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samedi 6 mai 2017

Dalida telle que nous la montre Lisa Azuelos

Le film commence à Orly Sud, le 26 février 1967 sans respecter la chronologie. Dalida alors déjà célèbre chante en off Un po d'amore. Ecoutons attentivement les paroles de ce tube :  Una preghiera / non va mai perduta / vola leggera / più in alto dal cielo. Une prière ne doit jamais être perdue, elle vole légère plus haut dans le ciel.

Elle s'appelle encore Yolanda Gigliotti, comme on le constate quand elle signe la fiche à la réception avant d'avoir la clé de la chambre. Il fallait encore décliner son identité à l'époque dans les hôtels.

On la découvre ainsi en équilibre précaire entre la vie et la mort dès les premières images.

Le contraste est réussi par la réalisatrice Lisa Azuelos : on dirait des images d'archives, surtout en raison des teintes qui ont été choisies et de la ressemblance avec l'actrice. Mais pourtant le rythme et le montage sont bien actuels.

Née en 1933, Dalida est issue d'une famille italienne installée en Egypte. Elue Miss Egypte en 1954, elle tourne dans quelques films et s'exile en France. Son ascension est fulgurante avec un premier Olympia en 1956. En 1961, elle épouse Lucien Morisse, qui est le patron de la jeune radio Europe n°1. Elle finit par le quitter et poursuit sa carrière triomphale, grâce notamment à son frère Orlando. Elle devient la reine du disco et connaît un succès mondial avec "Gigo l'amoros" en 1974. Mais derrière le strass et les paillettes se cache une femme malheureuse, à la vie sentimentale chaotique (presque tous les hommes de sa vie auront une fin tragique) et en mal d'enfant...

Très vite le spectateur découvre les clés qui expliqueront le geste final de la chanteuse, quand la tentative de suicide devient dramatiquement "réussie". La frustration de ne pas avoir d'enfant aura été la plus déterminante. Quant à ses difficultés à nouer une relation amoureuse durable, l'origine s'ancre probablement dans une enfance qui nous est résumée autour d'un harcèlement scolaire parce que elle portait des lunettes et de la brutalité paternelle. Le père de Dalida, italien dans une Egypte à domination anglaise, passe la guerre dans un camp de prisonniers dans le désert dont il reviendra malade et violent.

Sveva Alviti incarne parfaitement la chanteuse. Quatre heures de maquillage, l'ajout d'une perruque, d'une prothèse sur le nez et de fausses dents la rendent crédible, même si elle n'a pas la corpulence de Dalida. Il faut saluer la performance de cette jeune femme qui a dû apprendre le français en quelques mois. Joueuse de tennis professionnelle jusqu'à ses 17 ans, elle a remporté le concours italien d'Elite Model Look. Elle part alors vivre à New York où elle sera mannequin pendant neuf ans. Son rêve secret de devenir actrice s'est réalisé pour ses 32 ans.

Sa capacité à interpréter les play-back est bouleversante. Elle incarne surtout les fractures de la femme. Il n'est pas question de juger, ni de condamner. Dalida a sans nul doute fait de mauvais choix. Comme les premières images le laissent entendre avec subtilité, c'était un autre temps. La différence d'âge entre femme et homme n'était pas supportable quand la femme était plus âgée. L'avortement était encore prohibé et beaucoup d'autres femmes sont devenues stériles après un acte pratiqué avec sauvagerie.

Cette tragédie est d'ailleurs le sujet du livre que Catherine Locando, l'histoire d'un amour.

On est surpris (si on ne connaît pas sa vie) par le nombre de morts qui jalonnent son parcours. A cet égard le film est poignant, et on est tenté de comparer le parcours de la chanteuse à celui de Mike Brant.

La sortie en salle en janvier dernier n'a peut-être pas reçu le succès que ce film méritait. La version DVD lui offre une seconde chance. A signaler Riccardo Scamarcio (Orlando), Vincent Perez (Eddie Barclay), Jean-Paul Rouve (Lucien Morisse) et Patrick Timsit (Bruno Coquatrix) qui font revivre aussi de grandes figures des variétés françaises des années 60- 90.

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