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vendredi 28 mars 2014

Conférence à Omnivore autour des problématiques d'ouverture d'un restaurant avec Badoit

La Bourse de la création Badoit soutient les jeunes talents depuis 33 ans. Elle a décidé à l'occasion du festival Omnivore d'organiser une conférence autour des problématiques d'ouverture d'un point de restauration.

Le partenariat entre Omnivore et Badoit a permis de mettre au goût du jour cette Bourse de la création au profit de jeunes chefs confrontés à des difficultés financières. L’aide s’est accentuée depuis deux ans avec un vrai accompagnement en conception et en communication.

A cette occasion ce sont (de droite à gauche sur la photo ci-contre) Thierry Marx, chef du Mandarin Oriental, Kristin Frederick, la créatrice du Camion qui Fume et Steven Ramon, candidat de Top Chef, qui ont débattu du sujet dimanche après-midi sur la Scène sucrée du festival, en répondant aux questions de Marie-Laure Fréchet, journaliste culinaire et animatrice de la Scène sucrée pour la seconde année.

C'est avec beaucoup de simplicité que Thierry Marx a confié avoir traversé toutes les formes du succès à la faillite avant de devenir une icône dans l'univers de la restauration. Lui s'est lancé seul et il fallut convaincre des partenaires. Il obtint certes sa première étoile en huit mois mais ce fut une victoire à la Pyrus. Le banquier a une règle à calculer et le dépôt de bilan n'a pas pu être évité cette fois là.

Kristin Frederick est une nouvelle star à la tête de deux food trucks à burgers, deux "Camions qui fument" qui sont devenus emblématiques de ce que peut faire un chef dans un camion itinérant. Se sont alors posées des questions comme celle de savoir quelle somme le particulier serait prêt à dépenser pour manger du « bon » dans la rue. Ce fut le succès qu'on connait. Et, depuis, la jeune femme a ouvert un Freddie's Deli qui lui n'a rien d'itinérant.

Steven Ramon va ouvrir dans quelques semaines son premier restaurant, ce qui fait de lui un exemple de la problématique. Il a évolué pendant près de 10 ans dans un seul restaurant, "La Laiterie" de Lambersart, qu'il a vue couronnée d'une étoile Michelin, juste avant que son patron, Benoit Bernard ne le cède à un investisseur. Arrivé commis il en sortira Chef de Cuisine pour se lancer dans l'aventure top chef.

A la question de savoir s’il existait un profil type pour espérer postuler à bon escient, Thierry Marx a insisté sur le nécessaire cumul de compétences de quasiment trois personnes alors qu’on n’en financera qu’une seule : le savoir-faire, le savoir faire-faire et le faire-savoir.

Il faut aussi déterminer son projet avec le plus de précision possible parce que, dit-il, si on laisse trop d’incertitudes c’est une mer à traverser.

Pour Kristin il est capital de comprendre la réalité du métier sans toutefois perdre son potentiel de réaction. Ainsi elle-même se croyait prête ... mais par exemple pas pour le volume de clients qui s'est présenté. Elle ne savait alors pas gérer deux heures de queue. Thierry Marx approuve en estimant qu'ouvrir un restaurant est plus facile que se lancer dans l'itinérant.

Steven de son coté estime avoir un avantage car il "pense déjà comme un patron". Son but a toujours été de s’installer même s’il ne s’était pas fixé une date. Et il est entouré de gens qui partagent sa passion.

Thierry Marx souligne qu’il est très important de réfléchir en amont à ce qu’on est prêt à abandonner de son environnement pour avancer. Parce qu’un tel projet sera forcément chronophage. Si on n’est pas disposé à travailler 7 jours sur 7 pendant les deux premières années il est inutile d’envisager de commencer (tous les chefs d’entreprise que j’ai rencontrés m’ont fait la même confidence). A dire vrai c’est même 120% serait plus proche de la réalité. Faire la cuisine, qui est la partie la plus satisfaisante, ne représentera pas plus de 30% du temps, ce qui implique de pouvoir supporter la frustration et d'être capable de raisonner en projet de vie.

Il ajoute que "ça va être compliqué" si on est déprimé au premier découvert en affirmant qu'il n'y a pas de dramaturgie de l'échec. Cela n'empêche qu'il est essentiel de monter un business-plan qui laisse peu de place au hasard adossé à un rétroplanning efficace.

C'est pourquoi il est important d'emmener avec soi son entourage dans le projet. celui qui sait se constituer un réseau dans divers champs de compétences est mieux loti : il bénéficiera de conseils sans devoir mettre systématiquement la main au portefeuille.

Quant aux diplômes, on dira qu'ils sont des facilitateurs. Le banquier regardera aussi le nombre d'années passées en entreprise. Celui qui gagne n'est pas forcément le meilleur mais sa volonté de ne pas perdre doit être sans faille.

Thierry Marx est convaincant aussi par les chiffres qu'il avance. Sachant qu'il existe 170 000 restaurants il est difficile d'exploser dans une telle masse si on n'amène pas un quelconque relief. Hors de question de se lancer en "faisant le coup du terroir". Personne ne va plus au restaurant parce qu'il a faim mais pour passer des moments d'émotion.

La cuisine doit être une histoire; le projet est forcément hollistique. Avec trois fondamentaux : le sourcing de produits de qualité, la gestion du client et l'identité de l'accueil. Et cela en 3 ans alors qu'autrefois on avait 30 ans pour réussir, même si la politique des petits pas demeure valable.

Les cuisines étaient alors fermées. Elles se sont ouvertes et se sont même déplacées carrément au centre de la salle. Il faut oublier les stéréotypes périmés. Le client veut désormais "voir la main qui le régale". Le chef enfermé dans sa cuisine avec un torchon (sale qui plus est) n'a plus cours. C'est même lui qui va (aussi) servir, ce qui permettra une réduction des coûts de main d'oeuvre.

Le déjeuner gastronomique ne cesse de décliner depuis vingt ans. On veut maintenant déjeuner en 45 minutes, café inclus. La carte n'a plus besoin de s'allonger d'une vingtaine de plats. Sept suffiront avec cinq plats et trois desserts.

Il évoque le lauréat 2013 qui va faire un estaminet ambulant en faisant parler son coeur. Thierry Marx qui connait bien les contraintes de la profession estime à 7€ le prix moyen de départ en cuisine de rue, sachant qu'avec une bonne proposition on peut espérer sortir à 20.

Kristin Frederick a voulu rendre hommage aux réseaux sociaux qui permettent de remplir une salle qu'elle soit dans le 1er ou le 20ème arrondissement. Le nom de Camion qui Fume, qui semble si juste, lui a été soufflé par son mari qui avait noté que chaque ville a son Chien qui fume, quand ce n'est pas un autre animal. L'appellation s'inscrivait spontanément dans la mémoire collective. Et c'est une véritable communauté qui s'est créée.

Mais attention, l'effet serait à double tranchant pour qui ne tiendrait pas la promesse qui ne doit surtout pas être virtuelle. Cela étant il n'y a pas de cuisine illégitime ... sauf celle qui n'a pas de client.
Je vous signale que l'appel à candidature se poursuit jusqu'au 15 mai sur le site Internet badoit.fr. Faites le savoir autour de vous.

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