Je suis allée voir le dernier film d'Alain Resnais. Sa projection en avant-première avait fait grand bruit. Forcément, c'était le soir-même de son enterrement. J'étais en quelque sorte aux première loges pour suivre l'arrivée des invités puisque l'entrée de l'UGC des Champs-Elysées est aussi celle du Lido où se déroulait la soirée des Globes de Cristal que je suivais en direct cette année.
Le titre du film aurait du être La vie de château. Ce fut Aimer, boire et chanter.
Aimer, boire et chanter, c'est notre raison d'exister. Il faut dans la vie un brin de folie ... telles sont les paroles avec lesquelles le cinéaste conclut son film à travers la chanson interprétée par Lucien Boyer sur une musique de Johann Strauss ... en 1935, preuve s'il en faut qu'Alain Resnais "connaissait la chanson".
Le brin de folie, c'est sans doute la petite taupe (il y a toujours un animal dans les derniers films de Resnais) qui émerge de terre de temps en temps. A la troisième taupe, le film est achevé.
Alain Resnais désirait couper court à toute velléité de récompenses chez ses acteurs. Il leur offrait des lézards à la fin de chaque tournage à défaut d'espérer un César ou un Oscar. Il venait lui-même de recevoir un Ours au Festival de Berlin avec le prix du "film qui ouvre de nouvelles perspectives au cinéma" et, à l’unanimité, le Prix de la critique internationale.
Pourtant une lecture attentive des critiques de son film témoigne qu'il n'a pas été jugé avec complaisance par l'ensemble de la profession. Sorj Chalandon (Le Canard Enchainé) a vu un film qui fait peine. D'abord parce qu'il est ennuyeux à mourir. Ensuite parce qu'il est signé Alain Resnais et que le réalisateur vient de mourir à 91 ans. (...) C'est triste. Alors on a pas trop envie de tailler un posthume à Alain ...
Tout en admettant qu'Alain Resnais reste l’un des cinéastes majeurs du XX°, Damien Leblanc, dans le magazine Première, juge qu'il laisse ses acteurs se noyer dans un pur vaudeville, qui ne bénéficie cette fois d’aucune distance ludique. (...) Le programme épicurien du titre constitue alors un ultime mensonge, tant ce voyage au bout de l’ennui s’avère pénible.
Son jugement est erroné. On ne s'ennuie absolument pas tant les acteurs mettent tout en oeuvre pour incarner leurs personnages. Le réalisateur pousse loin la métaphore consistant à abattre des cloisons. Il est vrai cependant qu'une fois qu'on a compris que Resnais veut réconcilier cinéma, théâtre et bande dessinée on se lasse du procédé consistant à sandwicher des images de décors naturels tournées sur des routes de campagne dans le nord de l’Angleterre avec une planche d’illustrations dessinée par Blutch puis un décor de théâtre, ceint de toiles de bâche peintes par Jacques Saunier avant de venir en plan rapproché sur un des trois couples de la pièce, puis sur un seul acteur devant un fond numérique contrasté, sans aucune référence.
C'est bien davantage du théâtre filmé qu'il nous donne à voir. Il faut lui reconnaitre le mérite de réinventer le vaudeville jusque là caractérisé par des claquements de portes ouvrant sur des couloirs. C'est d'ailleurs cette créativité et ce mélange des genres que d'autres critiques saluent avec force.
Resnais adapte pour la troisième fois (après Smoking /No Smoking en 1993 et Coeurs en 2006) une pièce d’Alan Ayckbourn, Life of Riley, sur les couples, le tissu qui relie les hommes et les femmes, la trahison en amour, la fidélité en amitié. C'est le dramaturge Jean-Marie Besset qui a fait la traduction et l’adaptation.
Personnellement j'ai regretté la minéralité des décors après avoir cru qu'on se baladerait dans le Yorkshire et la ville de York. J'étais dans cette attente dès le générique, espérant découvrir les décors du dernier livre de Pamela Hartshorne, chroniqué il y a un mois.
Je me suis demandée si les comédiens avaient conscience de tourner dans le "dernier" film du cinéaste. On aura beau dire qu'ils n'étaient que six (exceptons la dernière scène avec Alba Gaia Bellugi dans le rôle de Tilly) ils sont dirigés de main de maitre avec une précision absolue.
Aimer, boire et chanter, c'est notre raison d'exister. Il faut dans la vie un brin de folie ... telles sont les paroles avec lesquelles le cinéaste conclut son film à travers la chanson interprétée par Lucien Boyer sur une musique de Johann Strauss ... en 1935, preuve s'il en faut qu'Alain Resnais "connaissait la chanson".
Le brin de folie, c'est sans doute la petite taupe (il y a toujours un animal dans les derniers films de Resnais) qui émerge de terre de temps en temps. A la troisième taupe, le film est achevé.
Alain Resnais désirait couper court à toute velléité de récompenses chez ses acteurs. Il leur offrait des lézards à la fin de chaque tournage à défaut d'espérer un César ou un Oscar. Il venait lui-même de recevoir un Ours au Festival de Berlin avec le prix du "film qui ouvre de nouvelles perspectives au cinéma" et, à l’unanimité, le Prix de la critique internationale.
Pourtant une lecture attentive des critiques de son film témoigne qu'il n'a pas été jugé avec complaisance par l'ensemble de la profession. Sorj Chalandon (Le Canard Enchainé) a vu un film qui fait peine. D'abord parce qu'il est ennuyeux à mourir. Ensuite parce qu'il est signé Alain Resnais et que le réalisateur vient de mourir à 91 ans. (...) C'est triste. Alors on a pas trop envie de tailler un posthume à Alain ...
Tout en admettant qu'Alain Resnais reste l’un des cinéastes majeurs du XX°, Damien Leblanc, dans le magazine Première, juge qu'il laisse ses acteurs se noyer dans un pur vaudeville, qui ne bénéficie cette fois d’aucune distance ludique. (...) Le programme épicurien du titre constitue alors un ultime mensonge, tant ce voyage au bout de l’ennui s’avère pénible.
Son jugement est erroné. On ne s'ennuie absolument pas tant les acteurs mettent tout en oeuvre pour incarner leurs personnages. Le réalisateur pousse loin la métaphore consistant à abattre des cloisons. Il est vrai cependant qu'une fois qu'on a compris que Resnais veut réconcilier cinéma, théâtre et bande dessinée on se lasse du procédé consistant à sandwicher des images de décors naturels tournées sur des routes de campagne dans le nord de l’Angleterre avec une planche d’illustrations dessinée par Blutch puis un décor de théâtre, ceint de toiles de bâche peintes par Jacques Saunier avant de venir en plan rapproché sur un des trois couples de la pièce, puis sur un seul acteur devant un fond numérique contrasté, sans aucune référence.
C'est bien davantage du théâtre filmé qu'il nous donne à voir. Il faut lui reconnaitre le mérite de réinventer le vaudeville jusque là caractérisé par des claquements de portes ouvrant sur des couloirs. C'est d'ailleurs cette créativité et ce mélange des genres que d'autres critiques saluent avec force.
Resnais adapte pour la troisième fois (après Smoking /No Smoking en 1993 et Coeurs en 2006) une pièce d’Alan Ayckbourn, Life of Riley, sur les couples, le tissu qui relie les hommes et les femmes, la trahison en amour, la fidélité en amitié. C'est le dramaturge Jean-Marie Besset qui a fait la traduction et l’adaptation.
Personnellement j'ai regretté la minéralité des décors après avoir cru qu'on se baladerait dans le Yorkshire et la ville de York. J'étais dans cette attente dès le générique, espérant découvrir les décors du dernier livre de Pamela Hartshorne, chroniqué il y a un mois.
Je me suis demandée si les comédiens avaient conscience de tourner dans le "dernier" film du cinéaste. On aura beau dire qu'ils n'étaient que six (exceptons la dernière scène avec Alba Gaia Bellugi dans le rôle de Tilly) ils sont dirigés de main de maitre avec une précision absolue.
Il y a un autre personnage jamais là, mais toujours présent , qui "plane" sur le récit comme il le fait sur l'affiche, en complet veston, comme un oiseau de proie ou un ange sans ailes au-dessus de six silhouettes apeurées, serrées les unes contre les autres. C'est Georges, métaphore du metteur en scène. On ne le voit pas dans le film mais on nous montre sa maison : envahies d’herbes folles, signifiant l’imminence d’un retour à l’état de nature par le pourrissement.
Car George est atteint d'un cancer foudroyant et n'a sans doute plus que quelques semaines à vivre. Ami d'enfance, amant lointain, mari ancien, George est multiple et chacune des trois femmes acceptera de mettre tout en oeuvre pour adoucir ses derniers jours, quitte à faire surgir des jalousies et à réveiller des souvenirs jamais avoués.
Dans la dernière scène la caméra filme en plongée le cercueil de l'invisible près duquel se recueillent les acteurs. Une voix off résume l’épilogue : celle de Gérard Lartigau, disparu le 13 mars, douze jours après Alain Resnais…
La projection du film le soir de l'enterrement d'Alain Resnais a dû provoquer plus d'une émotion.
Le réalisateur est parti alors qu’il travaillait sur un nouveau projet. Son titre : Arrivée-départ est-il à considérer avec l'humour dont il ne se départissait pas ?
Aimer, boire et chanter, un film d'Alain Resnais
avec Sabine Azéma, Hippolyte Girardot, Caroline Silhol, Michel Vuillermoz, Sandrine Kiberlain, André Dussollier et Alba Gaia Bellugi.
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