L'édition Omnivore 2014 m'a semblé être un excellent cru. Cette première journée fut riche en rencontres et découvertes, preuve s'il en faut que l'on peut toujours faire "plus". Vous n'avez pas fini d'en entendre parler.
Pour le moment je voudrais revenir sur la première des performances qui s'est déroulée sur la scène salée, avec Florent Ladeyn, le patron fraîchement étoilé de l'Auberge du vert Mont, à Boeschepe et du tout récent Bloempot de Lille.
L'Auberge est à une encablure de la frontière. Florent est venu ce matin avec Clément qui est plus que son second. C'est aussi son cousin, et surtout un vrai compère. Ils ont tous les deux commencé à bosser à 8/10 ans, à la plonge. Il faut bien commencer par quelque chose de techniquement abordable.
Florent a apporté "juste" les produits qu'il travaille à l'Auberge dans l'idée de faire "juste" les plats qu'il y sert. Il aime la désigner sous le nom d'estaminet, arguant que sa cuisine d'auberge (et ce n'est pas un gros mot comme le souligne Sébastien Demorand) est davantage une cuisine de cantine que de l'élaboré très compliqué.
Le jeune chef, qui revendique une formation autodidacte, s'est interrogé il y a quelques années sur l'origine des produits de la carbonade flamande qu'il apportait sur la table. En réalité le plat n'avait de flamand que le nom. Le boeuf avait grandi en Pologne, les épices avaient été récoltés en Allemagne, le lard était hongrois.
Cette prise de conscience l'a amené à redécouvrir son terroir, en l'occurrence les Flandres, et à devenir fidèle à une poignée de producteurs, dont il ne pale tout de même pas trop, pour éviter que leurs prix ne flambent.
Il en est résulté des plats qui provoquent une pure poésie et qui lui ont permis de "choper l'étoile".
Un hectare de prairie s'étend autour de l'Auberge pour nourrir les moutons et assurer la production de foin dont le cuisiner a besoin.
Première démonstration avec le Pigeonneau de Steenvoorde (bien élevé par mon cousin précise-t-il sur sa carte) fumé au foin nouveau de notre prairie. Ce pigeonneau a été abattu il y a trois semaines et demi, mâturé cinq jours entiers dans le foin. L'animal est ensuite bourré de foin, lequel a une action antiseptique naturelle avant d'être fumé, toujours au foin. Il est ensuite conservé en chambre froide deux semaines et demie.
Le pigeonneau est servi sans jus ni garniture. le serveur arrive en salle avec la poêle de cuisson, essuyée, et remplie d'un coussin de foin.
Et alors qu'il faut habituellement programmer deux cuissons différentes pour une cuisse et les filets, Florent démontre que le sien peut se satisfaire d'une seule.
Chez lui le partage est élevé au rang de vertu. Les plats sont déposés en centre de table. le pain arrive avec une incision pour donner envie au client d'intervenir en le rompant. Plus tard il arrachera un lambeau de viande sur le pigeonneau et bien entendu c'est avec les doigts qu'il se régalera de frites.
Passons au premier envoi avec huitres-endives-bière-boeuf. L'endive est un légume emblématique du Nord qui, ici, a été cultivé en biodynamie et cueilli en seconde pousse chez une productrice qui n'en fait que 2 tonnes et demi, pas davantage. Elles seront juste colorées pour les laisser gourmandes.
Le chef s'active aux fourneaux tout en discutant, tâche difficile parce qu'il n'a pas l'habitude de cuisiner sur des appareils aussi neufs et brillants. (On se demande ce dont il disposait pour Top chef).
L'huitre est une huitre plate, sauvage, qui vient du Nord de Londres, de ce même détroit où l'on puise le sel qui sera labellisé sel de Maldonne (et dont j'aurai l'occasion de vous reparler). Le crustacé est juste déposé dans l'assiette.
Le boeuf est "une race du coin quia failli disparaitre". Il est bien entendu maturé, séché, non fumé que Clément taille crue comme de bresaola.
Pour réaliser sa sauce, Florent traverse deux frontières afin d'aller chercher la bière qui lui convient dans une brasserie située à Kamperland dans le Sud-Ouest des Pays-Bas. L'Emelisse Crème Brûlée Stout a la saveur de ... crème brûlée surtout quand il la servira en mousse gélifiée, sans rien avoir besoin d'ajouter. Il donne sa recette : 350 grammes de bière, 7 feuilles de gélatine, et on monte au batteur. Ce sera très léger en bouche. Dans la salle le parfum chatouille nos papilles.
De plus en plus Florent Ladeyn propose à ses clients des associations mets-bières, faisant remarquer que pour 20 € on peut avoir une bouteille de 75 cl d'une bière exceptionnelle alors qu'à ce niveau de prix le vin n'est "que" très bon. Le monde de la bière est en train de vivre une révolution. Elle n'est plus cette boisson réservée aux alcooliques au coin du bar.
Il s'énerverait presque quand on évoque devant lui le souhait de "casser l'amertume". L'amer est positivement tonique. Cette saveur caractérise la bière et il faut l'assumer. Pareillement pour l'endive.
Pendant longtemps la gorge de porc a été cantonnée aux terrines. Un jour, il a fait l'erreur de la cuire sous vide, s'est aperçu qu'elle était encore meilleure après caramélisation. L'erreur se transformait en succès. Cette gorge est donc cuite sous vide à 70° pendant 18 heures, puis coupée en gros lardons. C'est bon, forcément gras, mais si bon ... Ça grassouille bien juge Sébastien Demorand l'oeil au-dessus de la poêle.
L'hélianthis est un topinambour blanc qui sera braisé 3 heures à 120° avec sa peau, histoire de laisser du temps au temps ... Son goût est proche de ce qu'on connait du topinambour, mais en plus fin.
Il servira arrosé du jus de braisage en réduction, sorte de demi-glace et ajoutera des lamelles d'hélianthis cru.
Il ajoutera un crispy d'andouille, quelques feuilles de chou de Bruxelles. Coté dressage il ne cherche pas à faire "chichi pompon". Un clin d'oeil de satisfaction légitime à Clément et voilà Florent qui s'échappe déjà pour rejoindre Deborah sur l'espace livres de la Librairie Gourmande.
Festival Omnivore Paris
du 16 au 18 mars 2014 de 10 à 19 heures
à la Maison de la Mutualité
24 rue Saint-Victor 75005 Paris
L'Auberge est à une encablure de la frontière. Florent est venu ce matin avec Clément qui est plus que son second. C'est aussi son cousin, et surtout un vrai compère. Ils ont tous les deux commencé à bosser à 8/10 ans, à la plonge. Il faut bien commencer par quelque chose de techniquement abordable.
Florent a apporté "juste" les produits qu'il travaille à l'Auberge dans l'idée de faire "juste" les plats qu'il y sert. Il aime la désigner sous le nom d'estaminet, arguant que sa cuisine d'auberge (et ce n'est pas un gros mot comme le souligne Sébastien Demorand) est davantage une cuisine de cantine que de l'élaboré très compliqué.
Le jeune chef, qui revendique une formation autodidacte, s'est interrogé il y a quelques années sur l'origine des produits de la carbonade flamande qu'il apportait sur la table. En réalité le plat n'avait de flamand que le nom. Le boeuf avait grandi en Pologne, les épices avaient été récoltés en Allemagne, le lard était hongrois.
Cette prise de conscience l'a amené à redécouvrir son terroir, en l'occurrence les Flandres, et à devenir fidèle à une poignée de producteurs, dont il ne pale tout de même pas trop, pour éviter que leurs prix ne flambent.
Il en est résulté des plats qui provoquent une pure poésie et qui lui ont permis de "choper l'étoile".
Un hectare de prairie s'étend autour de l'Auberge pour nourrir les moutons et assurer la production de foin dont le cuisiner a besoin.
Première démonstration avec le Pigeonneau de Steenvoorde (bien élevé par mon cousin précise-t-il sur sa carte) fumé au foin nouveau de notre prairie. Ce pigeonneau a été abattu il y a trois semaines et demi, mâturé cinq jours entiers dans le foin. L'animal est ensuite bourré de foin, lequel a une action antiseptique naturelle avant d'être fumé, toujours au foin. Il est ensuite conservé en chambre froide deux semaines et demie.
Le pigeonneau est servi sans jus ni garniture. le serveur arrive en salle avec la poêle de cuisson, essuyée, et remplie d'un coussin de foin.
Et alors qu'il faut habituellement programmer deux cuissons différentes pour une cuisse et les filets, Florent démontre que le sien peut se satisfaire d'une seule.
Chez lui le partage est élevé au rang de vertu. Les plats sont déposés en centre de table. le pain arrive avec une incision pour donner envie au client d'intervenir en le rompant. Plus tard il arrachera un lambeau de viande sur le pigeonneau et bien entendu c'est avec les doigts qu'il se régalera de frites.
Passons au premier envoi avec huitres-endives-bière-boeuf. L'endive est un légume emblématique du Nord qui, ici, a été cultivé en biodynamie et cueilli en seconde pousse chez une productrice qui n'en fait que 2 tonnes et demi, pas davantage. Elles seront juste colorées pour les laisser gourmandes.
Le chef s'active aux fourneaux tout en discutant, tâche difficile parce qu'il n'a pas l'habitude de cuisiner sur des appareils aussi neufs et brillants. (On se demande ce dont il disposait pour Top chef).
L'huitre est une huitre plate, sauvage, qui vient du Nord de Londres, de ce même détroit où l'on puise le sel qui sera labellisé sel de Maldonne (et dont j'aurai l'occasion de vous reparler). Le crustacé est juste déposé dans l'assiette.
Le boeuf est "une race du coin quia failli disparaitre". Il est bien entendu maturé, séché, non fumé que Clément taille crue comme de bresaola.
Pour réaliser sa sauce, Florent traverse deux frontières afin d'aller chercher la bière qui lui convient dans une brasserie située à Kamperland dans le Sud-Ouest des Pays-Bas. L'Emelisse Crème Brûlée Stout a la saveur de ... crème brûlée surtout quand il la servira en mousse gélifiée, sans rien avoir besoin d'ajouter. Il donne sa recette : 350 grammes de bière, 7 feuilles de gélatine, et on monte au batteur. Ce sera très léger en bouche. Dans la salle le parfum chatouille nos papilles.
De plus en plus Florent Ladeyn propose à ses clients des associations mets-bières, faisant remarquer que pour 20 € on peut avoir une bouteille de 75 cl d'une bière exceptionnelle alors qu'à ce niveau de prix le vin n'est "que" très bon. Le monde de la bière est en train de vivre une révolution. Elle n'est plus cette boisson réservée aux alcooliques au coin du bar.
Il s'énerverait presque quand on évoque devant lui le souhait de "casser l'amertume". L'amer est positivement tonique. Cette saveur caractérise la bière et il faut l'assumer. Pareillement pour l'endive.
Le plat est prêt à être immortalisé par une photo. D'autres chefs ajouteraient quelque chose de vert mais pour Florent Ladeyn, c'est tout juste impensable. On n'a pas d'herbe en ce moment donc il est logique de manquer de vert. On aura beau être pressés, il est normal d'attendre encore 2 semaines pour déguster les asperges blanches des dunes.
Second envoi autour de la combinaison anguille sauvage-gorge de porc-hélianthis-feuilles de chou. Sans être dans une logique absolue terre-mer Florent estime que l'association anguille fumée-gorge de porc fonctionne très bien.Pendant longtemps la gorge de porc a été cantonnée aux terrines. Un jour, il a fait l'erreur de la cuire sous vide, s'est aperçu qu'elle était encore meilleure après caramélisation. L'erreur se transformait en succès. Cette gorge est donc cuite sous vide à 70° pendant 18 heures, puis coupée en gros lardons. C'est bon, forcément gras, mais si bon ... Ça grassouille bien juge Sébastien Demorand l'oeil au-dessus de la poêle.
L'hélianthis est un topinambour blanc qui sera braisé 3 heures à 120° avec sa peau, histoire de laisser du temps au temps ... Son goût est proche de ce qu'on connait du topinambour, mais en plus fin.
Il servira arrosé du jus de braisage en réduction, sorte de demi-glace et ajoutera des lamelles d'hélianthis cru.
Il ajoutera un crispy d'andouille, quelques feuilles de chou de Bruxelles. Coté dressage il ne cherche pas à faire "chichi pompon". Un clin d'oeil de satisfaction légitime à Clément et voilà Florent qui s'échappe déjà pour rejoindre Deborah sur l'espace livres de la Librairie Gourmande.
Festival Omnivore Paris
du 16 au 18 mars 2014 de 10 à 19 heures
à la Maison de la Mutualité
24 rue Saint-Victor 75005 Paris
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