J'avais fait le mauvais pari. Je pensais Amélie Nothomb suffisamment dingue des chapeaux pour consacrer un jour un roman à une héroïne dont le prénom évoquerait immédiatement cet univers. Je savais pourtant l'ampleur de son addiction au champagne. Cela transpirait suffisamment dans des ouvrages précédents.
J'en ai lu beaucoup plus que j'en ai chroniqué. Pétronille est le cinquième ouvrage de la romancière à propos duquel je me hasarde à écrire. Cela m'autoriserait-il à prétendre définir ce qu'est "un roman nothombien" ?
Un roman "nothombien", néologisme que je trouve amusant, est un texte autocentré sur l'auteur qui se justifie du fait que tout ce qu'on aime devient fiction (et réciproquement). C'est un livre toujours superbement enrobé d'une sur-couverture pensée par Philippe Narcisse qui est un graphiste génial. Souvenez-vous de la mise en scène du Fait du Prince ... Neuf fois sur dix Amélie y apparait avec un chapeau, parfois en recyclant le même ... chapeau de paille noire.
C'est un sujet en général imbibé de champagne à un endroit ou un autre. A cet égard le livre précité est un modèle du genre, élevant le buveur de champagne au rang d'aristocrate. Barbe-Bleue n'était pas en reste.
Le mot pneu y apparaît systématiquement quelque part.
On y trouve une allusion à une ville de la banlieue sud. Cela ne risque pas de m'échapper, j'y habite. L'an dernier c'était Verrières-le-Buisson. Cette fois ci, sa voisine Antony.
J'y apprends toujours un terme nouveau que j'ai du mal à recaser dans les semaines qui suivent. Avec Pétronille, c'est "sycophante" (délateur professionnel dans l'Athènes Antique) dont elle traite un paparazzi (p. 23). Quelque chose me dit que je m'amuse à jouer la sycophante dans cette chronique.
Ce fut abstruse dans Tuer le père (p. 134) et hospitographie dans Une forme de vie.
Il y a beaucoup de crimes, la fin justifiant les moyens. Le jeu tient aussi une place indéniable et Pétronille ne déroge pas ni à l'un, ni à l'autre.
C'est un livre qui se vendra à plus de 300 000 exemplaires, ce qui permet à notre écrivaine de pouvoir vivre et boire de sa plume. Soit dit en passant, elle doit consacrer autant de temps à écrire à ses lecteurs qu'à rédiger ses romans. C'est la rançon de son succès et surtout de ses promesses d'entretenir la correspondance avec ses fans. Elle ne se lasse pas d'affirmer qu'elle adore aussi les rencontrer. C'est parfois le sujet d'un roman, voire de deux puisque Pétronille, comme Une forme de vie, est aussi centré sur cela.
La mode chapelière subit les aléas de la mode et aussi les crises. Mais quelques chapelleries sont encore actives et je crois savoir que Roland Garros s'y fournit toujours ... ainsi que la royale Elisabeth d'Angleterre.
On peut encore y voir des modèles qui ont marqué l'histoire de la mode. C'était un sujet en or mais Amélie préféra l'or du champagne. Soit !
Couleront donc des flots de Veuve-Clicquot (meilleur après 36 heures de jeune), Roederer, Laurent-Perrier, Moët, Taittinger, Krug, Philipponnat, Perrier-Jouët, Jean Josselin (dont j'apprends qu'il a un goût de levure), Piper-Heidsieck (qu'elle rafraichit dans la neige), Dom Pérignon, Joseph-Perier, Dom-Ruinart blanc de blanc, et même Baron Fuente, qui n'est connu que d'une poignée d'initiés.
Si après une telle publicité on ne lui adresse pas des cuvées spéciales pour provoquer une citation dans le prochain roman c'est à désespérer des relations publiques.
J'aurai une pensée pour elle à la prochaine édition des Habits de lumières d'Epernay où je suis surprise qu'elle ne soit pas invitée. A force de crier au ... champagne, une forme d'usure se fait peut-être sentir ...
L'ivresse ne s'improvise pas. Elle relève de l'art (p. 7). Amélie se dédouane de passer pour une poivrote en cherchant un convignon ou une convigne (elle a décidément le talent des néologismes) avec qui partager sa passion. Rien n'est plus difficile que de trouver la bonne personne avec qui boire prétend-elle. Car il faut avoir le vin gai !
Logique qu'elle la trouve parmi ses lectrices venues en dédicace puisque c'est une de ses occupations favorites. Ce sera le moyen de rendre hommage à l'une de ses amies, Stéphanie Hochet ... la clé vient de tomber dans la flute.
Car Stéphanie, alias Pétronille, s'avèrera écrivaine elle aussi. Décrypter les titres donnés dans le roman est un jeu d'enfant :
- Vinaigre de miel pour Moutarde douce
- l'Apocalypse selon Ecuador pour l'Apocalyse selon Embrun
- Les Coriaces pour les Infernales
- Je ne sens pas ma force pour Je ne connais pas ma force
J'en ai lu beaucoup plus que j'en ai chroniqué. Pétronille est le cinquième ouvrage de la romancière à propos duquel je me hasarde à écrire. Cela m'autoriserait-il à prétendre définir ce qu'est "un roman nothombien" ?
Un roman "nothombien", néologisme que je trouve amusant, est un texte autocentré sur l'auteur qui se justifie du fait que tout ce qu'on aime devient fiction (et réciproquement). C'est un livre toujours superbement enrobé d'une sur-couverture pensée par Philippe Narcisse qui est un graphiste génial. Souvenez-vous de la mise en scène du Fait du Prince ... Neuf fois sur dix Amélie y apparait avec un chapeau, parfois en recyclant le même ... chapeau de paille noire.
C'est un sujet en général imbibé de champagne à un endroit ou un autre. A cet égard le livre précité est un modèle du genre, élevant le buveur de champagne au rang d'aristocrate. Barbe-Bleue n'était pas en reste.
Le mot pneu y apparaît systématiquement quelque part.
On y trouve une allusion à une ville de la banlieue sud. Cela ne risque pas de m'échapper, j'y habite. L'an dernier c'était Verrières-le-Buisson. Cette fois ci, sa voisine Antony.
J'y apprends toujours un terme nouveau que j'ai du mal à recaser dans les semaines qui suivent. Avec Pétronille, c'est "sycophante" (délateur professionnel dans l'Athènes Antique) dont elle traite un paparazzi (p. 23). Quelque chose me dit que je m'amuse à jouer la sycophante dans cette chronique.
Ce fut abstruse dans Tuer le père (p. 134) et hospitographie dans Une forme de vie.
Il y a beaucoup de crimes, la fin justifiant les moyens. Le jeu tient aussi une place indéniable et Pétronille ne déroge pas ni à l'un, ni à l'autre.
C'est un livre qui se vendra à plus de 300 000 exemplaires, ce qui permet à notre écrivaine de pouvoir vivre et boire de sa plume. Soit dit en passant, elle doit consacrer autant de temps à écrire à ses lecteurs qu'à rédiger ses romans. C'est la rançon de son succès et surtout de ses promesses d'entretenir la correspondance avec ses fans. Elle ne se lasse pas d'affirmer qu'elle adore aussi les rencontrer. C'est parfois le sujet d'un roman, voire de deux puisque Pétronille, comme Une forme de vie, est aussi centré sur cela.
C'est bien entendu toujours un roman à clés, pour le plus grand bonheur de son lectorat.
Donc, je jette la clé du chapeau qui, pourtant me semblait lui aller comme un gant. Peut-être devrais-je lui envoyer une lettre pour le lui suggérer ? Avec quelques clichés pris à Caussade, où l'industrie du chapeau de paille est d'abord née de l'emploi des pailloles, tressées par les gardeuses de brebis des Causses.
L'initiative de les coudre pour en faire des chapeaux provient de Pétronille Cantecor (1762-1846), à l'origine paysanne vendeuse sur le marché. En 1860, le chemin de fer permettra l'essor de l'industrie chapelière, en facilitant la venue de lourdes machines modernes. Bientôt la paille locale est insuffisante, elle est importée d'Italie ou sous forme de paille de riz d'Extrême-Orient.La mode chapelière subit les aléas de la mode et aussi les crises. Mais quelques chapelleries sont encore actives et je crois savoir que Roland Garros s'y fournit toujours ... ainsi que la royale Elisabeth d'Angleterre.
Couleront donc des flots de Veuve-Clicquot (meilleur après 36 heures de jeune), Roederer, Laurent-Perrier, Moët, Taittinger, Krug, Philipponnat, Perrier-Jouët, Jean Josselin (dont j'apprends qu'il a un goût de levure), Piper-Heidsieck (qu'elle rafraichit dans la neige), Dom Pérignon, Joseph-Perier, Dom-Ruinart blanc de blanc, et même Baron Fuente, qui n'est connu que d'une poignée d'initiés.
Si après une telle publicité on ne lui adresse pas des cuvées spéciales pour provoquer une citation dans le prochain roman c'est à désespérer des relations publiques.
J'aurai une pensée pour elle à la prochaine édition des Habits de lumières d'Epernay où je suis surprise qu'elle ne soit pas invitée. A force de crier au ... champagne, une forme d'usure se fait peut-être sentir ...
L'ivresse ne s'improvise pas. Elle relève de l'art (p. 7). Amélie se dédouane de passer pour une poivrote en cherchant un convignon ou une convigne (elle a décidément le talent des néologismes) avec qui partager sa passion. Rien n'est plus difficile que de trouver la bonne personne avec qui boire prétend-elle. Car il faut avoir le vin gai !
Logique qu'elle la trouve parmi ses lectrices venues en dédicace puisque c'est une de ses occupations favorites. Ce sera le moyen de rendre hommage à l'une de ses amies, Stéphanie Hochet ... la clé vient de tomber dans la flute.
Car Stéphanie, alias Pétronille, s'avèrera écrivaine elle aussi. Décrypter les titres donnés dans le roman est un jeu d'enfant :
- Vinaigre de miel pour Moutarde douce
- l'Apocalypse selon Ecuador pour l'Apocalyse selon Embrun
- Les Coriaces pour les Infernales
- Je ne sens pas ma force pour Je ne connais pas ma force
- Aimer le ventre vide pour Le combat de l'amour et de la faim
- La distribution des ombres pour la distribution des lumières
- Les immédiates pour Les éphémérides
- Le sang du chagrin pour Sang d'encre
On peut s'interroger sur cet éloge du chat ... je veux dire de celle qu'elle décrit comme son contraire, extrêmement française, avec une gouaille qui la place à mi-chemin entre Zazie dans le métro et Christopher Marlowe, très insolente, garçon manqué et impertinente, grande spécialiste élisabéthaine, aussi bien dans la fiction que dans la réalité.
On suit leurs disputes, de vraies altercations comme dans une vraie amitié.
Amélie Nothomb copie un extrait d'une lettre que Jacques Chessex, l'écrivain suisse disparu l'an dernier, aurait envoyé à son héroïne, lui jurant (p. 141) qu'elle faisait désormais "partie de ses fous", ce que Stéphanie Hochet a publiquement révélé et que l'on peut lire sur son site.
Malheureusement Pétronille ne vit pas de ses livres, elle, et met du beurre dans les épinards en louant son corps à la science pour des essais thérapeutiques. Les noms des médicaments cités n'existent pas, mais cette révélation jette un certain effroi, tout autant que l'activité à laquelle elle se livrera à la fin, avant de filer comme un chat, pirouette nothombienne ultime.
Entre temps elle aura rendu également hommage aux libraires qui l'accueillent si bien (avec du champagne) en donnant des noms et des adresses rigoureusement exacts. A commencer par l'Astrée, 69 rue de Lévis dans le 17 ème, connue pour investir le trottoir et y improviser un apéritif après la dédicace. Elle poursuit avec Le Merle Moqueur, 51 Rue de Bagnolet, dans le 20 ème.
Elle nous fait cadeau de quelques heures passées à Londres pour interviewer Vivienne Westwood, cette vieille et géniale créatrice de la crinoline punk. L'entrevue est désastreuse et la créatrice se révèle être une créature parfaitement odieuse. Amélie règle ses comptes en précisant qu'elle n'invente rien.
Cette femme qui confie en interview sa peur d'être dévorée par ses lecteurs se livre en pâture. Qu'elle ne s'étonne pas de provoquer ce qu'elle redoute, à force de jouer avec la fiction et la folie. Je referme le livre en me demandant si à trop s'exposer, elle ne finira pas par perdre son identité, elle qui craint tant qu'on ne la lui vole. C'était le sujet principal du Fait du prince et cela reste en filigrane celui de ce dernier roman.
On suit leurs disputes, de vraies altercations comme dans une vraie amitié.
Amélie Nothomb copie un extrait d'une lettre que Jacques Chessex, l'écrivain suisse disparu l'an dernier, aurait envoyé à son héroïne, lui jurant (p. 141) qu'elle faisait désormais "partie de ses fous", ce que Stéphanie Hochet a publiquement révélé et que l'on peut lire sur son site.
Malheureusement Pétronille ne vit pas de ses livres, elle, et met du beurre dans les épinards en louant son corps à la science pour des essais thérapeutiques. Les noms des médicaments cités n'existent pas, mais cette révélation jette un certain effroi, tout autant que l'activité à laquelle elle se livrera à la fin, avant de filer comme un chat, pirouette nothombienne ultime.
Entre temps elle aura rendu également hommage aux libraires qui l'accueillent si bien (avec du champagne) en donnant des noms et des adresses rigoureusement exacts. A commencer par l'Astrée, 69 rue de Lévis dans le 17 ème, connue pour investir le trottoir et y improviser un apéritif après la dédicace. Elle poursuit avec Le Merle Moqueur, 51 Rue de Bagnolet, dans le 20 ème.
Elle nous fait cadeau de quelques heures passées à Londres pour interviewer Vivienne Westwood, cette vieille et géniale créatrice de la crinoline punk. L'entrevue est désastreuse et la créatrice se révèle être une créature parfaitement odieuse. Amélie règle ses comptes en précisant qu'elle n'invente rien.
Cette femme qui confie en interview sa peur d'être dévorée par ses lecteurs se livre en pâture. Qu'elle ne s'étonne pas de provoquer ce qu'elle redoute, à force de jouer avec la fiction et la folie. Je referme le livre en me demandant si à trop s'exposer, elle ne finira pas par perdre son identité, elle qui craint tant qu'on ne la lui vole. C'était le sujet principal du Fait du prince et cela reste en filigrane celui de ce dernier roman.
Billet consacré à La nostalgie heureuse, 22 août 2013
Billet consacré à Barbe bleue, 24 août 2012,
Billet consacré à Tuer le père, 17 août 2011
Billet consacré à Une forme de vie, 29 août 2010, tous parus chez Albin Michel
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