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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

lundi 1 avril 2019

L'essentiel d'Omnivore 2019 ... en deux jours

On l'appelle officiellement L'Omnivore World Tour, car il est international mais les parisiens disent le festival Omnivore. Il a lieu chaque année au premier trimestre pour célébrer la cuisine contemporaine à la Maison de la Mutualité, construite en 1930, à côté de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, au 24 rue Saint-Victor dans le 5e arrondissement, dans un très pur style arts-déco.

Il existe depuis 14 ans mais je crois que j'y suis allée pour la première fois il y a 7 ans, en 2012. Ce fut cette année les 10-11 et 12 mars autour de 140 invités (chefs, artisans, paysans, vignerons, sommeliers) conviés à partager leur passion de la cuisine avec les festivaliers. Car c’est ça l'esprit Omnivore : échanger ses bonnes recettes et ses impressions avant et après les master-class, dans les couloirs et les ascenseurs puisque la manifestation investit 3 étages. et il serait impossible de rendre compte de tout ce que j'y ai fait mais je vais tenter de restituer l'essentiel. 

Forcément, d'année en année on attend beaucoup de ce festival. Des nouveautés, des partenaires motivés et motivants, des jeunes chefs sincères et enthousiastes et des grandes pointures aussi pour apporter un regard sur le long terme et assurer des démonstrations de leur savoir-faire. Ceux qui disent que c'est le Festival de Cannes de la gastronomie ont bien raison et j'avais très envie de consacrer une émission spéciale à cette manifestation pour Needradio. Ce n'est pas une journée que j'y ai passé mais deux, du matin au soir, et elle sera ré-écoutable en podcast à partir du lien que je donne à la fin de l'article.
La question du dressage est cruciale dans les émissions culinaires. On l'entend souvent, et à juste titre puisqu'il procure la première impression. Or la notion d'assiette plate/creuse n'a plus guère de sens. On préfère le terme d'écrin, en précisant un critère de taille. On détourne les usages codifiés jusqu'à récemment. On brouille les lignes. Ainsi on peut utiliser une assiette à dessert pour y déposer le pain, ou une tasse à café pour servir une sauce.
Guillaume Sanchez (chef de Neso, 6 rue Papillon, 75009 Paris) est peut-être celui qui fut le plus original (avec justesse). En posant un pinceau imprégné de sauce sur une coupelle de bois pour finir son fameux dessert à peindre ou en présentant deux bouchées de poulpe sur un os de seiche ... tout blanc, jolie manière de raconter la mer.
Des porcelainiers comme Pillivuyt, une société française vieille de 200 ans, l'ont bien compris et accepte le principe de "créer une page blanche pour laisser libre cours à l'imagination des chefs en se l'appropriant" comme me l'a confié Amaury Osmont Du Tillet, responsable Ile-de-France de la marque. Leur création en forme d'oignon est très inspirante. La gastronomie s'invite chez les particuliers et la décoration aussi, suivant les tendances de couleur comme le noir et le beige.

On peut ainsi avoir envie d'acquérir l'assiette pliée à angle droit que l'on peut voir dans Top Chef. Son fabricant n'a pas le droit de communiquer à ce propos mais je n'ai pas l'interdiction de vous révéler qui c'est puisque je l'ai reconnue. Et il faut beaucoup de savoir-faire pour oser se lancer dans des techniques complexes comme les tasses carrées, sachant que les arêtes ne sont pas réalisables en porcelaine.
Le porcelainier a imaginé aussi une série dans un esprit bistronomique reprenant les codes des monuments parisiens qui est très réussie. En tant que partenaire d'Omnivore, Pillivuyt équipe bien entendu les grandes scènes même si souvent les chefs arrivent avec leur propre vaisselle.

Grosso modo il y a deux types de choses à faire à Omnivore, rencontrer et discuter avec les producteurs ou les partenaires sur leur stand, et assister dans une salle plus ou moins grande à ce qu'on appelle une Scène, qui en fait est une sorte de master-class ou de démonstration, en général se terminant par une dégustation, puisqu'il s'agit tout de même de cuisine.

C'est un des grands plaisir d'Omnivore d'assister à des master-class dans ce grand auditorium au sous-sol de la Mutu, dans une salle immense et pourtant c'est très agréable d'y être dans la position intime d'une conversation entre amis, marquée par la convivialité et un certain humour témoignant que le meilleur régime alimentaire est ... bien entendu... omnivore.

Certaines démonstrations sont plus marquantes que d'autres. Je me souviens encore -il y a six ans déjà- de Pierre Sang, finaliste de Top Chef 2011 coupant des légumes à la mandoline tout en racontant sa manière de cuire un oeuf à 65° pendant une demi-heure, alors que des champignons de Paris rôtissaient dans une vieille cocotte comme le faisait sa grand-mère, avec des échalotes, et de l'ail compotée. On sentait presque l'odeur de noisettes rien qu'en l'écoutant évoquer ses plus anciens souvenirs de cuisine, engrangés depuis l'âge de 7 ans par cet auvergnat d'adoption.

Je me souviens aussi d'Adeline Grattard, chef du Yam'Tcha et de "sa" technique pour faire cuire une volaille en seulement 10 minutes, en la cuisant verticalement, de manière à ce que la graisse se loge dans la cuisse, qui est l'endroit le plus épais,  et y bouillonne pour accélérer la cuisson. Cette façon de faire, inspirée du canard laqué, dispense de retourner la viande sur le flanc. Il n'y a même pas à surveiller.

Je n'oublierai jamais Florent Ladeyn et son estaminet (une étoile quand même) où le partage est élevé au rang de vertu. Les plats sont déposés en centre de table. Le pain arrive avec une incision pour donner envie au client d'intervenir en le rompant.

Christophe Felder m'avait impressionnée avec un dessert présenté dans des verres à pied, composé de crème anglaise, sur laquelle il a déposé des suprêmes de pamplemousse rosé, ajouté des agrumes confits. Il a commencé ensuite une étonnante vinaigrette à base d'huile d'olive vanillée et de cassonade pour assaisonner un mesclun qu'il a délicatement ajouté dans les verres avec un peu de confiture de mandarine pour enlever le coté amer de la salade. Avec une belle cuillerée de sorbet pamplemousse pour terminer. C'était sublime.

J'ai aussi des souvenirs de Pierre Hermé reconnaissant qu'il ne reste pas campé sur ses positions. Lui qui n'appréciait pas le jasmin a changé d'avis sur les conseils d'un ami. Il insiste sur le fait qu'il faut du temps pour mémoriser les arômes et affiner ses choix, ce que disent tous les grands cuisiniers aussi. C'est Guy Martin qui me l'a appris : il faut gouter 15 fois avant de savoir si on aime ou non.

Je me souviens aussi de Gérard Vives sur la Scène artisan. Gérard est un spécialiste des épices. Il a créé le Comptoir des Poivres, épice roi selon ce fin gourmet qui est aussi cuisinier. Michel Rostang comme Alain Senderens figurent parmi ses clients fidèles. Il est tout de même utile de rappeler que, sauf si on pratique des cuissons à basse température il faut attendre le dernier moment pour poivrer. Qu'il est préférable de choisir une mouture plutôt grosse qu'ultra fine parce qu'il ne perdra alors pas sa puissance aromatique. 

Il avait amené un poivre long qui a séduit nos nez par sa fraicheur, son coté végétal, citronné, à peine mentholé, boisé et même cacaoté. Il apprécie les poivres chargés en essence et va les débusquer aux quatre coins de notre planète.

Gérard Vives recommande un poivre pour une recette, à l'instar d'Apicius. Ainsi le poivre long sera un allié précieux en pâtisserie. C'est le poivre blanc qu'il convient d'employer pour le "fameux" steack au poivre. Il nous a encouragé à mener nos propres expériences, par exemple en torréfiant des baies de Setchuan avant de les écraser et de comparer les notes aromatiques en faisant l'opération inverse.
Cette année la séparation sucré-salé a été supprimée et la Grande Scène fut alternativement l'une ou l'autre, ce qui a peut-être brouillé la lisibilité des master-class.

Six scènes avec 140 invités ... Le planning est forcément complexe et le choix hasardeux même si il faut rendre hommage aux organisateurs le planning a été respecté à la minute près, et nous n'avions jamais connu cela à Omnivore.
Malgré tout il était impossible de tout faire et je ne peux pas savoir si mes choix furent judicieux. J'ai essayé d'aller chaque jour sur chaque scène, la Grande Scène bien sûr, la Scène Artisan, la Scène Cocktail, la Scène Tasting, la Scène café by Lavazza (qui a permis de découvrir des associations insolites mets et café, et des cocktails étonnants) ... et de déguster de délicieux desserts.
Un sixième lieu de conférence, nouveau cette année, était vraiment particulier parce qu'il n'offrait ni à manger ni à boire. C'est la Scène Grand Angle qui donne tout à entendre sur ceux qui pensent et font la cuisine aujourd'hui.

J'ai assisté à une rencontre entre Guillaume Sanchez (28 ans seulement, pâtissier de formation, depuis un an à la tête de Neso), Christophe Saintagne (qui est passé par le Plaza, le Crillon, le Meurice, et depuis trois ans chef du restaurant Papillon), et Christophe Pelé (ancien de Bigarade, chef du Clarence).  On leur a demandé d'explorer les nouveaux codes et les nouvelles frontières de la haute cuisine. Ils ont été d'accord pour dire que la haute cuisine est nécessairement bonne, sincère et généreuse, et pouvant s'exprimer dans un plat aussi simple (d'apparence) que le sandwich, pourvu qu'il soit travaillé de manière intelligente avec des produits d'exception et de saison, en véhiculant un message.

Il ne suffit pas d'apprendre le métier dans des maisons d'exception qui ont reçu toutes les récompenses. Il faut savoir ensuite inscrire sa cuisine dans son époque, héritière d'une tradition mais en ayant aussi intégré les nouvelles pratiques. S'adapter est une nécessité incontournable.

Guillaume reconnait pratiquer une cuisine très personnelle (dont il a fait une démonstration éblouissante sur la Grande Scène en précisant que les dogmes sont faits pour être secoués et qu'il a tout redéfini en ce qui le concerne, lieu, équipe, propos), une cuisine très actuelle, qui parle de produits. Je préfère servir une excellente sardine plutôt qu'un turbot daubé. D'ailleurs il cuisine un délicieux bouillon de sardines rafraichi aux agrumes. Il estime que c'est aujourd'hui un acte patriote de faire de bons bouillons, de bons fumets ...

Il insistera sur la fin de la perte en cuisine et bien entendu sur l'emploi des produits de saison.

Ils n'ont pas tous le même point de vue sur le dressage. C'est rarement bon parce que c'est beau. C'est l'inverse. Alors qu'un autre chef aura le besoin viscéral de rendre ses assiettes esthétiques.

Par contre ils sont assez d'accord sur le fait qu'une étoile ne facilitera pas la création en raison des contraintes qu'elle impose. Et surtout ils vont être tous d'accord pour estimer que le sourcing est essentiel.

J'y ai suivi aussi une très intéressante interview de Jean-François Piège, disant que la vie c'est des opportunités, on les prend ou on les prend pas. La liberté c'est décider de ne pas faire, peut-être. Cet homme qui n'a jamais envoyé de CV de sa vie a déroulé son cursus et la philosophie de chacun de ses restaurants pour conclure que la cuisine est un terrain de jeu. L'important c'est ce que vit la personne qui vient s'asseoir.
Omnivore est un lieu où on retrouve avec plaisir des maisons que l'on connait déjà et dont on découvre les nouveautés. C'est aussi l'endroit où l'on fait connaissance avec des distributeurs inconnus de nous jusqu'à présent, ou mal connus, comme la Maison Medelys dont vous entendrez l'interview de son responsable des ventes, Yannick Thibault, dans l'émission ou Bleu Agave, qui importe et distribue du téquila, alors que quelques mètres plus loin se trouvait un spécialiste de mezcal.
J'ai appris que Marie Brizard fut la première femme liquoriste française. Parce qu'elle est une femme elle a dû s'associer avec un homme, et ce fut le mari d'une nièce, Jean-Baptiste Roger (1731-1795), pour fonder la société Marie Brizard et Roger en 1755 parce que à ce moment là les femmes de la bourgeoisie soit rentraient dans les ordres, soit oeuvraient dans des hospices. Elle avait une grande bonté d'âme et selon la légende elle aurait appris le secret de la fabrication d'un élixir soignant toute sorte de maux, d’un malheureux esclave noir brûlant de fièvre errant sur le port qu’elle aurait secouru et soigné. Il lui donna la recette en remerciement et comme son père, tonnelier et bouilleur de cru l'avait initiée à la distillation elle inventa une liqueur anisée qui portera son nom, à base d'épices, et d'une dizaine de plantes, dont le quinquina aux vertus antipaludéenne, le fameux anis vert, et de l'essence de citron qui fera dire aux marins que consommer cette liqueur est un moyen de lutter contre le scorbut. Elle passera toute sa vie dans son laboratoire et créera bien d'autres liqueurs comme le curaçao
L'histoire lui rend hommage puisque c'est son nom à elle (et pas celui de son mari) qui est passé à la postérité. Son anisette prit un essor rapide grâce aux échanges maritimes à travers le monde. Et en France à partir du moment où la bouteille a été déposée sur la table du roi Louis XV.
J'ai appris une astuce de mixologue à Omnivore : vaporiser le haut de l'intérieur du verre d'une essence, par exemple le jasmin ... qui créera une vraie surprise si le cocktail est à base d'agrumes. J'ai gouté sur la scène Cocktail le seul vrai apéritif corse, le Cap Corse Mattei, idéal pour un Spritz à la française.
La scène Cocktail était très intéressante surtout par son aspect le goût plutôt que l'ivresse qui se manifeste par des recettes ayant par exemple recours à une feuille de shizo pour donner un parfum particulier. On sent une tendance à proposer des assiettes à partager dans les bars.
Il y avait cette année plusieurs maisons de champagne et j'avoue que je n'en ai dégusté qu'un seul, modération oblige, celui de la maison Bardiau, affilié Champagne de vignerons (qui étaient installés dans une salle dédiée), qui m'a séduite par ses très fines bulles, notamment la cuvée parcellaire 100% Chardonnay qui exprime une minéralité dans ce qu'elle a d'élégant.
Omnivore donne l'occasion de mettre en cause des certitudes. J'ai appris que les vins de Bordeaux (qui existent aussi en rosé !) sont très soucieux de l'environnement avec pour objectif en 2025 d'être engagés à 100% dans des démarches certifiantes. Actuellement ces vignobles le sont à 60% et alors que je faisais remarquer qu'une bouteille mentionnait la présence de sulfites on me répondait qu'ils seraient moins dangereux pour la santé que les stabilisateurs et conservateurs que l'on emploie quand on se passe de sulfites. Il y aurait des vignobles qui utiliseraient du vitriol bleu (non dégradable) et qui ont pourtant reçu l'appellation bio, en toute légalité d'ailleurs. Cette question du bio, qui est perçu par les consommateurs comme une garantie de consommer bon, mérite me semble-t-il qu'on s'y penche un jour.
On ne fait pas que des découvertes dans les alcools. L’Apfelsaftschorle, si léger et désaltérant est de loin la boisson sans alcool la plus populaire outre-Rhin. Deux nantaises (qui se sont rencontrées en Suisse) se sont associées sous la marque Les filles de l'Ouest, pour proposer leur version du Schorle, avec trois références pour le moment, la pomme bio, le cassis-pomme et la rhubarbe. un mélange de fruit et d’eau finement pétillante! Un produit 100% naturel, sans sucre ajouté, sans arômes ni conservateurs avec des fruits méticuleusement sélectionnés. Cela nous changera du Perrier-rondelle et surtout de la boisson au cola. 

En matière de jus de fruits était présent (depuis 2014) Alain Millat qui est selon moi, la référence dans le domaine. Chaque produit est la résultante de 3 données qui ne varient pas : une variété, un producteur, une région. Le gourmet peut choisir entre Jus de Raisin blanc Sauvignon, Raisin rosé Cabernet, Raisin rouge Merlot, Raisin Rouge Syrah, Tomate jaune (qui vient de Marmande), Tomate rouge (qui vient de Marmande aussi), Tomate noire de Crimée (qui vient de la Drôme), ou encore Tomate Verte. 

On pouvait déguster les 3 derniers de la gamme qui cette fois sont des recettes de citronnade : citron-gingembre, citron-passion et citron-litchi, bio et sans sucre ajouté, évidemment sans aucun additif, de couleurs naturellement différentes, et dont j'aurai l'occasion de reparler plus en détail.
J'ai beaucoup aimé les infusions de l'Amante verte qui sont des mélanges très aromatiques, comme l'Ardente : basilic, cannelle, sarriette, angélique, monarde.

Et le (petit) miracle Omnivore c'est de pouvoir déguster une glace à la monarde, quelques mètres plus loin, parmi les créations de Terre adélice qui a aussi une glace au persil totalement surprenante. C'est une marque implantée dans l'Ardèche et qui a une forte éthique. Ce n'est pas dans leurs produits qu'on trouvera de l'air pour augmenter le volume.

Le visiteur a l'embarras du choix, entre toutes les variétés de beurre de jean-Yves Bordier (quel souvenir que son beurre au yuzu, créé en 2012!), le dernier chocolat de Valrhona, le Tulakalum, un 73% de cacao, avec des fèves du Belize, des olives de Kalamata de Kalios, dirigée par les frères Chantzios qui sourcent les meilleurs produits du terroir grec pour les chefs et épiceries fines, des olives, des huiles d'olive, mais aussi des fruits à coque, des miels, des gressins et des herbes des montagnes.
Chaque année c'est un régal de goûter le Parmesan Parmigiano Reggiano, cette fois ci le Vache rouge, 40 mois d'affinage. Tout est bon dedans, y compris la croute qu'en Italie on donne aux enfants pour qu'ils se fassent les dents.
Restons en Italie avec les Pasta Garofalo, élaborées à Gragnano, un petit village situé au fond de la baie de Naples où la tradition remonte à la fin du XVI° siècle. Elles bénéficient d'un label IGP garantissant l'emploi de semoule de blé dur et une eau de source locale, présentant un taux de protéines supérieur à 13%, et façonnées à l'aide de moule en bronze. Par exemple les radiatori conçues pour s'enrober facilement dans la salsa.
Il y a aussi beaucoup de producteurs français. Par exemple la famille Boutrais dont les huitres sont dorées parce qu'elles sont exceptionnelles, et non l'inverse et Sturia, qui est un caviar d'Aquitaine, en cours de reconnaissance IGP. Il allie la subtilité et la complexité des saveurs à une longueur en bouche persistante, surtout le caviar vintage qui associe la rondeur et la fermeté des grains à une palette de saveurs harmonieusement fruitées et iodées en bouche.
Omnivore est vraiment un lieu de rencontres entre professionnels et entre journalistes s'intéressant à la gastronomie, même s'il y a de plus en plus, me semble-il aussi de jeunes professionnels, parfois encore étudiants venus humer l'air du temps. Et bien sûr des restaurateurs. J'en ai interviewé plusieurs. Frédérique Triquet, chef du restaurant Poulette m'a dit venir (aussi) pour rencontrer des producteurs du Collège Culinaire de France qui est cité dans l'interview qu'on vient d'entendre était officiellement présent pour la première fois à Omnivore avec des Producteur-Artisans de Qualité renouvelé chaque jour. Le Collège regroupe 1700 restaurants, 150 vignerons, 750 producteurs. Quelques-uns étaient présents sur Omnivore pour une journée. 
J'y ai rencontré la Maison Boutarin (un des 5 producteurs français à faire de l'ail noir, ail éléphant, ail blanc… en millésime compte tenu de l'ensoleillement, une merveille sur une tomate-mozza et une bonne huile, ou une Saint Jacques. Ce produit a tout de même une DLUO de 18 mois et développe un coté réglisse au fil du temps), Elixia (la plus ancienne limonaderie de France), Les Vergers de la Silve (jus et pétillants sans alcool), L’Amante Verte (infusions bio cité un peu plus haut). Il y a eu aussi (mais un jour où je n'y étais pas) Chambelland (pains biologiques au levain naturel, naturellement sans gluten) La Cour d’Orgeres (confitures artisanales) O Ma ! Gourmandises (produits artisanaux corses).

Ce sont tous de très bons produits dont j'avais eu l'occasion de parler sur le blog, et qui appartiennent à notre patrimoine.
J'ai fait, au fil des années beaucoup de belles découvertes dans le domaine des fruits et légumes comme la capucine tubéreuse qui se dégustera crue pour en apprécier le goût piquant et poivré, ou cuite si l’on préfère une saveur douce, le chou kale qui est maintenant banal, et puis la betterave, qui a été employée par kilo il y a quelques années, pour agrémenter les créations des candidats Top chef, la Redchard, qui ne présente pas un grand intérêt gustatif mais qui a pour elle d’être joliment bicolore. On ne la voit plus sur les assiettes, à croire qu'en cuisine aussi il y a des phénomènes de mode.
Je me souviens aussi du citron caviar, qui pousse dans la forêt tropicale australienne, et de son goût très particulier, proche de la bergamote, qui à l'époque était facturé plus de 100€ le kilo. Et puis le baby Kiwi, une variété néozélandaise, cultivée en France, d’une taille équivalente à une tomate cerise, qui n’a pas de noyau et se déguste tel que, avec la peau, rappelant, mais en plus subtil, le parfum des groseilles à maquereau de mon enfance.
S'agissant des fruits et légumes ce sont cette année, apportés par Trans Gourmet, la pomme cannelle, toute noire qui m'a surprise et l'oca du Pérou, rouge brillant.
La plus grande surprise était venue il y a cinq ans des herbes aromatiques de Koppert Cress. Cette entreprise démontre avec brio qu’il n’y a pas que des fleurs en Hollande. Impossible de hiérarchiser mes préférences entre celle qui évoque la carotte et le céleri, celle qui dégage un parfum de citron et d’anis, la borage cress à la saveur combinée d’iode et de concombre, ou encore les feuilles de la majii qui m’ont fait penser à une pomme Granny Smith, mais la feuille d'huitre reste ma préférée.
Je peux vous dire que encore cette année cette société a surpris énormément de visiteurs alors que l'emploi de ces petites feuilles est désormais très démocratisé dans les restaurants.

Il y a dans les allées un côté très international. On entend parler toutes les langues. Des chefs viennent du monde entier. De plus, un pays est chaque année mis à l'honneur. Après la Belgique en 2018, c'est le tour des Pays-Bas (où est d'ailleurs installé Koppert Cress) et ce fut une révélation pour moi que d'apprendre que ce pays compte plus de 100 étoiles au Michelin depuis 10 ans.
Ils ont des vins très surprenants, qu'on ne soupçonnerait pas d'avoir été élevé dans ce territoire si "nordique", notamment un beau Blanc au cépage mystère (non indiqué sur l'étiquette). Dans leur cuisine le poisson et la viande tiennent moins de place que les légumes, lesquels ont une richesse insoupçonnée notamment dans des variétés d'asperges et de chou qui n'existent pas en France et qui surprend par ses fromages. Par contre c'est surtout une cuisine encore familiale qui n'est pas encore sortie du foyer.
Le hareng est peut-être l'ingrédient le plus emblématique de ce pays. Je connaissais les maatjes qui sont de jeunes harengs succulents. J'ai eu l'occasion de goûter des préparations dignes de la haute cuisine en terme de saveur, de présentation et de raffinement.
Sur la scène Artisan j'ai rencontré des charcutiers Néerlandais, Brandt & Levie dont le credo est d'inspirer les gens pour qu'ils mangent mieux que de la très bonne charcuterie. Ils fabriquent des saucissons et des charcuteries d'exception, tous bio, avec une préoccupation de minimiser l'impact sur l'environnement qui est très louable avec une philosophie from nose to tail dans un soucis de développement durable les amenant à produire jusqu'à du savon (mais oui). On consommera dans les années à venir moins de viande, mais de meilleure qualité. Comme leur saucisson Chipotle et cacao que je ne suis pas prête d'oublier. Ils ont aussi olives vertes et anis, truffe, ail et noix de muscade, romarin pétales de rose, et je ne vous dis rien de leur pancetta, des saucisses de foie, des rillettes ... Ce fut une vraie découverte.

En terme de tendance culinaire en terme de plats et de recette, ce n'est peut-être pas à Omnivore qu'il faut se rendre mais à Taste of Paris au Grand Palais. J'ai tout de même relevé que Guillaume Sanchez (encore lui) disait que la fermentation est au coeur de sa cuisine, parce que c'est sain et c'est un exhausteur de goût incroyable.
Déborah Dupont, responsable de la Librairie Gourmande, présente sur le salon, a d'ailleurs mis en avant plusieurs livres sur le sujet et s'est exprimée sur son travail avec les chefs. Vous pouvez elle aussi l'entendre dans l'émission. Et pour ceux qui voudraient se lancer, voici mon expérience en matière de fermentation, à partir du livre que l'on remarque sur la photo ci-dessus.

Parmi les chefs il y a des français, j'en ai cité plusieurs au début de l'article, mais on rencontre aussi des grands noms de la scène internationale. Comme par exemple le Suédois Jacob Holmström, le pâtissier québécois Patrice Demers et la pâtissière mexicaine Sofia Cortina (cheffe de Hotel Carlota, Mexico) qui a piloté une master-class en français, s'il-vous-plait.
La jeune mexicaine utilise, et c'est normal, des produits locaux, entendu mexicains, mais elle a adopté des techniques françaises. Il faut savoir qu'en Amérique latine, la sucrosité est très forte. Est-ce parce qu'on y produit la canne à sucre ? Toujours est-il qu'il faudrait diviser la quantité de sucre par deux. Un stage chez Pierre Hermé a changé sa manière de faire ... et de considérer son pays. Elle dit qu'elle détestait le Mexique, étant aveuglée par les risques d'insécurité. Pierre Hermé m'a fait voyager, en m'envoyant quatre mois à Oaxaca, la capitale de la gastronomie mexicaine. A son retour elle a décidé de donner à ses plats des noms d'Etat ou de fête.

On peut être élégant et subtil sans ajouter beaucoup de choses. Il n'y a pas besoin de colorant au Mexique car les fruits sont naturellement très colorés. Elle travaille bien sur les churros, l'arroz con leche (le riz au lait), les desserts qui appartiennent à l'héritage espagnol mais en raison du diabète et de l'obésité, deux fléaux au Mexique, elle réduit le sucre, allant même jusqu'à créer un dessert sans sucre. Elle nous a fait goûter le mamey (sorte de papaye un peu molle) et incité à respirer l'odeur de son noyau, qui si on le casse, dégage un parfum d'amande amère.

Elle saupoudre de gruau de cacao sur sa tarte de crème brulée de mamey tout en commentant les diapositives qu'elle a préparées. Et attaque son dessert-signature, un vacherin-meringue-sorbet corrosol décliné dans des tonalités de blanc, avant de râper de la lime du Yucatan. Elle peut le décliner avec des cactus d'été, le pitahaya ou fruit du dragon dans un jeu délicat d'acidité.
D'autres chefs m'ont fait réfléchir cette année. Comme par exemple Claire Damon (Des gâteaux et du pain) qui préfère le mot imagination à celui de création et qui ne craint pas de prononcer le mot amertume. Le défaut doit être accepté. il faut partie du produit. C'est à nous de nous adapter. Elle se préoccupe de plus en plus des questions d'intolérance et écoute les préconisations de ses clients, y compris quand ils lui font découvrir des produits. Il faut l'entendre parler de ses inspirations : le littoral au printemps, le pamplemousse rosat, un nocturne de Chopin ... qui ne sont pas du tout "gadget" quand on a ensuite la chance de croquer dans un de ses gâteaux.

Il m'a peut-être manqué de fortes émotions comme celles que j'ai relaté au début de l'émission. Je ne suis pas la seule à le dire, le départ de grands partenaires historiques d'Omnivore se ressent. Je ne citerai que l'absence de la Bourse Badoit, qui sans faire de mauvais jeu de mots apportait de l'effervescence au festival. Beaucoup de jeunes venaient s'y renseigner avant de finaliser leur dossier d'ouverture de restaurant pour se donner le plus de chance pour remporter une belle somme d'argent, 10 000 €, mais surtout un coaching d'un an en cuisine, en gestion et en communication.

Néanmoins les deux jours ont été riches d'échanges et de découvertes, ou de confirmations.

Il y a un leitmotiv que j'ai entendu plusieurs fois et que je tiens à vous donner. Beaucoup de chefs ont tenu à remercier publiquement leur épouse pour son soutien au quotidien. C'était à chaque fois très touchant, et applaudi chaleureusement.

Cette année, le focus était annoncé sur la cuisine responsable, les racines et les territoires d’agriculture et d’élevage et il a bien été respecté. Je me souviens de Claire Damon disant : il faut consommer moins, c'est évident, si on veut que ça dure ... Je n'utilise que l'amande de Provence, ça nous aura couté un point de rentabilité. J'ai supprimé l'attaché de presse.

Le festival a permis aussi de satisfaire la curiosité de ses visiteurs et de partager des expériences. Je ne pouvais pas restituer en un article ce que j'ai fait en deux jours. Vous pouvez en écouter la version audio, incluant des interviews iciJ'espère que je vous aurai donné l'envie d'y faire un tour l'an prochain. Cela reste un moment très important pour tous les passionnés de cuisine, qu'ils soient d'un côté ou de l'autre des fourneaux.

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