Beaucoup sont venus pour entendre Raphaël Enthoven, en particulier les élèves de son cours de philosophie. Mais tous repartiront avec l'envie de lire ou relire Albert Camus.
Je songe à ce Concours des P'tits lecteurs dont j'étais juré à Bobigny il y a un mois à peine et je me demande quelle note j'aurais mise à cette prestation. On ne peut faire aucune reproche à Raphaël Enthoven si ce n'est de n'être pas comédien et du coup de donner une version plutôt neutre du texte.
A nous alors de forger notre "interprétation". En tout cas il a le mérite de nous le faire entendre parfaitement. Je ne savais pas Camus si bucolique. Ce recueil de nouvelles est un modèle de célébration de tous les sens, la vue, l'odorat, le goût. Les références florales sont très justes pour qui connaît la flore méditerranéenne.
On glane des phrases qui pourraient à elles seules faire l'objet d'une dissertation : Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est / Le contraire d'un peuple civilisé c'est un peuple de créateurs / Vivre c'est ne pas se résigner / Le bonheur résulte de l’accord entre un être et l'existence qu'il mène.
On devrait aussi retenir des leçons subliminales. Sans employer ce mot de méditation, aujourd’hui tant à la mode, Camus nous enjoint à apprendre à respirer pour nous rendre davantage présent au monde. Car l'âpre leçon des étés d'Algérie nous enseigne aussi la mort.
Tout de noir vêtu, souvent debout, rarement assis, le philosophe lit, corne une page de temps en temps et parfois nous sert le texte par cœur, avec alors un rythme presque enflammé.
Ne crions pas au génie. Soyons prudents. Camus le disait : toutes mes idoles ont des pieds d'argile.
Après une lecture plutôt sobre, le professeur nous donne sa propre parole et analyse un morceau, jamais le même. Là il devient très bon en nous expliquant comment Noces exprime la réconciliation du bonheur et du plaisir que la tradition philosophique a tendance traditionnellement à opposer.
Ce poème en prose n'est pas que beau, et hors de lui pas de salut. A certaines heures la campagne est noire de soleil écrit Camus à la cinquième ligne. Est-ce le noir de la mélancolie, une allusion physique à une éclipse de l'astre, ou le résultat d'un plissement d'yeux ? L'hypothèse la plus recevable serait homérique. Le soleil est inséparable de l'ombre. Pour preuve les peintres rendent la notion de soleil en ajoutant des ombres.
On lit ce texte preque pieusement et on y découvre toujours quelque chose de plus. Camus a vingt ans et il écrit : marquez l'éternité dans l'instant !
Alors Enthoven se permet d'ironiser. Quand on me demande si on n’est pas trop jeune à l'école pour faire de la philo ... je réponds que c'est très compliqué de faire entendre Camus en Terminale. En maternelle oui, auprès d'adultes autant, mais en Terminale sans doute pas.
On a acquis la force de vivre avant celle de penser. Les cons ! Il n'y a aucune récompense à vivre ainsi. L'orateur est impitoyable et s'échauffe. Consentir, parce qu’on est mortel, à regarder la vérité, c'est-à-dire la mort, en face. La vie ne s'arrête pas à "sa" vie !
Je songe à ce Concours des P'tits lecteurs dont j'étais juré à Bobigny il y a un mois à peine et je me demande quelle note j'aurais mise à cette prestation. On ne peut faire aucune reproche à Raphaël Enthoven si ce n'est de n'être pas comédien et du coup de donner une version plutôt neutre du texte.
A nous alors de forger notre "interprétation". En tout cas il a le mérite de nous le faire entendre parfaitement. Je ne savais pas Camus si bucolique. Ce recueil de nouvelles est un modèle de célébration de tous les sens, la vue, l'odorat, le goût. Les références florales sont très justes pour qui connaît la flore méditerranéenne.
Noces est un recueil d'essais, à caractère autobiographique d'Albert Camus, comportant quatre textes écrits en 1936 et 1937, sous le titre Noces, suivi de l'Été. Le plus connu des quatre textes est Noces à Tipasa qui exalte la nature sous le soleil et la mer, dont sont souvent extraites les citations de l'auteur, relatives à cette époque.
On glane des phrases qui pourraient à elles seules faire l'objet d'une dissertation : Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est / Le contraire d'un peuple civilisé c'est un peuple de créateurs / Vivre c'est ne pas se résigner / Le bonheur résulte de l’accord entre un être et l'existence qu'il mène.
On devrait aussi retenir des leçons subliminales. Sans employer ce mot de méditation, aujourd’hui tant à la mode, Camus nous enjoint à apprendre à respirer pour nous rendre davantage présent au monde. Car l'âpre leçon des étés d'Algérie nous enseigne aussi la mort.
Tout de noir vêtu, souvent debout, rarement assis, le philosophe lit, corne une page de temps en temps et parfois nous sert le texte par cœur, avec alors un rythme presque enflammé.
Ne crions pas au génie. Soyons prudents. Camus le disait : toutes mes idoles ont des pieds d'argile.
Après une lecture plutôt sobre, le professeur nous donne sa propre parole et analyse un morceau, jamais le même. Là il devient très bon en nous expliquant comment Noces exprime la réconciliation du bonheur et du plaisir que la tradition philosophique a tendance traditionnellement à opposer.
Ce poème en prose n'est pas que beau, et hors de lui pas de salut. A certaines heures la campagne est noire de soleil écrit Camus à la cinquième ligne. Est-ce le noir de la mélancolie, une allusion physique à une éclipse de l'astre, ou le résultat d'un plissement d'yeux ? L'hypothèse la plus recevable serait homérique. Le soleil est inséparable de l'ombre. Pour preuve les peintres rendent la notion de soleil en ajoutant des ombres.
On lit ce texte preque pieusement et on y découvre toujours quelque chose de plus. Camus a vingt ans et il écrit : marquez l'éternité dans l'instant !
Alors Enthoven se permet d'ironiser. Quand on me demande si on n’est pas trop jeune à l'école pour faire de la philo ... je réponds que c'est très compliqué de faire entendre Camus en Terminale. En maternelle oui, auprès d'adultes autant, mais en Terminale sans doute pas.
On a acquis la force de vivre avant celle de penser. Les cons ! Il n'y a aucune récompense à vivre ainsi. L'orateur est impitoyable et s'échauffe. Consentir, parce qu’on est mortel, à regarder la vérité, c'est-à-dire la mort, en face. La vie ne s'arrête pas à "sa" vie !
Un troisième temps s'écoule dehors dans l'impasse qui borde le théâtre. Les spectateurs forment un demi-cercle spontané autour d'Enthoven, décontracté, le verre à la main, le livre dans l'autre, et qui est toujours le prof philosophe mais il n'est plus en représentation et on pourrait l'écouter, dialoguer, avec lui pendant des heures.
La conversation est de haute volée. Il compare Camus, Sartre et Raymond Aron. Les enseignants présents relancent la conversation. Les étudiants boivent les paroles. Il ponctue la démonstration de petites phrases qui font relativiser tout ce qu'on a entendu : Tout ce que sais, disait Camus, je l'ai appris sur un terrain de football.
Il cherche un stylo pour une dédicace improvisée avant de s'éloigner avec, dans sa poche, son vieil exemplaire des Noces, jauni, annoté, corné.
Du 17 mai au 28 juin 2017
Lundi, mardi et mercredi - 18h30
Relâches exceptionnelles les 22 / 23 / 29 mai et 05 / 07 / 12 / 13 / 19 / 20 juin
Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse
75006 Paris - 01 45 44 50 21
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