Avec la chanson dont il avait écrit les paroles et composé la musique Daniel Balavoine exprimait ses espoirs de notoriété en 1978 :
Je m'présente, je m'appelle Henri
J'voudrais bien réussir ma vie, être aimé … etc
J’y pense aujourd’hui alors que nous a quitté un chanteur qui aurait pu en dire autant si ce n’est qu’il avait pris son parti de n’être pas célèbre mais sans renoncer à exprimer ses convictions.
Il s’appelle Henri Tachan, impossible de l’écrire à l’imparfait.
Hier et demain, je m’en fous, seul le présent vaut le coup … ou le coût peut-être. Cette maxime pourrait être donnée en sujet au Bac de français.
Allez donc écouter ses textes sur votre plateforme préférée, vous ne perdre pas votre temps. Je t’aime pour ça. Entre l’amour et l’amitié … Sa voix est un peu grave, presque rocailleuse mais capable aussi de s’élever avec agilité dans les aigüs.
Ses mots sont vrais, authentiques, un poil anarchistes, insolents mais uniquement à l’égard des méchants. Il est sympatoche envers les vieux. Il encourage à faire une pipe à pépé et une petite langue à mémé. Il écrit formidablement bien sur les sentiments. La tendresse est un bijou. Il enseigne qu’elle est tout ce qui nous reste encore pour faire un pied de nez à la mort. Qu’entre l’amour et l’amitié il n’y a qu’un lit de différence. Qui pourrait dire que les choses ont changé ?
Son parcours passe par une école hôtelière et par le Ritz où il fut serveur. Il part ensuite pour le Québec en 1962, chante dans des cabarets où un certain Jacques Brel le repère. Retour en France pour sortir son premier disque en 1965. Il remporte le prestigieux Grand prix de l’académie Charles Gros, une référence de qualité à l’époque. Et pourtant il sera quasiment ignoré des médias qui ont suffisamment d’artistes dans la catégorie (Nougaro, Brassens, Reggiani, Ferré …) des chanteurs dits à textes. Et quels textes ! Il est féministe bien avant que le mouvement #metoo ne s’indigne. Il glorifie le sexe féminin dans Ma femme autant qu’il s’indigne à l’égard de la mafia des Z’hommes.
Invité par le dessinateur Reiser, le dessinateur des couvertures de Charlie Hebdo l’encourage à rejoindre la bande avec laquelle il a la révolte en commun. Il en devient l’ami discret qui ne loupe la conférence de rédaction du lundi que lorsqu’il est en tournée. Cabu le qualifie de chanteur harakiriesque pour sa force à afficher ses convictions. Il n’en demande pas tant, lui qui s’estime « artiste dégagé » en reprenant une formule de la chanteuses Anne Sylvestre.
Il est sans limites, pouvant glorifier Mozart, Beethoven, Schubert et Rossini ou mettre en musique Demain dès l’aube de Victor Hugo, comme écrire ses propres textes. L’homme reste toujours libre. Jacques Brel prévient que sur scène il faut faire gaffe car le lion est lâché. Il rugira contre tout ce qu’il déteste, la chasse, la corrida, la guerre, jusqu’à ce qu’il réalise qu’il n’avait pas de temps à perdre à en parler. C’est qu’il alterne allègrement les coups de gueule et les coups de coeur, quitte à froisser les amis. Pierre Perret (dont il a fait plusieurs premières parties) s’énerve : Tachan, il est jamais d’accord. Il critique tout. Même Avignon où il ne va pas, préférant demeurer dans son jardin.
A-t-il accepté la leçon ? Toujours est-il qu’il laissera de côté les gueulantes pour se focaliser sur ce qu’il aime. Il est philosophe. Il sait que le temps nous est compté. J’ai pas peur de mourir, j’ai peur de plus vivre. Sa chanson fétiche était naturellement Pas vieillir, pas mourir. Elle résonne presque comme une comptine. Elle sera toujours d’actualité, plaisantait-il.
Demain, je serai mort, c’est tout.
Hier je naissais dans un chou, aujourd’hui j’ai peur, c’est tout.
Henri Tachan (2 septembre 1939 à Moulins - 16 juillet 2023 à Avignon).
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