Ce livre a toutes les qualités. C'est peu dire que j'ai adoré. Voilà, c'est écrit. Et qu'on ne m'accuse pas d'être fan inconditionnelle de Delphine Bertholon ! Si j'avais beaucoup aimé Twist, dont je ne rate pas une occasion de faire une promotion amplement méritée, je m'étais un peu fait violence pour entrer dans l'Effet Larsen sans aucun regret ensuite.
Grâce ne m'inspirait pas non plus. Je dois avoir un problème avec les titres, ou avec les résumés. Celui-ci annonçait un thriller et je n'ai pas cette passion. Mais il ne m'a pas fallu plus de quelques secondes pour être accrochée par l'histoire.
1981, dans sa maison près de Villefranche-sur-Saône, la très jolie Grâce Marie Bataille, trente-trois ans, vit au rythme des retours de son mari, représentant en électroménager, lorsque Christina, une jeune fille au pair d’origine polonaise vient perturber une vie qui semblait jusque-là tracée à la craie… En 2010, Nathan, son fils, vient fêter Noël en famille, avec ses petits jumeaux. Sa soeur Lise, désormais rousse flamboyante, est déjà là.Mais cette fois-ci, tout est différent. « Dès que je passai le seuil de la maison, je sus que quelque chose n’allait pas. » dit-il d'entrée de jeu. Nathan apprend que son père, disparu sans crier gare trois décennies plus tôt, a refait surface. D’inquiétants phénomènes surviennent alors dans la maison familiale. Grâce invoque les fantômes, les secrets et les non-dits familiaux, sur le rythme staccato d’un thriller psychologique.
J'hésite à vous en dire plus. Ce drame familial sur fond de maison hantée est un cauchemar véritable, mais c'est un livre d'horreur qui n'est horrible que pour les personnages et c'est là que Delphine Bertholon est une artiste.
Les émotions des personnages se répercutent dans les murs sans provoquer notre effroi, mais une immense joie de lecture. La collusion entre les faits historiques des années 81 et suivantes avec des évènements plus récents est totalement réussie. Le tricotage entre le passé, sous forme de journal, et le présent fait intelligemment progresser l'intrigue qui avance comme un tango.
A plusieurs reprises une pensée prend forme dans notre cerveau de lecteur quelques secondes avant de la voir écrite noir sur blanc. L'écriture est ultra cinématographique sans verser dans le scénario. Elle prend appui sur nos craintes ataviques en invoquant la fatalité : ce qui est susceptible de mal tourner tournera nécessairement mal (page 122). L'amour, c'est comme la météo, sans arrêt on se trompe (page 163).
On est dans l'erreur quand on croit le bonheur éternel. Mais on l'est tout autant à penser le voile du malheur incapable d'être soulevé par un souffle infime, comme celui d'un enfant. Il faut lire Delphine Bertholon. Elle est surprenante. Toujours.
Grâce de Delphine Bertholon, chez Jean-Claude Lattès, avril 2012
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