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dimanche 21 avril 2019

Sans compter la neige de Brice Homs

Il n’y a pas de saison pour les souvenirs. Le livre de Brice Homs est sorti à la rentrée 2019. Tel un poisson, son personnage Russel Fontenot remonte le fleuve de ses souvenirs tout en suivant la route qui devrait le conduire de Washington à Charlottesville où sa compagne s'apprête à donner naissance à leur premier enfant..

Devenir père le bouleverse, et c'est bien normal quand on devine combien il n'est pas encore en paix avec ses origines. Le lecteur va progressivement comprendre que les choses ne sont pas ce qu’on croit. Les choses ne sont même pas ce qu’on en voit (p. 172). Le frenchie Boy semble avoir une espèce d’infirmité qui l’empêche de voir les choses comme elles sont (p. 71) et devra in extremis à un aveugle de lui ouvrir les yeux ... alors qu'il risque de se perdre dans la neige, après avoir brutalement bifurqué (p. 107) presque à son insu, sans avoir eu l’impression de prendre une décision ou quoi que ce soit, en laissant juste ses mains droites sur le volant et en continuant sur l’autre route.

Le trajet se déroulera entre trois heures trois de l'après-midi et dix heures dix du soir. Russel Fontenot aura le temps de se confronter, au fil des rencontres, à ses années universitaires, comme le ferait ce qu'on appelle un "roman de campus" (ou campus novel), un genre dont David Lodge fut l'initiateur.

C'est surtout un roman d'apprentissage ... à la naissance de l’amour, et surtout au mystère régnant autour de sa mère et donc de sa propre naissance. Il raconte, au fil de flash-backs, l'austérité du comportement de son père, celui qu’il désigne comme le vieux, un homme qui semble dur, partageant peu de choses avec avec lui, à tel point qu'il met en doute sa paternité (p. 44), gardant le silence sur sa mère même sous la menace de la lame d'un couteau (p. 76).

L'aridité de son éducation pousse le jeune homme vers son camarade de chambrée, Koz, un profil fascinant qui prend un faux air de Kerouac (p.46), qui jouera presque un rôle de frère (sachant que lui-même entretient un rapport particulier à la gémellité et à ses propres origines) et qui sera son mentor en lui transmettant son amour de la musique et fort heureusement pas sa passion pour les drogues.

Le rock'n roll s'entend constamment en fonds sonore et le roman est émaillé de références musicales. Sans surprise quand on sait que Brice Homs a été guitariste de nombreux groupes et artistes en France, en Angleterre et aux Etats-unis. Il a écrit des chansons sur plus d’une trentaine d’albums pour des chanteurs tels que Michel Fugain, Florent Pagny, Isabelle Boulay, Hélène Ségara, Hugues Aufray, Sylvie Vartan ... On peut malgré tout regretter que le livre ne se termine pas sur la play-lit des musiques qui sont citées alors que cette pratique se répand dans le monde littéraire.

Sans compter la neige est aussi un hymne au peuple cajun ... un peuple à part, errant, méprisé. des gens qui ont leur propre culture, leur propre langue et qui vivent dans leurs foutus bayous comme si le temps était passé partout sauf là-bas (p. 22). Russel dit n'être jamais allé dans le sud de la Louisiane et tout savoir des cajuns par la musique.
Brice Homs connait bien la Louisiane où il collabore depuis une dizaine d'années à l'organisation d'un festival international de Louisiane (sur 5 scènes accueillant plus de 300 000 spectateurs). De nombreux groupes francophones lui doivent de s'être produits pour la première fois aux USA. Tout ce qu'il écrit est donc en toute logique parfaitement juste à propos de cette culture cajun (p. 99), rendue populaire par la chanson Jambalaya qui est le grand classique de la country de Hank Williams. On ne sera pas surpris de découvrir (p. 132) une recette de gumbo de poulet, plat emblématique de la Nouvelle-Orléans que l'on doit à des cuisiniers français du XVII° siècle, ni de lire les savoureux exemples de conversation que les caissières lancent dans le Sud aux clients en commentant leur dégaine et leurs achats (p. 110).

On pourra -éventuellement- reprocher au personnage les excès de ses confidences. Mais l'auteur nous en a prévenus : chaque fois qu’ils se plantent, les gars de la météo font de la surenchère pour se rattraper de n’avoir rien vu venir (p. 51). On aura bien compris à la fin du roman combien il sera passé à coté de nombreux évènements que jusque là il n'a pas su décrypter.

Brice Homs est scénariste et script-doctor en France, aux États-Unis et au Canada. Il travaille principalement à l’adaptation de romans pour le cinéma et la télévision (avec David Foenkinos, Florian Zeller, Tristane Banon…). Son premier roman Blue (éditions Flammarion, 1993), avait reçu un accueil critique national élogieux et lui avait valu la nomination à trois prix du premier roman.

Il est (aussi, et n'en fait pas secret) le père d'une famille nombreuse de 5 enfants, ce qui n'est pas anecdotique pour traiter le sujet de la paternité.

Sans compter la neige de Brice Homs, Les Escales, en librairie depuis le 17 janvier.

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