Un voile masque le décor de la Nuit des rois, symbolisant la houle dans laquelle un navire fera naufrage. Nous comprendrons bientôt que deux jumeaux, Viola et Sebastien s’échouent séparément sur les rivages de l’Illyrie. Chacun d’eux pensera l’autre noyé, ce qui ouvrira des quiproquos comme Shakespeare excelle à les imaginer. Car pour lui le langage est trompeur.
L'instant d'après apparait un genre de grand dortoir pris dans un rayon de lune qui s’anime dans la nuit, comme dans un rêve, peuplé d’êtres mélancoliques et drôles... Notre Illyrie, je la situe au bout de la ligne du transsibérien... dans une demeure hors d’âge, comme prise dans la glace. Des lits séparés par des paravents, un piano désaccordé...
La description que le metteur en scène, Clément Poirée, fait de la scénographie est tout à fait juste. Elle fonctionne comme une mécanique bien huilée, offrant tour à tour des espaces différents. Il me dira s'être inspiré de l'univers du photographe Klavdij Sluban dont il avait vu le cliché d'un dortoir en Sibérie.
Il se trouve que j'ai rencontré ce photographe et que j'avais eu pendant le spectacle le sentiment d'une proximité avec Clément Poirée. Klavdij Sluban a été lauréat du Prix de la photographie en octobre dernier.
Un air de guitare se fait entendre. Le comte Orsino trompe son chagrin : Si l’amour se nourrit de musique, jouez donc, Donnez-m’en à l’excès, pour qu’ainsi rassasié mon appétit s’écœure, étouffe et enfin meure.
Nous sommes au coeur de l’hiver, précisément la douzième nuit après Noël. L'humanité est en sommeil. Le pays est gouverné par le comte Orsino, passionnément amoureux de la comtesse Olivia. Mais cette jeune beauté a décidé de s’astreindre à un deuil de sept ans pour pleurer son frère mort, et repousse tous ses courtisans. Orsino devra se contenter de lui .
Viola se travestit en homme pour mieux approcher Orsino dont elle est tombée amoureuse. Il la choisit pour plaider sa cause auprès d'Olivia, laquelle succombe sous le charme de la jeune femme qui se fait appeler Cesario. Le désordre va bientôt être à son comble : Lui, tourmenté, romantique, elle, entremetteuse et amoureuse ... c'est sans issue.
Ne croyez pas qu'on nage en tragédie. Seuls les personnages se débattent de rebondissement en rebondissement. La pièce est indubitablement une comédie, avec des dialogues qui s'entendent à plusieurs niveaux de langage, frôlant parfois (à peine) la grivoiserie, et on rit beaucoup.
La traduction qui est en fait une adaptation est très savoureuse. Les mots sont comme des vestes pour les cerveaux habiles qui peuvent les retourner (...) Les mains sont aux fous ce que les harengs sont aux sardines. De fait les jeux de mots se multiplient. Les situations sont extrêmement drôles. On devine le jeu de 1, 2, 3 soleil. Et le fou (Bruno Blairet) n'est pas si fou.
La musique a une importance capitale. Qu'elle soit classique ou la reprise de grands standards comme Ti amo de Umberto Tozzi.
La folie s'emballe. Les lits s'organisent en labyrinthe, métaphore de l'entrelac des malentendus et des entourloupes dont le spectateur est, au fil de la pièce, le témoin amusé, sachant qu'au bout l'attend la réconciliation et donc à la joie. Rarement Shakespeare n'aura été aussi drôle tout en interrogeant sur l'amour et la folie. Jusqu'à la chanson finale du fou sous la pluie ... littéralement parlant.
Le double est une question théâtrale et Clément Poirée a eu la bonne idée de prendre la même comédienne (Morgane Nairaud) pour interpréter les deux rôles de Viola et de Sébastien, exprimant par là le déchirement des parts féminine et masculine qui sont en chacun de nous. Quant à la soubrette, Maria (Camille Bernon) elle est tout bonnement formidable face à la Comtesse (Claire Sermonne). Il y a une forte homogénéité dans la distribution. Tous les comédiens, sans exception mériteraient d'être cités. Ils ont pour la plupart déjà travaillé avec le metteur en scène qui, lui-même est un fidèle de Philippe Adrien, le directeur de la Tempête avec qui il a collaboré sur plusieurs créations, dont l'excellent Bizarre Incident du chien pendant la nuit à l'automne.
La pièce sera jouée un mois. Allez-y. Impossible de regretter la soirée.
La Nuit des Rois de William ShakespeareL'instant d'après apparait un genre de grand dortoir pris dans un rayon de lune qui s’anime dans la nuit, comme dans un rêve, peuplé d’êtres mélancoliques et drôles... Notre Illyrie, je la situe au bout de la ligne du transsibérien... dans une demeure hors d’âge, comme prise dans la glace. Des lits séparés par des paravents, un piano désaccordé...
La description que le metteur en scène, Clément Poirée, fait de la scénographie est tout à fait juste. Elle fonctionne comme une mécanique bien huilée, offrant tour à tour des espaces différents. Il me dira s'être inspiré de l'univers du photographe Klavdij Sluban dont il avait vu le cliché d'un dortoir en Sibérie.
Il se trouve que j'ai rencontré ce photographe et que j'avais eu pendant le spectacle le sentiment d'une proximité avec Clément Poirée. Klavdij Sluban a été lauréat du Prix de la photographie en octobre dernier.
Un air de guitare se fait entendre. Le comte Orsino trompe son chagrin : Si l’amour se nourrit de musique, jouez donc, Donnez-m’en à l’excès, pour qu’ainsi rassasié mon appétit s’écœure, étouffe et enfin meure.
Nous sommes au coeur de l’hiver, précisément la douzième nuit après Noël. L'humanité est en sommeil. Le pays est gouverné par le comte Orsino, passionnément amoureux de la comtesse Olivia. Mais cette jeune beauté a décidé de s’astreindre à un deuil de sept ans pour pleurer son frère mort, et repousse tous ses courtisans. Orsino devra se contenter de lui .
Viola se travestit en homme pour mieux approcher Orsino dont elle est tombée amoureuse. Il la choisit pour plaider sa cause auprès d'Olivia, laquelle succombe sous le charme de la jeune femme qui se fait appeler Cesario. Le désordre va bientôt être à son comble : Lui, tourmenté, romantique, elle, entremetteuse et amoureuse ... c'est sans issue.
Ne croyez pas qu'on nage en tragédie. Seuls les personnages se débattent de rebondissement en rebondissement. La pièce est indubitablement une comédie, avec des dialogues qui s'entendent à plusieurs niveaux de langage, frôlant parfois (à peine) la grivoiserie, et on rit beaucoup.
La traduction qui est en fait une adaptation est très savoureuse. Les mots sont comme des vestes pour les cerveaux habiles qui peuvent les retourner (...) Les mains sont aux fous ce que les harengs sont aux sardines. De fait les jeux de mots se multiplient. Les situations sont extrêmement drôles. On devine le jeu de 1, 2, 3 soleil. Et le fou (Bruno Blairet) n'est pas si fou.
La musique a une importance capitale. Qu'elle soit classique ou la reprise de grands standards comme Ti amo de Umberto Tozzi.
La folie s'emballe. Les lits s'organisent en labyrinthe, métaphore de l'entrelac des malentendus et des entourloupes dont le spectateur est, au fil de la pièce, le témoin amusé, sachant qu'au bout l'attend la réconciliation et donc à la joie. Rarement Shakespeare n'aura été aussi drôle tout en interrogeant sur l'amour et la folie. Jusqu'à la chanson finale du fou sous la pluie ... littéralement parlant.
Le double est une question théâtrale et Clément Poirée a eu la bonne idée de prendre la même comédienne (Morgane Nairaud) pour interpréter les deux rôles de Viola et de Sébastien, exprimant par là le déchirement des parts féminine et masculine qui sont en chacun de nous. Quant à la soubrette, Maria (Camille Bernon) elle est tout bonnement formidable face à la Comtesse (Claire Sermonne). Il y a une forte homogénéité dans la distribution. Tous les comédiens, sans exception mériteraient d'être cités. Ils ont pour la plupart déjà travaillé avec le metteur en scène qui, lui-même est un fidèle de Philippe Adrien, le directeur de la Tempête avec qui il a collaboré sur plusieurs créations, dont l'excellent Bizarre Incident du chien pendant la nuit à l'automne.
La pièce sera jouée un mois. Allez-y. Impossible de regretter la soirée.
Adaptation Jude Lucas
Mise en scène Clément Poirée
Avec Moustafa Benaïbout (Sir Andrew), Camille Bernon (Maria), Bruno Blairet ( Feste Le Fou / Le Capitaine), Julien Campani (Fabien / Antonio / Curio), Eddie Chignara (Sir Toby), Matthieu Marie (Orsino Le Comte), Laurent Menoret (Malvolio), Morgane Nairaud (Viola /Césario /Sébastien), Claire Sermonne (Olivia La Comtesse)
Scénographie Erwan CreffSpectacle créé au Théâtre des Quartiers d’Ivry CDN du Val-de-Marne, en janvier 2015.
Au Théâtre de la Tempête.
du 14 janvier au 14 février 2016
du mardi au samedi 20 h dimanche 16 h
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de © Nolwenn Brod
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