On pénètre dans la salle par le fond de scène, drapé de pendrillons bleus et blancs. Une méridienne immaculée attend les confessions, faisant le pendant à une table recouverte d'un drap blanc. Sur les cotés des reproductions de gâteaux plus fantaisistes les uns que les autres sont suspendus en guise de cloison. Le sol, noir, est constellé de confettis blancs. La fête a-t-elle eu lieu ou sommes nous attendus pour la vivre ?
La chanteuse fait son entrée sur un air de cha cha et des claquements de papinettes. Alfredo Arias suit et annonce une mise au point : les voiles sont trois drapeaux argentins (on avait deviné). Les confettis sont tristes. La chanteuse chante pour de vrai en direct.
Après cela, la Comédie pâtissière peut se jouer. Nous apprendrons que les inventions culinaires, totalement surréalistes, sont imputables à une certaine Dona Petrona dont on pourrait se demander si c'est un personnage de fiction ou une cuisinière qui a réellement existé.
La chapelle de mon village, l'épi de maïs, la ruche, le manège, le tambour, livre de prières… autant de recettes exigeantes, onéreuses et tarabiscotées nous dit Alfredo Arias à propos de cette femme dont il guettait les apparitions sur la télévision noir et blanc des années 50 de son enfance, pour survivre dans un cadre familial étouffant, au sein d'une patrie peroniste et pétroniste.
Tandis que sa mère s'acharnait à museler des penchants homosexuels qui la contrariait, la fée pâtissière de la dramaturgie influençait tout son univers plastique théâtral. Il la convoque chaque soir pour un dialogue imaginaire avec le fantôme de son esprit, ponctuée de chansons dont il insiste beaucoup à nous faire croire qu'elles sont toutes interprétées sans play-back par une "vraie" femme.
Alfredo Arias nous a habitué depuis longtemps à un théâtre biographique. Trio racontait la vie recluse de ses tantes paternelles. Il a poursuivi l'exploration de son enfance et ses retrouvailles avec son pays natal notamment avec Mortadela. Il a suivi des années de psychanalyse, d'où le divan. Il a beaucoup de talent et on peut s'émouvoir de le voir interpréter lui-même son propre rôle, qui plus est dans cette salle Copi... On repense à sa première création à Paris au Théâtre de l’Epée de Bois avec Eva Perón de ... Copi qui deviendra son ami et dont il montera tant de pièces, La Femme assise, Loretta Strong, Les Escaliers du Sacré Cœur, Le Frigo et Cachafaz.
Cette comédie pâtissière est débridée, poétique, baroque. D'aucuns apprécieront cette conversation intime avec une infinie tendresse pour le clown blanc qui transforme encore ses misères en théâtre. D'autres, moins indulgents, pourraient demeurer imperméables au déroulé du fil de caramel mou, dur ou fondant de l'artiste, ne pas souhaiter ouvrir son four mental si pictural et en fin de compte pathétique.
Alfredo Arias a sans doute la perception du risque en nous suppliant aux saluts de rester enfants et de continuer à applaudir.
Texte et mise en scène Alfredo Arias
avec Alfredo Arias, Sandra Macedo, Andrea Ramirez
Espace scénique Alfredo Arias
du 18 septembre au 18 octobre 2015, du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30
Théâtre de la Tempête, Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris
La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Michèle Laurent
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