limites de l'art.
Conservée à la Dia Art Foundation, les Shadows se déploient sur une longueur de plus de 130 mètres. A la question de savoir si elles étaient de l’art, Warhol répondait par al négative " ... on passait de la disco durant le vernissage, je suppose que ça en fait un décor disco".
Aussi encensé que critiqué, l'artiste possède toujours la capacité de bouleverser les attentes du visiteur et cela malgré la surmédiatisation à laquelle il a pratiquement toujours été exposé. Au-delà de son image superficielle de "roi du Pop Art", Warhol n’a eu de cesse de réinventer le rapport du spectateur à l’oeuvre d'art. Débordant sans cesse des cadres qu’on lui assigne, Andy Warhol s’impose comme l’artiste de la démesure. Quelles que soient les formes explorées, son rapport à l’oeuvre tend vers l’abolition des limites.
Je vous invite, en parallèle à l'exposition, à lire la biographie que Brigitte Kernel avait écrite et qui éclaire son parcours.
Je vous invite, en parallèle à l'exposition, à lire la biographie que Brigitte Kernel avait écrite et qui éclaire son parcours.
Ce n'est pas le seul artiste bien entendu. Ainsi Niele Toroni, né à Muralto en 1937, et qui est un artiste contemporain suisse appartenant au mouvement minimaliste a lui aussi réimaginé le rapport à la toile. Il a élaboré ce qu'il appelle sa méthode de travail en apposant tous les 30 cm des touches de peinture avec un pinceau n°50, et cela quel que soit le support, papier, kraft, toile ...
On peut voir ses toiles, immenses elles aussi, parmi les collections permanentes du Musée. Je vous encourage d'ailleurs à visiter celles-ci parce qu'il y a de vrais trésors réalisés par les plus grands artistes contemporains, comme par exemple ce tableau de Pierre Bonnard, loin des foules dérangeantes qui se bousculaient il y a quelques mois au Musée d'Orsay. Ne vous en privez pas : l'entrée est gratuite pour les collections permanentes.
Situé dans le palais de Tokyo construit pour l’exposition internationale de 1937, le musée a été inauguré en 1961. Ses collections permanentes sont riches de plus de 9 000 oeuvres qui illustrent les grands courants de l’art du XXe siècle : Fauvisme, Cubisme, École de Paris, Abstractions, Nouveau Réalisme, Figuration Narrative, art conceptuel…
Enfin une autre exposition temporaire, CO-WORKERS, sous titrée Le réseau comme artiste est présentée jusqu'au 31 janvier 2016. Je lui consacrerai bientôt un billet spécial.
WARHOL Unlimited
Du 2 octobre 2015 au 07 février 2016
Musée d'Art moderne de la Ville de Paris
11, av. du Président Wilson, 75116 Paris
01 53 67 40 00
Du mardi au dimanche de 10h à 18h (fermeture des caisses à 17h15).
Fermé les lundis et jours fériés.
Nocturne : Jeudi jusqu'à 22h pour les expositions temporaires (fermeture des caisses à 21h15).
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